La Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt n°C-559/19 Commission/Espagne du 24 juin 2021, condamne l’Espagne pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour éviter les perturbations des types d’habitats protégés situés dans ce parc naturel occasionné par un captage d’eau illégal et ainsi a causé la détérioration un espace naturel protégé.

L’espace naturel de Doñana situé en Andalousie, au sud-ouest de l’Espagne, comprend notamment le parc national de Doñana et le parc naturel de Doñana. En 2006, trois zones protégées d’importance communautaire au titre de la directive « habitats » ont été désignées dans ce dernier parc : Doñana (déjà zone de conservation des oiseaux depuis 1987, Doñana Norte y Oeste et Dehesa del Estero y Montes de Moguer.

Au cours de l’année 2009, la Commission et le Parlement ont reçu plusieurs plaintes et pétitions dénonçant la détérioration des habitats de l’espace naturel protégé de Doñana. En effet, c’est aussi dans cet espace que se trouvent, en dehors de ces zones protégées, les zones de culture européennes les plus importantes pour les fruits rouges, en particulier les fraises, pour l’irrigation desquelles des quantités importantes d’eaux souterraines sont puisées. Ce captage dépasse, dans certaines zones, le renouvellement des eaux souterraines, ce qui entraîne, depuis de nombreuses années, une baisse de leur niveau.

La Commission estimait que cette situation était constitutive d’un manquement au droit de l’Union, à savoir l’interdiction de détérioration prévue par la directive-cadre sur l’eau ainsi que, en ce qui concerne divers habitats dans les zones protégées qui s’assèchent du fait de la baisse du niveau des eaux souterraines, l’interdiction de détérioration prévue par la directive « habitats ». Elle a donc saisi la Cour d’un recours en manquement à l’encontre de l’Espagne.

Dans son arrêt, la Cour constate que l’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive cadre sur l’eau, et ce à deux égards. En premier lieu, l’Espagne n’a pas pris en compte le captage d’eau illégal et le captage d’eau destiné à l’approvisionnement urbain lors de l’estimation du captage des eaux souterraines de la région de Doñana dans le cadre de la caractérisation plus détaillée du plan hydrologique du Guadalquivir 2015-2021. En effet, selon la Cour, le plan hydrologique du Guadalquivir 2015-2021 ne contient pas toutes les informations nécessaires pour déterminer l’incidence de l’activité humaine sur les masses d’eau souterraines de la région de Doñana, au sens de la directive-cadre sur l’eau.

En second lieu, l’Espagne n’a prévu, dans le programme de mesures établi dans le cadre de ce plan hydrologique, aucune mesure pour prévenir une perturbation des types d’habitats protégés situés dans la zone protégée Doñana par le captage des eaux souterraines.


Par ailleurs, la Cour constate aussi un manquement aux obligations découlant de la directive « habitats », eu égard au fait que l’Espagne n’a pas pris les mesures appropriées pour éviter les perturbations significatives des types d’habitats protégés, situés dans les trois zones protégées « Doñana », « Doñana Norte y Oeste » et « Dehesa del Estero y Montes de Moguer », occasionnées par le captage des eaux souterraines de l’espace naturel protégé de Doñana depuis le 19 juillet 2006.

Enfin, plusieurs données scientifiques ont permis d'établir un lien de causalité entre la surexploitation des captages d'eau situé sur le site naturel de Doñana et la baisse du niveau d'eau ayant entrainé la détérioration de l'espace naturel.

Ainsi, les juges confirment, d’une part, que les détériorations de ces habitats persistent et que l’état de ces habitats continuera à se détériorer en raison de la baisse du niveau des eaux souterraines dudit aquifère et, d’autre part, que l’Espagne n’a pas pris les mesures nécessaires aux fins de mettre un terme à de telles détérioration.