En raison de la localisation des ressources et des coûts de main d’œuvre et d’extraction, les entreprises se tournent de manière générale majoritairement vers le choix rationnel d’un approvisionnement délocalisé. Dans les pays tels que ceux du Maghreb et de l’Asie, la législation environnementale est également moins contraignante et donc plus arrangeante. Cependant cette règle s’applique de manière plus nuancée à l’industrie du luxe. Qu’il s’agisse de textile ou de maroquinerie, la localisation de l’approvisionnement, et plus encore celui de la production, est un réel enjeu financier et environnemental pour une maison de maroquinerie de luxe.

Il faut tout d’abord bien comprendre que la part de rêve qui caractérise le produit de luxe repose sur l’excellence d’un savoir-faire souvent unique. Afin de conserver cette image de perfection et de produit extraordinaire, il est nécessaire de conserver toutes les composantes qui constituent ce rêve : de l’extraction de la ressource, au traitement du cuir, à son assemblage. Délocaliser la production signifierait perdre une partie du savoir-faire et de la connaissance nécessaire à l’excellence du produit, soit une partie de son unicité. Chanel produit ses tweeds en écosse, Dior ses parfums à Grace, Louis Vuitton ses sacs majoritairement en France. La localisation de la production est donc essentielle dans la mesure où elle doit se trouver à l’endroit imprégné du savoir-faire et de la connaissance.

Cette spécificité culturelle s’étend également à l’approvisionnement. Les règles du luxe s’étant définies au fil de l’histoire dans le bassin européen, entre la France et l’Italie, acheter son cuir dans une tannerie française ou italienne, comme le font Louis Vuitton et Hermès auprès des tanneries Roux situées à Romans-sur-Isère, connu pour son savoir historique sur le travail du cuir, représente une part du rêve sur lequel repose l’aspect luxueux et extraordinaire du produit.

Cet enjeu stratégique va de pair avec la conception durable d’un produit luxe. Le slogan de Patek Philippe résume bien cette vision : « Jamais vous ne posséderez complètement une Patek Philippe. Vous en serez juste le gardien pour les générations futures ». Nous ne pouvons tout d’abord que sourire à la mention de l’expression « génération future », partie intégrante de la définition moderne du développement durable et au cœur des discussions climatiques. De la même manière, un sac Chanel, Dior, Hermès ou Louis Vuitton en cuir est un objet précieux qui sera transmis à la génération suivante. Le produit est de nature créé pour durer.

Après le lieu de production, la localisation de l’approvisionnement devient un enjeu de plus en plus crucial dans le contexte d’urgence climatique. Antoine Arnault, Directeur Général de Berluti et actionnaire majoritaire du groupe LVMH disait lors de l’évènement de la LVMH Climate Week de 2020 : « Un groupe tel que le nôtre, leader dans son secteur et qui dépend de la nature dans ses matériaux qu’il utilise, doit montrer l’exemple ». A ces mots, l’approvisionnement responsable devient une priorité non seulement pour l’image, mais également pour l’avenir financier d’une maison de luxe.