
Non au jury populaire pour les délits environnementaux !
Par Nelly SUNDERLAND
Elève avocat
Ministère de l'Environnement, du Développement Durable, du Logement et des Transports
Posté le: 05/08/2011 11:39
Le 4 août dernier, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions relatives à la participation des citoyens aux jugements relatifs aux délits environnementaux. Cette disposition était prévue par le projet de loi adopté par le Sénat le 6 juillet 2011 sur la participation des citoyens à la justice pénale.
Dans ses conditions générales, le projet de loi du adopté le 6 juillet 2011 par le Sénat permet notamment aux citoyens d’être appelés, comme citoyens assesseurs, à composer le tribunal correctionnel et la chambre d’appel correctionnelle, ou encore à compléter le tribunal d’application des peines et la chambre d’application des peines de la cour d’appel (article 1er). Les citoyens peuvent également, au titre de l’article 5 du projet de loi, participer aux jugements des délits. Le projet de loi prévoyait ainsi la modification de l’article 399-2 du Code de procédure pénale en ces termes : « Sont jugés par le tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne, en application de l’article 399-1, les délits suivants : (…) 5° Les infractions prévues au code de l’environnement passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans ». Autrement dit, le projet de loi du 6 juillet 2011 prévoit la participation de deux citoyens assesseurs au côté des magistrats professionnels pour juger un certain nombre de délits au sein des tribunaux correctionnels. Force est de constater que n’est cependant pas concernés par cette participation citoyenne les infractions relevant de la délinquance organisée, les délits perpétrés en matière de chasse, de pêche, de protection de la faune et de la flore, et du cadre de vie.
La question de la participation citoyenne aux délits environnementaux a fait l’objet d’un débat. En effet, l’Assemblée Nationale avait déjà exclue cette participation citoyenne lors de la première lecture du projet. Elle a toutefois été réintroduites par la commission mixte paritaire. Celle-ci avait pour mission de trouver un compromis concernant le champ de compétence « des tribunaux correctionnels dans leur formation citoyenne ».
A l’origine, l’exclusion de cette participation par l’Assemblée Nationale comprenait deux raisons essentielles :
Selon Sébastien Huyghe, député UMP et rapporteur de la commission mixte paritaire, « Premièrement, pour les citoyens non juristes, ces infractions sont autrement plus complexes à appréhender, s’agissant de leurs éléments constitutifs et des questions d’imputabilité et de responsabilité pénale qu’elles soulèvent, que des délits de vol, de violences aux personnes ou d’homicide involontaire ».
Deuxièmement, l’association France nature environnement (FNE) souligne que la plupart des jugements en matière environnementale concernent les délits de pollutions par hydrocarbures (marées noires). « Les tribunaux correctionnels citoyens, tels que prévus dans ce projet de loi et s’ils existaient déjà , n’auraient eu à juger qu’un seul délit environnemental puni de plus de 5 ans de prison : la catastrophe écologique de l’Erika ».
Et Monsieur Huyghe d’ajouter que les jugements en cette matière peuvent atteindre des périodes très longues. Par exemple, le jugement de l’Erika s’est déroulé durant presqu’un an : quatre mois de débats et six mois de rédaction du jugement. Aussi la mise à disposition des citoyens, en principe d’une durée de 10 jours, aurait été bien trop longue. Le rapporteur a ainsi conclu qu’il serait nécessaire de « réexaminer avec la plus grande attention cette question du champ de compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne, lorsque viendra le temps de la généralisation de la présence des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels ».
On note que l’association FNE était également opposée à une telle participation des citoyens dans les affaires touchant à la matière environnementale. En effet, son président, Bruno Genty, que la priorité devait être donnée au respect des règles en vigueur en droit de l’environnement plutôt que de s’interroger sur la mise en place de nouveaux outils juridiques tels que la participation citoyenne. Il ajoute qu’il est nécessaire de se concentrer sur « le trafic d’espèces protégées et de déchets [qui doit être] regardés comme de la délinquance en bande organisée (…), que le fait d’exposer l’environnement à un risque connu en violation d’une obligation de prudence ou de sécurité [doit être] réprimé, que les procureurs considèrent de la même façon la délinquance environnementale et l’atteinte aux bien, que les juges disposent de moyens d’interrompre la commission des infractions environnementales dans l’attente du jugement ».
Le Conseil constitutionnelle semble s’être rangé du côté du rapporteur de la commission mixte paritaire. En effet, saisis dans les conditions prévues à l’article 61 de la Constitution (par 60 députés et 60 sénateurs), les sages ont retenu, le 4 août dernier, que la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale ne concernera pas la délinquance environnementale. Prévue au livre IV du code pénal, le Conseil constitutionnel a censuré la participation des citoyens aux infractions environnementales au motif que « Ces infractions sont complexes à appréhender, s’agissant de leurs éléments constitutifs et des questions d’imputabilité et de responsabilité pénale qu’elles soulèvent ». Force est de constater les sages se sont rangés du côté des conclusions du rapporteur de la commission mixte paritaire, Sébastien Huyghe.