Dans un arrêt du 9 décembre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé une affaire concernant la responsabilité du fait des produit des produits défectueux. Cette affaire opposait un viticole et sa société à une société de vente de matériel viticole et sa compagnie d'assurance.

La société d’exploitation viticole a acheté auprès d'une société un matériel agricole servant au travail des vignes. La livraison de ce matériel viticole a eu lieu le 22 août 2011. Le lendemain de la livraison, le gérant de la société a subi un accident corporel lors de l’utilisation de ce matériel agricole. Il a dû subir, à la suite de cet accident, une intervention chirurgicale.

Le gérant de la société d’exploitation viticole et la société d’exploitation viticole ont assignés la société Mafroco en responsabilité en demandant la réparation de différents préjudices sur le fondement des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants du code civil, et la résolution judiciaire du contrat de vente au titre d'un défaut de conformité́ du matériel.

La société, ayant vendu le matériel viticole, a été déclaré responsable du préjudice subi par le gérant de la société viticole à hauteur de la moitié et a été condamnée à réparer en partie ce préjudice.

Le gérant de la société d’exploitation viticole et la société d’exploitation viticole ont formé un pourvoi en cassation en vue de demander la réparation du préjudice économique, le remplacement du véhicule défectueux, au titre des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants du code civil, et la résolution de la vente, au titre des articles 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1604 du code civil.

La responsabilité du fait des produits défectueux peut-elle être engagé lorsque les préjudices subis concernent le produit défectueux ? La responsabilité du fait des produit défectueux et la responsabilité contractuelle peuvent-elles être invoqués simultanément pour obtenir la réparation des préjudices subis et la résolution du contrat de vente ?

I / L’exclusion de la réparation des préjudices liés au produit défectueux lui-même

A / Le principe de la réparation d’un dommage aux biens

L’article 1245-1 du code civil dispose que le producteur d’un bien est tenu de réparer les dommages que le produit défectueux à causer aux personnes et aux biens autres que le produit défectueux. Selon l’article 1245-2 du code civil, le produit défectueux doit être un bien meuble. Les articles 1245-3 et 1245-4 du code civil disposent également que le produit défectueux est un produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et être mis en circulation.

La Cour de Cassation a validé l’indemnisation du dommage corporel subit par le vigneron. La Cour de Cassation a rappelé le principe, inscrit à l’article 1245-1 du code civil, selon lequel les dommages causés aux biens pouvaient être réparable si le dommage n’a pas été causé au bien défectueux lui-même. Elle n’admet pas par conséquent le remplacement du véhicule défectueux et les pertes économiques liés au fait que le véhicule ne puisse plus être utilisable.

Pour obtenir réparation d’un préjudice lié au bien, le dommage doit s’être réalisé sur un bien distinct du produit défectueux.

B / L’impossibilité d’obtenir la réparation des préjudices du produit défectueux

Le dommage subit par le produit du fait qu’il soit défectueux ne peut être réparé sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. La Cour de Cassation a rappelé ce principe en estimant que la société ne pouvait obtenir la fourniture d’un produit de remplacement et la réparation du préjudice économique causé par la défectuosité du bien.

Du fait, de la défectuosité du bien la société a subi un préjudice économique. La société a dû acquérir autre véhicule agricole, aux capacités inférieures que celles du produit défectueux, et d’un employé qualifié afin de continuer l’exploitation de son activité. Le remplacement du véhicule défectueux par un autre moins performant a causé des pertes pour la société. Ce dommage résulte de la défectuosité du produit qui exclut, comme l’a rappelé la Cour de Cassation, la possibilité d’en obtenir réparation sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

La réparation d’un préjudice économique n’est pas, cependant, totalement exclue du régime de responsabilité du fait des produits défectueux. Pour obtenir réparation d’un dommage sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, le dommage doit concerner un bien autre que le produit défectueux. Pour obtenir réparation d’un préjudice économique, le produit défectueux aurait dû endommager un autre bien. Le vignoble aurait, alors, pu obtenir la réparation du dommage lié à cet autre bien.

II / La possibilité de cumul de régimes de responsabilité distincts dans la réparation d’un préjudice


A / Les conditions de cumul des responsabilités avec la responsabilité du fait des produit défectueux

Lorsque la responsabilité du fait des produits défectueux est invoquée par le demandeur, il peut opérer un cumul de régimes de responsabilité afin de satisfaire ses demandes. La Cour de Justice de l’Union Européenne a reconnu ce principe, dans un arrêt du 22 avril 2020, Gonzales Sanchez, en indiquant les conditions dans lesquelles il devait s’appliquer.

Les différents régimes de responsabilité doivent reposer sur des fondements différents de celui tiré d’un défaut de sécurité du produit pour pouvoir se cumuler.
Pour la Cour d’appel, le défaut de conformité et la défectuosité du produit invoqués par les demandeurs pour demander la résolution du contrat et la réparation des préjudices reposaient sur le même fondement.

La Cour de cassation a rejeté l’analyse des juges du fond en estiment que les deux fondements étaient différents. La non-conformité invoquée par les demandeurs vise le non-respect du contrat. Le produit n’est pas conforme aux exigences du contrat. Dans le cas du régime du fait des produits défectueux, le produit ne répond pas à la sécurité à laquelle l’acheteur peut légitimement s’attendre. Le produit a un défaut de sécurité ou il lui manque une mise en garde particulière.

B / La reconnaissance du cumul de la responsabilité du fait des produits défectueux avec la responsabilité contractuelle

Les demandeurs ont demandé la résolution du contrat sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Le produit n’aurait pas répondu aux exigences du contrat, puisque celui-ci n’est pas en état de fonctionnement normal et il présente un danger en matière de sécurité.
Les demandeurs ont, également, demandé la réparation des préjudices sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. Le produit défectueux représente un danger de sécurité ayant causé un préjudice au gérant de la société.

La Cour de cassation a validé les différentes demandes prises sur des fondements distincts. L’application du régime de responsabilité du fait des produits défectueux n’écarte pas complètement le régime de responsabilité contractuelle. Le régime de responsabilité contractuelle s’applique en cas d’absence de conformité du produit avec le contrat, ce qui peut justifier la résolution de celui-ci. Le contrat conclu entre les parties n’a plu d’effet obligatoire. Le régime de responsabilité du fait des produits défectueux permet aux victimes de dommages d’obtenir la réparation de ces dommages. Les deux demandes portent sur des mesures distinctes et on un fondement distinct.