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Risque industriel et plans de secours.
Par Benjamin VANLERBERGHE
Consultant en Environnement industriel (entreprise unipersonnelle)
Posté le: 24/10/2011 12:47
La loi de modernisation de la sécurité civile (Loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile) a repensé le plan ORSEC et donc l’organisation des secours en France. Pour les Installation classées, un projet de circulaire encadrant les plans d’Opération Interne (POI) et les Plan Particulier d’Intervention (PPI) est en cours d’étude.
Ce projet de circulaire est donc l’occasion de faire un point sur l’état de la réglementation actuelle en ce qui concerne l’organisation des secours aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du périmètre d’une installation classée.
Seront donc successivement envisagés les POI (1) puis les PPI (2) avant de voir l’articulation existante entre ces deux plans dans le cas d’un scénario accidentel (3).
1. Le POI (plan d’Opération Interne)
Qu’est ce qu’un POI ?
Le plan d’opération interne est un document établi par l’exploitant, sous sa responsabilité et qui rassemble les mesures d’urgences à mettre en œuvre au sein de l’établissement en cas d’accident.
Le POI a pour objectifs a quatre objectifs :
- Placer l’établissement dans un état de sûreté le moins dégradé possible
- Limiter les conséquences de l’accident qui a nécessité le déclenchement du POI
- Assurer l’alerte des secours publics
- Informer les autorités responsables (maire de la commune et préfet).
1.1: Qui est concerné par un POI ?
L’article 9 de la directive n°96-82 « SEVESO » du 9 décembre 1996, transposé en droit français au travers de l’arrêté du 10 mai 2000 relatif à la prévention des accidents majeurs impliquant des substances ou des préparations dangereuses présentes dans certaines catégories d'installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation, impose notamment aux exploitants d’installations classées l’établissement d’un « plan d’urgence interne » en cas de sinistre à l’intérieur de l’établissement (ou en cas de contexte susceptible de conduire à un accident majeur).
Notamment, certains exploitants doivent établir des Plans d’Opérations Internes (POI) visant à maîtriser le développement d’un sinistre survenant dans une installation afin de protéger les populations et l’environnement conformément à l’article L.511-1 du code de l’environnement.
Il s’agit des établissements soumis à Autorisation avec Servitudes (AS), c'est-à-dire plus généralement les installations classée SEVESO, au titre de la législation sur les installations classées ainsi que des établissements pour lesquels un arrêté ministériel le prévoit. Elle est également applicable aux installations classées autorisées présentant des risques particuliers pour les personnes et l’environnement pour lesquelles, après consultation des Services Départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS), un POI est imposé par arrêté préfectoral pris en application de l’article R.512-29 du Code de l’environnement. Le POI doit alors être réalisé dans le délai fixé par l’arrêté. Il doit être mis à jour et testé tous les trois ans.
Cette obligation qui pèse sur l’exploitant trouve également sa source dans le code du travail : l’article L4525-1 impose à l’exploitant de disposer de moyens suffisant de prévention, de lutte contre l’incendie et de secours afin d’assurer la sécurité des personnes occupées dans l’enceinte de l’établissement.
1.2: La procédure et mise en œuvre du POI :
Le POI est établit par l’exploitant et sous sa responsabilité. Selon l’article R.512-29 du code de l’environnement, le POI « définit les mesures d'organisation, les méthodes d'intervention et les moyens nécessaires que l'exploitant doit mettre en œuvre pour protéger le personnel, les populations et l'environnement ». Il est établi avant la mise en service de toute nouvelle installation.
Le POI est élaboré sur la base d’une étude de dangers des installations qui recense les dangers potentiels et les principaux risques. Dans le cadre e cette élaboration diverses consultation sont prévues : ainsi l’exploitant devra consulter le SDIS (Services Départementaux d’incendie et de Secours) en vertu de la circulaire du 30 décembre 1991 ainsi que le CHSCT si il existe (article L4525-1 du code du travail). Enfin le POI est communiqué à l’Inspection des Installations classée qui va en vérifier la validité.
En cas d’accident, l’exploitant déclenche l’application du POI et dirige les secours. Il peut à ce titre, par exemple, arrêter la circulation sur les voies publiques proches de l’installation ou réaliser les premières évacuations.
Si l’accident a des effets qui risquent de dépasser ou dépassent les limites de propriété de l’installation exploitée, le préfet a alors la responsabilité de déclencher des plans plus importants comme le PPI (Plan Particulier d’intervention).
2. Le PPI (plan particulier d’intervention) :
2.1: Qu’est ce qu’un PPI ?
La loi de modernisation de la sécurité civile rappelle que l’organisation des secours revêtant une ampleur particulière fait l’objet du plan ORSEC. Celui-ci comprend des dispositions spécifiques, prévoyant les mesures à prendre et les moyens à mettre en œuvre pour faire face à des risques de nature particulières. Les PPI ou plan particulier d’intervention entrent dans ce cadre (décret n°2005-1157 relatif au plan ORSEC et décret n°20051158 relatif au PPI)
Les PPI sont élaborés et arrêtés par le préfet. Ils définissent les mesures à prendre aux abords de l’établissement concerné dans l’hypothèse où les conséquences d’un sinistre débordent des limites de l’établissement.
2.2: Qui est concerné par le PPI ?
Les installations concernées par la mise en place d’un Plan Particulier d’Intervention sont :
- les sites comportant au moins une installation nucléaire de base, qu'elle soit ou non secrète,
- les installations classées de type SEVESO,
- les stockages souterrains de gaz naturel, d'hydrocarbures liquides, liquéfiés ou gazeux, ou de produits chimiques à destination industrielle,
- les aménagements hydrauliques qui comportent à la fois un réservoir d'une capacité égale ou supérieure à 15 millions m3 et un barrage ou une digue d'une hauteur d'au moins 20 mètres au-dessus du point le plus bas du sol naturel,
- les ouvrages d'infrastructure liés au transport des matières dangereuses,
- les établissements utilisant des micro-organismes hautement pathogènes dans le cadre d'une activité de recherche médicale ou pharmaceutique.
Décret n° 2005-1158 du 13 septembre 2005 relatif aux plans particuliers d'intervention.
Si la réalisation d’un PPI est obligatoire pour une installation classée, il a été admis que l’absence de PPI n’avait pas de conséquence sur la régularité de l’arrêté d’autorisation.
Cour Administrative d’Appel de Lyon, 17 novembre 1992, Sté Agrishell.
3. Articulation entre exploitant (POI) et secours publics (PPI) :
Le déclenchement par l’exploitant de son POI ne conduit pas nécessairement au déclenchement du PPI.
Cependant, et indépendamment de l’obligation de notification relevant de l’article R 512-69 du Code de l’environnement, il est de bonne pratique que l’exploitant ou son représentant informe les secours publics lors de la survenue d’un événement ayant conduit au déclenchement du plan d’opération interne.
La réaction des pouvoirs publics qui va en découler dépendra des choix arrêtés préalablement tenant compte notamment du règlement opérationnel du SDIS et du cas particulier de l’établissement. Elle pourra, par exemple, donner lieu à positionner un officier de liaison au sein du poste de commandement de l’exploitant, à l’acheminement d’une équipe d’évaluation ou à la mise en place d’une cellule de veille au CODIS (centre opérationnel départemental d’incendie et de secours). Dans un tel cas, cet officier de liaison n’a pas de rôle opérationnel au niveau de l’intervention. En revanche, il rend compte au CODIS de la situation et anticipe, en lien avec l’exploitant, une éventuelle montée en puissance du dispositif. Cette dernière peut s’opérer, notamment, en pré-mobilisant des moyens de secours publics.
Lorsque l’événement est susceptible de nécessiter l’intervention des secours publics, l’exploitant ou son représentant alerte la préfecture et les secours publics. Cette demande doit être formalisée.
3.1: POI - Intervention de secours publics
Un POI peut comprendre l’intervention des secours publics suivant la nature des événements.
L’exploitant peut demander l’intervention des secours publics soit dès le déclenchement du POI, soit en cours de POI pour anticiper une éventuelle évolution défavorable.
Dès l’intervention des secours publics, la Direction des Opérations de Secours est assurée par l’autorité de police (Préfet – Maire : le DOS)) qui s’appuie sur le Commandant des Opérations de Secours (COS) qui assure le commandement des moyens de lutte contre le sinistre.
Dès que les conditions de son intervention sont rassemblées, le COS informe l’exploitant qu’il prend le commandement. La passation de commandement du DOI (Directeur des opérations interne) au COS doit être formalisée.
Dans cette configuration, l’exploitant reste responsable de la gestion et de la mise en sécurité de ses installations industrielles. Il doit fournir les informations techniques et circonstanciées aux pouvoirs publics.
Les mesures prises par le Commandant des Opérations de Secours sous l’autorité du Directeur des Opérations de Secours, dans le cadre de la gestion du sinistre, le sont en accord avec l’exploitant. En cas de désaccord entre l’exploitant et le Commandant des Opérations de Secours, les mesures jugées utiles sont prises sous l’autorité et la responsabilité de la Direction des Opérations de Secours.
3.2: Passage en PPI
L’articulation entre le POI et le PPI est l’un des facteurs de réussite pour garantir la sécurité des populations. Cette articulation est non seulement essentielle dans la phase d’évolution du phénomène conduisant du POI vers le PPI mais également durant toute la période où le préfet est directeur des opérations de secours.
Le passage de POI à PPI doit être demandé de façon formelle :
- Soit par le DOI dans le cadre d’un POI sans intervention des secours publics,
- Soit par le COS dans le cadre d’un POI avec intervention des secours publics.
Le passage effectif en PPI est formalisé par le DOS.
Selon les caractéristiques de l’événement (installation en cause, scénario accidentel, nature et effets redoutés) la phase opérationnelle du PPI peut être engagée directement.
3.3: Mesures d’urgence incombant à l’exploitant
Conformément à l’article 5 du décret n°2005-1158 des mesures d’urgence sont susceptibles d’incomber à l’exploitant pour le compte de l’autorité de police :
« 4° Les mesures incombant à l'exploitant pour la diffusion immédiate de l'alerte auprès des autorités compétentes et l'information de celles-ci sur la situation et son évolution, ainsi que, le cas échéant, la mise à la disposition de l'Etat d'un poste de commandement aménagé sur le site ou au voisinage de celui-ci ;
5° Les mesures incombant à l'exploitant à l'égard des populations voisines et notamment, en cas de danger immédiat, les mesures d'urgence qu'il est appelé à prendre avant l'intervention de l'autorité de police et pour le compte de celle-ci, en particulier :
a) La diffusion de l'alerte auprès des populations voisines ;
b) L'interruption de la circulation sur les infrastructures de transport et l'éloignement des personnes au voisinage du site ;
c) L'interruption des réseaux et canalisations publics au voisinage du site »
Cette délégation et le détail de ces mesures sont formalisés dans le cadre d’un arrêté préfectoral.
Néanmoins, la mise en œuvre de ces mesures d’urgence ne préjuge pas de la décision du préfet de passer en PPI.
[EDIT octobre 2011:
Le projet de circulaire mentionné dans le corps de l'article a fait l'objet d'une publication (Bulletin officiel du 25 juin 2011). Selon le Ministère de l'écologie, cette circulaire destinée aux préfets a pour ambition de clarifier les rôles et responsabilités des différents acteurs impliqués dans la gestion d'un événement accidentel prenant naissance dans une installation classée soumise à un plan d'opération interne (POI).
lien vers la circulaire:
http://www.circulaires.gouv.fr/pdf/2011/06/cir_33260.pdf ]