L’écrivain français Ernest Renan donnerait, dans son livre《qu’est-ce qu’une nation》une définition qui a été reprise par la commission de droit international à la nationalité comme le désir de vivre ensemble. Cette notion signifie peut-être que l’acquisition de la nationalité à défaut de la volonté de vivre ensemble pourrait être mise en cause dans le cadre du droit international.

Nous sommes ici face à l’arrêt de la Cour Internationale de Justice (ci-après la CIJ) rendu le 6 avril 1955 dans le cadre de l’affaire Nottebohm opposant le Liechtenstein au Guatemala.

En l’espèce, la partie demanderesse, le Lichtenstein a pris fait et cause devant la CIJ pour son ressortissant, M. Friedrich Nottebohm, afin d’obtenir le redressement des mesures contraires au droit international fait par le gouvernement du Guatemala contre M. Nottebohm. Le Liechtenstein a demandé à la cour de juger que la naturalisation du ressortissant est en conformité du droit international, et par conséquence le Guatemala reconnaisse le droit du Liechtenstein d’exercer sa protection diplomatique sur son citoyen. Le défendeur, le Guatemala a refusé de reconnaître Nottebohm comme citoyen du Liechtenstein et alors considérait que la requête du Liechtenstein pour le compte de Nottebohm était irrecevable et cette naturalisation ne lui était pas opposable.

La question qui se pose alors à la CIJ est celle de savoir si Nottenbohm peut bénéficier de la protection diplomatique.

Tout d’abord, la CIJ estime que le lien entre individu et État est nécessaire à la protection diplomatique, donc pour savoir la réponse de cette question, il faut vérifier si l’on peut considérer Nottebohm comme ressortissant du Liechtenstein. La CIJ se pose comme incompétente à déterminer si Nottebohm est ou non ressortissant liechtensteinois. Il est assujetti au Liechtenstein comme à tout souveraineté nationale de régir l'octroi de sa nationalité selon sa propre loi et de la conférer par ses propres organes d’après cette législation.

Ensuite la Cour affirme que si en droit interne le Liechtenstein peut attribuer la nationalité selon ses conditions, il faut qu’elle puisse être valable sur la scène internationale et avoir des effets au niveau international pour être opposable aux pays tiers en l’occurrence, au Guatemala.

Enfin, l’arbitre international considère que les effets n’ont lieu que si la naturalisation s’opère pour régulariser une situation où il y a un attachement certain avec le pays en question. En l’espèce, ce n’est pas le cas de Nottebohm car il n’a jamais résidé de manière permanente en Lichtenstein, de plus on peut penser qu’il a opéré cette demande dans le seul but de devenir belligérant d’un pays neutre.

Par ces motifs, la Cour déclare irrecevable la demande du Lichtenstein, Nottebohm ne bénéficie pas de la protection diplomatique.

Il est alors intéressant de connaître dans quelle mesure la protection diplomatique implique à la fois le droit national de la nationalité et le droit international.

Nous étudierons donc dans un premier temps l’attribution de la nationalité comme une compétence de l’état(I), et dans un second temps nous verrons la protection diplomatique sur le plan du droit international(II).


I. L’octroi de la nationalité et la protection diplomatique : compétence de l’état
Selon la CIJ, le lien de nationalité entre l’État et l’individu est indispensable pour la protection diplomatique (A). Puis elle confirme que l’attribution de la nationalité est une compétence propre aux État souverains (B).


A)Le lien de nationalité nécessaire à la protection diplomatique
La cour affirme dans cet arrêt la nécessité du lien national entre l’État et l’individu pour donner à l’État le droit de protection diplomatique. La protection diplomatique est la défense des intérêts d’un individu par l’État dont il possède la nationalité. Cette protection se fait au niveau international dans un conflit entre un État et un individuel dont les droits ont été lésés par cet État. Cependant, ce conflit ne peut pas se résoudre devant une cour internationale entre un individu et un État. Le conflit doit être inter-étatique, l’État qui a octroyé sa nationalité à une personne est seul compétent pour le représenter dans un conflit international avec un autre État. C’est pourquoi l’individu dont les droits ont été lésés doit être représenté par l’État dont il est ressortissant. Le lien national est donc nécessaire pour qu’un individu puisse bénéficier d’une protection diplomatique. Cependant, la protection diplomatique n’est jamais une obligation pour l’État, celui-ci décide de lui-même de défendre ou non les droits de son ressortissant.

Le lien entre l’individu et l’État est également important dans la question de l’attribution de la nationalité. Ainsi, l’État a une compétence exclusive dans ce domaine.


B) La compétence exclusive de l’état dans l’attribution de la nationalité
Nous devons d’abord nous rappeler ce qui consiste la naturalisation de Nottebohm. Par conséquent, la naturalisation est l'acte par lequel un état reconnaisse la nationalité à un pays qui a demandé la nationalité conformément à la loi.

Dans un première temps, La cour confirme que le Liechtenstein est seul compétent pour réglementer les conditions d’acquisition de sa nationalité selon ses propres lois. Dans une seconde temps, la cour ne valide pas la naturalisation de Nottebohm et il appartient au Liechtenstein de décider de l’accomplissement de ces conditions par Nottebohm. De cela elle réaffirme la compétence exclusive de l’Etat de l’octroi de la nationalité.

En effet, la Cour pénale internationale de justice en 1923 dans l’affaire des décrets de nationalité en Tunisie et au Maroc a posé « en l’état actuel du droit international, ces questions sont en principe comprises dans le domaine réservé aux Etats ». Dans cette affaire, la cour donc respecte ce principe de compétence exclusive de l’Etat, car elle croit que la nationalité sert à déterminer les droits et obligations dont la personne jouit dans le pays qui attribue sa nationalité. Il n’y a donc pas lieu de rechercher si le droit international pose des limites à la liberté de l’Etat d’attribuer sa nationalité, puisque cela n’a d’effet que dans le cadre interne de l’Etat.

Cependant, si la cour internationale ne est pas compétente dans l’attribution de la nationalité, elle doit donc se situer sur un autre plan pour régler le respect ou non du droit des états.


II. Intervention du droit international en matière de la protection diplomatique
Le droit international intervient dès lors que la nationalité d’un individu doit être opposée à un autre Etat. C’est dans cette hypothèse que s’applique le critère de l’effectivité de la nationalité (A). Cependant, ce principe ainsi que le raisonnement de la cour ont pu être remis en question (B).


(A) Une critère d’opposabilité de la nationalité : l’effectivité
Après avoir déclaré son incompétence de juger la validité de la naturalisation de Nottebohm, La cour donc recherche si la naturalisation de Nottebohm octroyée par le Lichtenstein a le plein droit effet pour exercer sa protection face au Guatemala.

En l’espèce, la CIJ rappelle que la protection par l’Etat de ses ressortissants est un principe du droit international. Comme nous avons étudié que le lien entre un état et ses citoyens est nécessaire pour la protection diplomatique des individus et cette protection s’applique contre un autre état. Le conflit est donc élevé dans la domaine internationale. Puis en raison du conflit fondé sur le droit international, pour juger si la naturalisation de Nottebohm est opposable au Guatemala et valide conformément au droit international, la CIJ dégage le critère de l’effectivité de la nationalité.

Elle affirme que l’état doit se conformer à « un but général de faire concilier la nationalité octroyée par lui avec un rattachement effectif de l’individu » et aussi « la nationalité est un lien juridique ayant à sa base fait social de rattachement, une solidarité d’existence d’intérêts, de sentiments jointe à une réciprocité de droits et de devoirs ». Par conséquence, pour que la nationalité soit réellement effective, il faut satisfaire plusieurs conditions non exhaustives : l’attachement effectif de l’individu à un Etat doit être caractérisé par la sincérité, un véritable lien entre l’individu et l’Etat.

Quand une nationalité attribuée selon le droit national est demandée à être opposée par l’Etat et l’individu, le droit international peut recourir au principe l’effectivité de la nationalité. Ce principe est souvent utilisé par des tribunaux pour trancher les instances introduites par des Etats agissant en protection diplomatique au profit de victimes auxquelles leur droit interne confère la qualité de ressortissant, pour vérifier si elle est opposable aux Etats défendeurs, par exemple dans l’affaire Italie contre Pérou, Canevaro, du 3 mai 1912.

Cependant, ce principe n’est pas universellement accepté. Ainsi, la jurisprudence comme la doctrine contestent le principe de l’effectivité de la nationalité.


(B) Remise en cause de la jurisprudence Nottebohm
Malgré que l’arrêt Nottebohm dégage une solution nouvelle au problème de l’opposabilité d’une nationalité sur la scène internationale, on constate que la solution rendue dans cette affaire rejoint seulement celles développées dans le cadre de litiges liés à une double nationalité.

D’une part, en effet les tribunaux internationaux utilisent cette principe de trancher des conflits concernant des problèmes de double nationalité, il n’existe pas d’exemple où un tribunal internationale aurait refusé la protection diplomatique d’un individu par un Etat contre un autre, quand la nationalité a été octroyée légalement. Mais dans cette affaire, il ne s’agit pas ici d’un problème de double nationalité, donc la jurisprudence applicable à la double nationalité ne pouvait pas s’appliquer au cas Nottebohm.

De l’autre part, l’affirmation de la cour selon laquelle l’attachement de Nottebohm au Liechtenstein manquait de sincérité en ce qu’il ne résidait pas dans le pays peut être critiquable. La nationalité ne s’effectue pas uniquement sur le territoire d’un Etat mais les nationaux vivant à l’étranger doivent être considérés et forment une partie importante de la population d’un état. De plus, il n’existe aucune règle de droit international exigeant qu’une personne naturalisée établisse sa résidence et ses activités dans le pays duquel il ressort. Ainsi, la cour n’avait aucun droit de contester la sincérité du lien de Nottebohm avec le Liechtenstein.