Depuis le 27 décembre 2020, la France a enclenché sa première phase de vaccination. Aujourd’hui, nous comptons plus de 40 % de la population française qui a reçu la première dose du vaccin.

Cela pose la question de la responsabilité en cas de défectuosité du vaccin. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un vaccin est une préparation administrée pour provoquer l'immunité contre une maladie en stimulant la production d'anticorps.

La mise sur le marché d’un nouveau vaccin par le producteur présente souvent des risques, comme tout autre acte médical. Les incidents dû au vaccin peuvent engager la responsabilité d’un certain nombre d’intervenants (fabricant, distributeur, professionnels de santé et même celle de l’Etat).

La question de la responsabilité des laboratoires – des producteurs du vaccin se pose particulièrement après la découverte des clauses d’indemnisation contenue dans le contrat de fourniture de vaccin contre la Covid 19 conclu entre l’Union Européenne et le laboratoire AstraZeneca qui était rendu publique. Dans l’article 14 du contrat, l’Union Européenne s’engage à indemniser les victimes en cas d’un défaut de la sécurité du vaccin.

D’après l’article 1245-5 du Code Civil, la responsabilité du fait des produits défectueux pèse sur le producteur lorsqu’il agit à titre professionnel, le fabricant d’un produit fini, le producteur d’une matière première, le fabricant d’une partie composante.

Selon cet article, le fabricant serait responsable du plein droit en cas de défectuosité du vaccin.

Quelle difficulté se présente pour engager les responsabilités du fabricant en cas de défectuosité du vaccin ? Est-ce que les clauses d’indemnisation contenue dans le contrat de fourniture du vaccin peuvent décharger le fabricant de sa responsabilité en cas de survenance de litige ?
L’étude portera dans premier temps sur le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux applicable aux laboratoires en cas des dommages et dans un second temps sur la légalité des clauses d’indemnisation dans le contrat de fourniture de vaccin et leurs effets sur la possibilité d’engager la responsabilité des fabricants.

1) Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux applicables aux laboratoires en cas de dommage.

Il s’agira de voir premièrement le fondement juridique de la responsabilité du fabricant en cas de défaut du vaccin et deuxièmement les difficultés de la preuve pour les victimes aggravées par les clauses dans le contrat de vaccination.

A) Le fondement juridique de la responsabilité du fabriquant en cas de défaut du vaccin

Les laboratoires en tant que fabricants du vaccin sont soumis au terrain de la responsabilité du fait des produits défectueux. Leur responsabilité peut être engagé sur le fondement des articles 1245 et du Code Civil transposant la directive européenne n° 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.
En vertu d’article 1245 du code civil « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ».

Il s’agit d’une responsabilité qui, ignorant la distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle, s’applique, que la victime soit ou non liée au producteur par un contrat.

Afin d’engager la responsabilité du producteur, selon l’article 1245-8 du Code Civil, il faut que trois conditions commutatives soient remplies : un défaut de produit, un dommage et le lien de causalité.

La charge de la preuve pèse sur la victime. En général, prouver l’existence du dommage ne pose pas de problèmes pour la victime, mais la preuve de défaut du produit et de lien de causalité entre les deux s’avère plus difficile.

D’après l’article 1245-3 alinéa 1 du même code, un produit est considéré comme défectueux « lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ». Selon cet article, la victime doit rapporter la preuve de défaut de la sécurité du vaccin, mais la Cour de cassation considère que les effets indésirables du vaccin font partie des aléas médicaux et procède à une méthode d’étude des bénéfices/risques pour déterminer sa défectuosité.
Autre point subtil est le lien de causalité.

La victime doit démontrer que son dommage est imputable au défaut. Par une série d’arrêts célèbres sur le vaccin contre l’hépatite B, il a été démontré qu’il est difficile pour la victime de prouver le lien de causalité entre le vaccin et sa maladie.

B) Les difficultés de la preuve pour les victimes aggravées par les clauses dans le contrat de vaccination


En suivant l’évaluation jurisprudentielle en matière de l’indemnisation des victimes du vaccin de l’hépatite B, la preuve de la responsabilité du producteur est très complexe pour les victimes.

Le 22 mai 2008 par la décision rendue en même date dans les cinq arrêts, le juge a allégé la charge de la preuve pour le demandeur en consacrant la notion de présomptions graves, précises et concordantes, dans le cas de l’hépatite B. Mais l’espoir des victimes du vaccin contre hépatite B n’a pas duré , en 2018 la Cour a dit que « dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuves qui lui étaient soumis, que la concomitance entre la vaccination et l’apparition de la maladie comme l’absence d’antécédents neurologiques personnels et familiaux, prises ensemble ou isolément, ne constituaient pas de telles présomptions permettant de retenir l’existence d’un lien de causalité entre les vaccins administrés et la maladie ».

Aujourd’hui, le problème de l’engagement de responsabilité du producteur et l’indemnisation des victimes se pose dans le contrat entre l’Union Européenne et le laboratoire AstraZeneca qui était rendu publique.

L’article 14 du contrat contient une clause qui offre une garantie au fabricant du vaccin contre l'engagement de sa responsabilité du fait du défaut de sécurité de son produit. L’article 14.1 du contrat précise que chaque Etat membre doit indemniser et dégager de toute responsabilité AstraZeneca et ses filiales contre tous les dommages et intérêts en cas de survenances des effets indésirables du vaccin chez les patients.

Cette clause décharge de toute responsabilité financière le fabricant du vaccin et met en question la possibilité pour les victimes d’engager la responsabilité du laboratoire en cas de défectuosité du vaccin.

2) La légalité de la clause d’indemnisation dans le contrat de fourniture du vaccin : les effets sur la possibilité d’engager la responsabilité des fabricants

Il s’agira de voir premièrement le caractère légitime de la clause d’indemnisation et deuxièmement ses effets sur la possibilité d’engager la responsabilité des laboratoires et sur le dédommagement des victimes.

A) Le caractère légitime de la clause d’indemnisation

En vertu de l’article 1245-14 du Code civil et de l’article 12 de la directive n° 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité sont en principe exclu.

Est-ce que l’article 14. 1 du contrat conclu entre AstraZeneca et l’Union Européenne présente un caractère limitatif de la responsabilité du producteur ?

En effet l’article 14 .1 offre une assurance financière aux laboratoires, mais elle ne les prive pas de leur responsabilité en cas de survenance d’un vice caché ou d’un défaut de produit. A priori, la directive européenne n’interdit pas de transférer la charge financière de la responsabilité du producteur à un tiers, des lors que le droit de la réparation des victimes n’est pas remis en cause.

D’autre part, en France, l'article L. 3110-3 du Code de la santé publique prévoit une "immunité juridique" pour les laboratoires pharmaceutiques.
L’article L.3110-3 dit que « nonobstant les dispositions de l'article L. 1142-1, les professionnels de santé ne peuvent être tenus pour responsables des dommages résultant de la prescription ou de l'administration d'un médicament en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d'utilisation prévues par son autorisation de mise sur le marché ou son autorisation temporaire d'utilisation, ou bien d'un médicament ne faisant l'objet d'aucune de ces autorisations, lorsque leur intervention était rendue nécessaire par l'existence d'une menace sanitaire grave et que la prescription ou l'administration du médicament a été recommandée ou exigée par le ministre chargé de la santé en application des dispositions de l'article L. 3110-1. »
Dans le deuxième alinéa, l’article précise que les "exonèrent pas de l'engagement de leur responsabilité dans les conditions de droit commun en raison de la fabrication ou de la mise sur le marché du médicament", sauf à démontrer, sur le fondement de l'article 1386-11, que "l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut.

Cette immunité juridique a été déjà utilisé auparavant dans le cadre de la vaccination contre la grippe H1N1 en 2009.
Dans ce cadre, la clause d’indemnisation dans le contrat entre l’Union Européenne et le laboratoire AstraZeneca peut être considérée comme licite.

B) Les conséquences sur la responsabilité des laboratoires et sur le dédommagement des victimes

En effets, l’Etat a déjà pris en charge les indemnisations de victimes du vaccin contre la grippe H1N1 en 2009. L’histoire se répète avec la vaccination contre la Covid 19.

Quelles conséquences cela représente pour la responsabilité des laboratoires ?

A priori, les laboratoires seront toujours tenus responsable en cas de défectuosité du vaccin, mais en pratique l’engagement de leur responsabilité par les victimes sur le terrain de la directive du 25 juillet 1985 sera encore plus difficile qu’avant. D’autre part, l’existence d’une assurance responsabilité pourra leur donner la confiance, ce qui pourra amoindrir la prévention de la survenance de risque de la part des laboratoires.

En France, toutes demandes de dédommagement des victimes seront prises en charge par L’ONIAM (l’Office national de l'indemnisation des accidents médicaux) comme dans le cadre de la vaccination contre la grippe H1N1.

Ce système d’indemnisation est difficile en accessibilité pour les victimes et a des délais longs. Par exemple, dans une affaire récente du 1ere juin 2021, la Cour Administrative d’Appel a attribué des dommages et intérêts à la victime ayant des effets indésirables du vaccin contre la grippe H1N1 en 2010.

La responsabilité du fait des produits défectueux est une source d’insécurité juridique pour les victimes. L’existence de clauses d’indemnisation dans le contrat certes rendent plus difficile l’engagement de la responsabilité du fabricant, mais même en l’absence de celles-ci les laboratoires pourront se décharger de leur responsabilité en faisant vouloir l’exonération pour le risque de développement.