Récemment décriée dans des affaires d’atteinte sexuelles sur mineures, la prescription fait l’objet de débats récurrents, notamment en matière pénale.
Doit-on rendre certains crimes imprescriptibles ? Doit-on l’allonger ?
Plus consensuelle en matière civile, la prescription n’est pas moins traître pour qui laisse filer le temps.
Monsieur A qui est propriétaire d’une parcelle de bois en a fait l’amer expérience.

Il fait appel à Monsieur B pour réaliser une coupe de végétaux sur son terrain en août 2014.
Les travaux sont réalisés mais Monsieur A reproche à Monsieur B d’avoir coupé des arbres non compris dans le contrat, d’avoir conservé les bois et dégradé les grillages attenants.
Monsieur A porte plainte pour vol et dégradations au Bureau d’ordre pénal en septembre 2014, puis se voit convoqué pour une audition au commissariat de police en 2018.
Les forces de l’ordre ne donnant pas suite, Monsieur A enregistre une plainte avec constitution de partie civile en septembre 2019 aux termes de laquelle il indique se constituer partie civile, sans préciser qu’il souhaite être indemnisé. Le juge d’instruction saisi rend une ordonnance de non-informer.
De guerre lasse, Monsieur A assigne finalement Monsieur B devant le Tribunal judiciaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle en 2021.
Ce dernier signifie alors des conclusions d’incident soulevant l’irrecevabilité des demandes de Monsieur A pour cause de prescription.
Monsieur A soutient que l’action est imprescriptible car se rattachant à une action immobilière (dégradation de la parcelle), citant un arrêt rendu par la Cour de cassation.
Surtout, au visa de l’article 9-2 du Code de procédure pénale, il croit justifier d’une interruption de la prescription :
- par la plainte déposée au bureau d’ordre pénal,
- par la convocation à une audition au commissariat.
Pourtant, l’arrêt rendu par la cour de cassation en 2015 concerne une action en réparation après empiètement par appropriation du sous-sol, action de nature immobilière donc imprescriptible, bien différente de notre espèce.
D’ailleurs, Monsieur B était assigné sur le seul fondement de la responsabilité contractuelle, régi par la prescription quinquennal de l’article 2224 du Code civil.
S’agissant de l’interruption de la prescription, l’article 9-2 du Code de procédure pénale visé par Monsieur A concerne l’interruption de l’action publique et non celle de l’action civile.
Les causes d’interruption de la prescription de l’action civile sont visées aux articles 2240 à 2246 du Code civil.
Plus particulièrement, l’article 2241 de ce code dispose que :
« La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure. ».
Or, l’action civile est engagée devant les juridictions pénales uniquement par une plainte avec constitution de partie civile et le délai de prescription de l’action civile n’est interrompu que par cette demande en justice.
La jurisprudence est constante en la matière et considère que la demande en justice devant une juridiction pénale peut être constitutive d’une cause d’interruption de la prescription.
Les juges sont exigeants en la matière puisque la constitution de partie civile devant la juridiction répressive faite aux seules fins de corroborer l’action publique et non accompagnée d’une demande en réparation d’un préjudice est insuffisante pour interrompre la prescription.
Le délai de prescription quinquennale est bien applicable au cas d’espèce, interrompu un mois après expiration du délai par la seule plainte avec constitution de partie civile, si tant est que celle-ci soit interruptive de prescription au regard de son formalisme lacunaire.
Pour paraphraser Jules Renard, « le temps perdu ne se rattrape jamais ». En cas de litige, les conseils d’un spécialiste peuvent éviter bien des déconvenues!