Le congrès des notaires ne s’y est pas trompé en choisissant le développement durable comme thème de réflexions et propositions lors de son déroulement à Nice il y a quelques semaines (v. Développement durable, un défi pour le droit, 104e congrès des notaires de France), tant il est vrai que la vente immobilière s’avère un moment privilégié pour informer le contractant de certains risques environnementaux tout en recensant des données d’intérêt général (sur cette idée, O. Herrnberger, Le notariat, relais de la gouvernance écologique : Environnement avril 2008, p. 1, M. Boutonnet, Le contrat et le droit de l’environnement, RTD civ. 2008/1, p. 1). Il en est ainsi de l’information concernant l’ancienne existence d’une installation classée sur le terrain objet de la vente, issue de l’article L. 514-20 al 1 du Code de l’environnement, selon lequel : « lorsqu’une installation soumise à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur : il l’informe également, pour autant qu’il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation ». En substance, le vendeur doit informer l’acquéreur de différents éléments : lui indiquer qu’une installation classée soumise au régime des autorisations a été exploitée sur le terrain vendu et lui indiquer, s’il les connaît, les risques en résultant (sur ce point X. Lièvre et A. Dupie, Teneur de l’obligation d’informer de l’article L. 514-20 C. env. : JCP N 2005, 1394). Pourtant malgré cette apparente clarté, le contenu et la force de cette obligation font depuis quelques années l’objet de litiges importants. Pour en rendre compte rient de tel que de retracer son parcours jurisprudentiel …

1) Tout commence par des précisions sur la force de cette obligation :

C’est en effet dans un arrêt très important dit Commune de Dardigny que la troisième chambre civile de la Cour de cassation a pris soin de rendre compte de la force impérative de l’article L. 514-20 al 1 (3e civ. 12 janvier 2005, JCP N 2005, n° 38, note M. Dagot, RD imm 2005 p. 104, note F.G Trébulle ; D. 2006, p. 50, note M. Boutonnet). En l’espèce, une commune avait acheté un terrain sans que le vendeur l’informe du fait qu’une installation classée soumise à autorisation y avait été exploitée pendant un certain nombre d’années. La Cour de cassation confirme alors la résolution de la vente. Or, il apparaît que dans les faits, l’acheteur connaissait parfaitement l’existence de cette installation. La Cour de cassation ne s’en satisfait pas : l’information doit être impérativement donnée par écrit à l’occasion de la vente (promesse ou acte authentique) et cela que le vendeur soit ou non de bonne foi quant à la connaissance de l’information litigieuse. La vente des sites pollués semble ainsi contraster en imposant un formalisme impératif indifférent au statut des parties : seule compte la qualité de vendeur et d’acheteur. En effet, la Cour de cassation prend le contre-pied du droit commun des contrats qui se soucie des compétences des parties : alors que l’acheteur-profane est présumé ignorant, le professionnel est traité plus sévèrement. Celui qui connaît déjà l’information n’a pas à la recevoir. La solution est surtout sévère pour le vendeur profane : alors que le droit commun des contrats tend à l’excuser de ne pas informer s’il ne peut connaître l’information, la solution du 12 janvier 2005 laisse à penser que le vendeur ne pouvant aucunement dans les faits connaître l’information à délivrer devra pourtant la donner ! C’est ici glisser de l’obligation d’informer à l’obligation de se renseigner. On peut alors se demander si l’intérêt général ne l’emporte pas sur l’intérêt privé, l’information environnementale devant être recensée le mieux possible.

2) Et tout continue avec le champ d’application de l’obligation :

- D’une part, dans un arrêt du 20 juin 2007, la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue clarifier le type d’installation visée par l’article L. 514-20 C. env. (v. 3e civ., n° 06-15.663, Sté Biscuiterie du nord : Env. 2007, comm. 158, M. Boutonnet – JCP N 2007, 1303, note O. Herrnberger). En l’espèce, examinant la possible résolution d’un acte de vente dans lequel le vendeur avait omis d’informer de l’existence d’une installation classée, le juge affirme que la Cour d’appel devait rechercher s’il s’agissait d’une installation soumise à autorisation ou déclaration. En d’autres termes, le champ d’application de l’obligation d’information issue de l’article L. 514-20 ne concerne pas toutes les installations classées, mais uniquement, comme l’indiquent les termes de la loi, les installations soumises à autorisation. On notera alors que le vendeur se trouve pour une part soulagé et que cette conception stricte du champ d’application contrebalance la rigidité de sa force impérative ! Ce n’est ici aucunement surprenant puisque la cour de cassation était déjà venue implicitement le préciser dans son arrêt Sté Dassault (3e civ. 17 nov. 2004, n° 0314038, JCP A 2005, p. 1127 note Ph. Billet). Dans cette décision, le juge était allé encore plus loin en précisant comment déterminer l’installation classée soumise à autorisation : contrairement au juge administratif (CE 16 nov. 1998, Cie Bases lubrifiantes, RJE 1999/4 p. 641), il exige que l’article L. 514-20 ne s’applique qu’aux installations soumises à autorisation « au regard de la législation et réglementation en vigueur » au moment de l’exercice de l’activité. Le vendeur, ou plutôt le notaire, est donc contraint de rechercher si la nomenclature existant à l’époque de l’activité considérait qu’il s’agissait d’une installation devant être soumise au régime de l’autorisation.

- D’autre part, dans un récent arrêt en date du 9 avril 2008, la troisième chambre civile est venue apporter une précision sur le champ d’application temporel de l’article L. 514-20 al 1 : s’il est vrai que les termes de la disposition laissaient penser qu’il s’agissait uniquement des installations qui avaient existé sur le terrain en vente mais qui avaient cessé lors de la vente et que la doctrine l’entendaient également ainsi, une clarification de la Cour de cassation était bienvenue tant les intérêts environnementaux pouvaient pousser à étendre le champ d’application de cet article. Or, dans cet arrêt, la Cour de cassation s’y refuse : elle affirme clairement que l’article L. 514-20 al 1 C. env. « ne s’applique pas à la vente d’un terrain sur lequel l’exploitation d’une installation classée est en cours » (v. D. 2008, AJ p. 1275). Il est donc clair dorénavant que le terme employé par la disposition légale se référant à une installation qui « a été exploitée » doit être entendu strictement. Finalement, associé à l’arrêt du 20 juin 2007, ce récent arrêt montre que la Cour de cassation n’entend pas assouplir le champ d’application de l’obligation d’information légale relative aux installations classées.

- Reste enfin à savoir quelle est l’étendue de l’information : sur ce point, pour l’instant, c’est vers un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris qu’il faut se tourner (SCI Clavel Pasteur du 13 fév 2003 rendu par la Cour d’appel de Paris (JCP G 2003.II.10075, note F.G. Trébulle). Cette décision rappelle clairement le double champ d’application de l’article L. 514-20 : outre le fait que le vendeur doit informer de l’existence de l’installation, il doit aussi indiquer les risques en découlant.

On notera tout de même une dernière incertitude que pourrait à l’avenir lever la Cour de cassation, celle de savoir si, comme l’indique la disposition légale, le vendeur doit uniquement indiquer les dangers ou inconvénients qu’il connaît. En d’autres termes, le formalisme impératif indifférent à la connaissance de l’information par les parties pourrait-il s’étendre à l’indication des dangers ou inconvénients résultant de l’installation ? Ultime question qui pourrait prochainement être posée à la Cour de cassation pour parfaire le parcours jurisprudentiel de l’article L. 514-20. En attendant : « force d’application rigide mais champ d’application limité », tel est ce que les parties à la vente et surtout les notaires doivent en retenir de cette information environnementale, sans pour autant oublier que le droit commun n’est jamais bien loin pour appréhender les autres risques environnementaux, installations classées uniquement déclarées ou installations encore exploitées …