Le rapport technique du Cirad s'intéresse aux effets de la crise de l'eau sur la petite agriculture et s'appuie sur un premier constat : la demande en eau augmente deux fois plus vite que la population mondiale.

« L'utilisation des ressources en eau dans l'agriculture est en augmentation du fait des changements d'alimentation, de l'intensification agricole et de l'urbanisation », explique Caroline Legares, chercheuse en sciences de gestion au Cirad, directrice adjointe de l'unité de recherche G-EAU et coordinatrice du rapport. "La consommation de viande a augmenté de 60% au cours du 20e siècle. Les villes s'installent sur des terres fertiles, à proximité des points d'eau, déplaçant les terres cultivées sur des sols moins propices aux cultures et souvent plus gourmands en eau." A cela s'ajoute la concurrence pour d'autres usages de l'eau, comme la production d'énergie.

Selon les auteurs du rapport, les politiques publiques des 10 dernières années ont beaucoup investi dans l'irrigation et les principales infrastructures hydrauliques. Caroline Legras ajoute : "Les politiques publiques ont cherché à augmenter l'approvisionnement en eau et à développer l'irrigation. L'accès sécurisé à l'eau a sorti des millions de personnes de la pauvreté. Mais ces politiques ont également accru les inégalités et encouragé la surexploitation des ressources en eau".

Au-delà des impacts environnementaux, la raréfaction des ressources en eau accroît déjà les inégalités sociales et les migrations. Dans de nombreuses régions, les techniques de pompage traditionnelles ne suffisent plus pour accéder à l'eau des aquifères presque asséchés. Les petites fermes qui n'ont pas l'argent pour investir dans de nouvelles technologies, pomper l'eau de mer ou dessaler l'eau de mer, sont laissées à l'abandon.

Le Cirad mène depuis plus de 10 ans plusieurs projets de développement et de recherche sur les approches régionales de la gestion de l'eau. S'appuyant sur la force de cette expérience, les auteurs du rapport soulignent les avantages des politiques territoriales pour impliquer les communautés locales, mais aussi leur efficacité à intégrer différents secteurs dans leur développement.

Caroline Legares explique : "Les politiques de l'eau, du foncier, de l'énergie et de l'alimentation sont encore souvent construites en silos, alors que les réponses nécessitent une coordination étroite entre ces différents secteurs. Les politiques territoriales, à travers des approches participatives notamment, permettent de mieux appréhender ces interdépendances et d'y répondre de manière plus appropriée. Mieux vaut compliquer ces questions."

Entre autres recommandations, le rapport met en lumière les solutions techniques offertes par les pratiques agroécologiques dans les systèmes irrigués. L'agroécologie est souvent négligée dans le contexte de l'irrigation, pourtant de nombreuses petites exploitations utilisent des cultures irriguées pour s'adapter aux pénuries d'eau. Dans le cadre de projets comme IRRINN ou VIANA, le Cirad travaille à faire le point sur ces pratiques, pour ensuite les diffuser dans des territoires aux problématiques similaires.