En matière de reporting sur les données environnementales et sociales, les observateurs, notamment les agences de notation, établissent que l’Europe fait figure de « bon élève ». Dans ce domaine, la France d’ailleurs s’affiche souvent comme précurseur. En effet, pour les sociétés hexagonales, les données environnementales ont fait leur apparition dans les rapports de gestion voici 20 ans déjà, avec l’application de la loi NRE de 2001 (Nouvelles Régulations Economiques). La loi Grenelle II en 2014, puis la transposition de la Directive européenne portant sur le reporting extra-financier en 2017, ont largement contribué à la transparence concernant la prise en compte des enjeux environnementaux par les sociétés de plus de 500 salariés.
La taxonomie des activités durables, élément clé du « Green deal » européen, vient compléter le dispositif. Cette réglementation est issue du règlement UE 2020/852 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables, adopté par le parlement européen le 18 juin 2020.
Le texte est entré en vigueur le 10 mars 2021 pour les acteurs financiers. Ainsi, en l’absence de sanction, le législateur compte que les investisseurs seront les meilleurs promoteurs de ce reporting auprès des sociétés cotées, car eux-mêmes, s’ils s’affichent en tant qu’« investisseurs responsables », devront rendre compte de leur exposition aux secteurs « verts ».
En vertu de l’article 8 paragraphe 2 du règlement, en 2022 les entreprises non financières devront aussi publier trois indicateurs de performance environnementale: le chiffre d’affaires, les dépenses d’investissement et les frais de fonctionnement compatibles avec une liste d’activités durables.
Cette liste a été établie par un long travail d’expertise mené depuis 2018 par un groupe de 35 experts désignés par la Commission européenne, le Technical Expert Group on sustainable finance (TEG), devenu depuis la Plateforme pour la finance durable. L’objectif du dispositif est de guider les investissements en alignement avec l’Accord de Paris et les Objectifs de Développement Durable, en mettant en lumière la part des activités économiques qui participent à la préservation de l’environnement.
Les activités définies comme durables doivent contribuer à au moins un des six objectifs suivants : l’atténuation du changement climatique, l’adaptation au changement climatique, la gestion durable de l’eau, la transition vers une économie circulaire, la réduction de la pollution, et la protection de la biodiversité. Eléments importants, elles doivent aussi ne pas porter significativement atteinte aux autres objectifs, et respecter les principes généraux de droits de l’homme.
On devine dès lors les difficultés de l’exercice : le document technique précisant les critères de sélection ne fait pas moins de 600 pages, et ces critères sont toujours en négociation.
Ces négociations se prolongent en effet, car nombre d’activités sont dans une zone floue, notamment en matière de transition énergétique. Ainsi, le gaz naturel peut-il être considéré comme une énergie de transition lorsqu’il remplace le charbon ? Exclu de la feuille de route européenne, les pays de l’Est le réclament à grands cris. Le nucléaire n’a pas non plus été retenu en tant que combustible de transition, alors qu’il reste l’énergie bas carbone la plus développée à ce jour. Enfin, dans le détail, les premières expérimentations de groupes tels qu’Acciona en Espagne, ou Suez en France, ont montré les limites de l’exercice.
Les critères de sélection des activités durables sont fixés soit par nature, par exemple l’éolien, soit selon des seuils physiques. Or les approximations inhérentes aux mesures physiques, ainsi que la variabilité des situations locales, rendent ces seuils plus ou moins pertinents. Les émissions de gaz à effet de serre d’une station d’épuration, par exemple, dépendent beaucoup de la nature des effluents traités et des températures extérieures.
A l’heure actuelle, nous nous trouvons donc dans un entre-deux, une zone de tâtonnements souvent nécessaire en matière environnementale. La taxonomie revêt une certaine importance pour l’avenir du reporting environnemental, car elle va impacter d’autres obligations : la refonte de la directive NFRD (Non-financial reporting disclosure, transposée en France en DPEF) et la mise en œuvre du règlement UE 2019/2088 dit Règlement Disclosure sur la publication d’informations en matière de durabilité dans les services financiers. Il importe donc qu’un consensus se dégage pour définir les indicateurs pertinents et crédibles de l’impact environnemental, même si cela doit prendre plus de temps qu’anticipé.