Organisé par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le congrès sera l’occasion pendant une semaine de faire le point sur l’état de la biodiversité, des enjeux et des solutions possibles. L’UICN est surtout connu pour la mise à jour annuelle de la « liste rouge des espèces menacées », mais l’organisation d’un congrès mondial de la nature tous les quatre ans constitue le point d’orgue de son action.
Le congrès réunit des représentants gouvernementaux et d’ONG, d’associations, d’entreprises ainsi que des milliers d’experts pour cet état des lieux. Il sera, pour la première fois depuis la création de l’UICN en 1948, ouvert partiellement au grand public. Le comité français de l’UICN y présentera 18 recommandations, parmi lesquelles 14 sont déjà votées. Elles font partie de la grosse centaine de propositions recensées, dont 109 ont déjà été adoptées avant l’ouverture du congrès. Ces recommandations vont de la préservation des mangroves à la lutte contre la déforestation importée, en passant par des enjeux juridiques tels que « traiter les crimes environnementaux comme des infractions graves », en d’autres termes militer pour la reconnaissance de l’écocide. La liste compète se trouve en page d’accueil de l’UICN France.
Si les COP (Conference of parties) réunissent les Etats pour fixer des politiques mondiales, l’UICN offre un cadre de négociation original, dans lequel des ONG, représentants de peuples indigènes ou associations de toutes tailles peuvent enrichir les propositions. Les associations qui œuvrent sur le terrain, avec une bonne connaissance des enjeux locaux, apportent un regard très concret sur les propositions et veillent à leur faisabilité. Les débats permettent de dégager des consensus sur la plupart des sujets. Seules 19 d’entre eux seront encore débattus à Marseille.
Parmi eux, le sujet de la prise en compte de la biodiversité lors du développement de l’éolien en mer. Il s’agit d’un sujet brûlant sur les côtes bretonnes, où les associations de pêcheurs luttent depuis des années contre le déploiement d’un parc éolien dans la baie de Saint Brieux par la société Ailes Marines. Comme tous les pays, le France doit tenter de concilier trajectoire carbone et impacts socio-écologico-économiques sur son territoire, ce qui engendre des débats passionnés.
Les grands sujets de Marseille seront de deux ordres. Le premier sera de prendre conscience des liens de causalité existants entre la dégradation des écosystèmes et les pandémies ; des experts montrent que les zones de déforestation sont superposables aux zones d’espèces en danger et aux zones d’épidémies. A titre d’illustration, Wuhan avait déjà été citée comme l’une de ces zones à risque par l’IRD (Institut de recherche pour le développement).
En deuxième lieu, le fléchage des plans des plans de relance sur les investissements dédiés à la nature est une grande ambition. Les montants en jeu sont colossaux, et comme pour le climat, liés à des relations complexes entre continents, pays développés et émergents, voire même à des enjeux spécifiques aux territoires à l’échelle régionale car les problématiques de biodiversité sont attachées aux lieux, contrairement à l’enjeu climatique. Il n’y a pas de « budget écosystème » que l’on pourrait traiter comme un « budget carbone » : la fragilité des milieux et leur capacité à se régénérer les rend quasi non-interchangeables.
En conséquence, d’une manière encore plus sensible que pour l’Accord de paris, la réussite des plans d’action dépend totalement de leur déclinaison au niveau local. Nous observerons avec attention ce qui se dégage des discussions à venir à ce sujet, aussi bien lors du congrès de Marseille qu’à l’occasion de la COP15 Biodiversité en octobre à Kunmin en Chine.