Dans un arrêt du 25 novembre 2020, n°19-21.060, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé au visa de l’article 1218 du Code civil, que « le créancier qui n’a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat en invoquant la force majeure ».

Dans cette affaire, deux époux avaient conclu un contrat d’hébergement auprès d’un établissement thermal pour la période du 30 septembre au 22 octobre 2017 pour un montant de 926,60€. Le 04 octobre, l’époux a été hospitalisé en urgence et a mis un terme à son séjour. Sa femme quitta l’établissement le 08 octobre pour l’accompagner lors de son transfert dans un hôpital situé à plus de cent trente kilomètres de l’établissement thermal. Les époux assignèrent la société en résolution du contrat et en restitution partielle de 593,30€ des sommes versées.

Le tribunal de Manosque prononça la résiliation du contrat à compter du 09 octobre 2017 constatant que l’époux avait été victime d’un problème de santé imprévisible et irrésistible et que son épouse avait dû l’accompagner.

Cependant les juges du quai de l’Horloge considérant que les époux n’avaient pas été empêchés d’exécuter leur obligation de paiement du prix du séjour mais avaient seulement été empêchés de profiter de la prestation, cassent la décision du tribunal au visa de l’article 1218 du code civil dans un arrêt du 25 novembre 2020.

L’article 1218 alinéa 1er du code civil dispose qu’« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. »

La Cour de cassation avait déjà reconnu la maladie comme un cas de force majeure dans un arrêt du 14 avril 2006 n°02-11.168, dès lors qu’il s’agissait d’un évènement imprévisible et irrésistible. Rappelons que la décision du 25 novembre a été prise en situation exceptionnelle de pandémie par la Covid-19. On peut percevoir une crainte d’un large recours à la force majeure en pleine crise sanitaire.
Cependant l’article 1218 du code civil ne vise que l’inexécution d’une obligation et les époux avaient déjà payé l’établissement, qui était en mesure de s’exécuter. Le fondement du tribunal de Manosque était dès lors critiquable. En effet l’article 1218 du code civil aurait pu s’appliquer aux époux dans le cas où ils auraient été dans l’impossibilité de payer le prix de l’hébergement, et encore, le caractère fongible de l’argent favorise son exécution et les hypothèses d’un cas de force majeure dans ce cas d’espèce restent marginales.

Ainsi il faut procéder à une distinction. Lorsque le débiteur ne peut exécuter son obligation en raison d’un cas de force majeure, alors les risques sont pour le débiteur (res perit debitori), il ne pourra pas exiger de son cocontractant qu’il s’exécute.

Et lorsque le créancier ne peut recevoir le paiement de sa créance en raison d’un cas de force majeure, la Cour de cassation retient que le contrat est maintenu et laisse les risques pour le seul créancier qui doit exécuter son obligation sans pouvoir profiter de la contrepartie.

La première chambre mentionne que le créancier peut souscrire à une assurance pour se prémunir du risque de ne pas profiter de la prestation. Cela ferait peser un coût supplémentaire sur le créancier et il faudrait envisager, difficilement, tous les cas d’ouverture de la prise en charge.

Dans cette solution, la Cour de cassation fait preuve d’une rigueur juridique mais a été largement critiquée en ce qu’elle conduit à un enrichissement inacceptable du débiteur.