Les pouvoirs de l’AFA

Ladite Agence créée par la loi Sapin II succède au Service central de prévention de la corruption.
Le champ de compétence et la définition de l’Agence française anti-corruption sont définis à l’article 1 de la loi Sapin II. L’AFA est une autorité de régulation nationale sous l’égide du ministre de la justice et du ministre chargé du budget qui aide les autorités compétentes ainsi que les personnes en charge du contrôle pour l’entreprise à prévenir et à détecter les agissements contraires à la loi et aux règlements ainsi qu’au code de conduite, notamment concernant la corruption et le trafic d’influence mais également le détournement de fonds publics ou la prise illégale d’intérêt. Il lui incombe dès lors de contrôler que les mesures de lutte contre la corruption soient respectées, comme inscrit à l’article 17 III de la loi Sapin II, notamment en vérifiant l’exactitude des informations qui ont été fournies par les représentants de l’entreprise. Suite à son contrôle, l’AFA rédige un rapport contenant « les observations de l’agence sur la qualité du dispositif de prévention et de détection de la corruption mis en place au sein de la société contrôlée » et des recommandations visant à améliorer les procédures. En outre, le magistrat de l’AFA « peut adresser un avertissement aux représentants de la société » et « saisir la commission des sanctions » en vertu des dispositions de l’article 17 IV de la loi suscitée, pour que l’entreprise modifie ses procédures de conformité internes. Le rapport est transmis à l’autorité l’ayant saisi ainsi qu’aux représentants de la société qui a subi ledit contrôle. Si l’entreprise n’a pas adapter ses procédures de conformité internes en prenant en considération les recommandations de l’AFA, dans un délai ne pouvant excédé trois ans, la commission peut condamner l’entreprise à une amende pouvant aller jusqu’à 200 000 euros pour les personnes physiques, et un million d’euros pour les personnes morales. L’AFA a donc un pouvoir coercitif permettant d’orienter l’entreprise vers une conformité en matière de lutte contre la corruption, si l’on estime qu’un million d’euros pour une grande entreprise est une somme importante.
Néanmoins, la loi Sapin II est innovante puisqu’elle permet un changement de comportement de la part des entreprises de manière préventive. Ce n’est que si ces dernières n’adoptent pas un comportement préventif et d’autorégulation qu’elles sont condamnées à une sanction. De plus, la traçabilité des informations, notamment concernant la lutte anti-corruption, à travers la DPEF permet à la société civile de se mobiliser afin d’opérer un changement de comportement global de l’entreprise quant à sa conformité au droit, à l’éthique et au respect de son code de conduite.

Le rôle de la commission de sanctions

Sur le plan procédural
Le principe de légalité des délits et des peines
Au regard de la première décision en date du 4 juillet 2019 et de la deuxième décision en date du 7 février 2020 rendu par la Commission des sanctions de l’AFA, on retient que la Commission se fonde sur le principe de légalité des délits et des peines pour traiter des manquements pouvant donner lieu à des sanctions. En effet, la Commission argue dans sa deuxième décision en date du 7 février 2020 que les manquements pouvant conduire à une sanction ne peuvent être l’inexécution d’une injonction mais doivent être en rapport avec une situation existante ayant perduré entre la date d’entrée en vigueur de la loi anti-corruption et la date où la commission statue, et ce même si ladite loi imposait que le plan de prévention et de détection devait être publié à partir du 1er juin 2017, comme mentionné dans sa première décision daté du 4 juillet 2019. Dans la première décision on peut donc relever que la commission ne sanctionne que les non conformités toujours présentes au jour de la décision.
La Commission argue également qu’elle n’a pas à se prononcer sur « un éventuel détournement de procédure » commis par l’AFA qui réclame des pièces pouvant comporter « des indices de fraude fiscale, de pratiques restrictives de concurrence ou à des fins d’enquête pénale ». En effet, c’est au tribunal correctionnel de statuer a posteriori sur la licéité de produire des documents.

Le principe des droits de la défense
Dans sa deuxième décision, la commission affirme que le principe des droits de la défense s’applique du contrôle préalable aux échanges devant l’AFA. Lorsqu’il saisit la commission, le directeur de l’agence doit énoncer de manière claire et précise les griefs, à peine de nullité.

Sur le fond
La charge de la preuve
La Commission établit que c’est à la personne faisant l’objet du contrôle d’apporter la preuve qu’elle s’est acquittée de ses obligations afin que l’AFA puisse contrôler la qualité du dispositif mis en place par l’entreprise, en cas de manquements supposés. En cas d’insuffisance dans les éléments apportés par le mis en cause, il y a un renversement de la charge de la preuve, puisque l’AFA est réputée apporter la preuve du manquement.
Toutefois, malgré le caractère non contraignant des recommandations de l’AFA, il est heureux de constater que les dirigeants d’entreprise ayant adapté leurs procédures de conformité au regard desdites recommandations sont avantagés puisqu’ils sont « présumés satisfaire aux exigences de la loi », tandis que ceux n’ayant suivi que de manière partielle ou n’ayant pas appliqué les recommandations de l’AFA doivent « démontrer la pertinence, la qualité et l’effectivité du dispositif de détection et de prévention de la corruption » en prouvant que leur méthode est correcte. En effet, la Commission n’examine pas la conformité des procédures de conformité au regard des recommandations de l’AFA mais au regard de l’article 17 de la loi Sapin II, qui elle, est contraignante.

La cartographie des risques
La commission doit effectuer un examen complet afin d’identifier, indépendamment des recommandations faites par l’AFA, si la méthode adoptée par l’entreprise est pertinente, réelle et qualitative. En outre, la commission établit que l’AFA ne peut exiger de l’entreprise contrôlée une mise à jour annuelle de la cartographie de ses risques.

Les procédures de contrôles comptables
La commission et l’AFA semblent avoir sur ce point les mêmes exigences. Dans sa deuxième décision, la Commission a estimé que l’unification des outils de gestion comptable constitue un élément de contrôle comptable fondamental. Mais, la révision des procédures de contrôle comptables inachevée en matière de lutte anti-corruption est un manquement.

Le code de conduite
Un changement de paradigme apparaît entre la première et la deuxième décision rendues par la commission. Bien que lors de la première, la commission semble plus conciliante que l’AFA concernant la qualité du code de conduite qui, selon la commission n’était pas défaillant s’il présentait des exemples « génériques » de comportements interdits ; on s’aperçoit que dans la deuxième décision, la commission fait une application stricte de l’article 17, II, 1° de la loi Sapin II et explique que le code de conduite doit contenir des définitions et des exemples concrets concernant les comportements à proscrire pouvant être qualifiés de faits de corruption ou de trafic d’influence.
Elle argue également que le code doit être traduit afin d’avoir une meilleure accessibilité pour tous ; et il doit être joint au règlement intérieur des sociétés françaises.

Au regard de l’importance et du nombre de manquements, la Commission rend une injonction de mise en conformité donnant un délai pour chaque point traité (code de conduite, contrôles comptables…).
On peut considérer que le principal pour l’AFA et sa commission est que les entreprises adoptent des programmes de conformité concrets et réels, créent des dispositifs de contrôle interne et externe et permettent de manière transparente la traçabilité quant à leur démarche de conformité nécessaire à la prévention contre la corruption et le trafic d’influence relatifs à des comportements ou des actes contraires de la part des parties prenantes et des filiales. Le groupe ou l’entreprise qui tend vers cette démarche vertueuse, même si elle n’est pas parfaite, fera preuve de responsabilité auprès de l’autorité. Il en va de même devant les tribunaux.