
Inquiétude sur la dégradation des réseaux publics d'eau
Par Jennifer SERPEAU
Juriste QSE
Schneider Electric
Posté le: 01/08/2011 19:27
La France est dotée depuis le XIXème siècle d’un réseau d’eau qui aujourd’hui s’étend à 906 000 kilomètres, dont 50 % a été construit avant 1972. Chaque année ce réseau est étendu de 3750 km alors que seuls 5041 km sont renouvelés. On assiste à un vieillissement des infrastructures et d’assainissement d’eau, le renouvellement étant insuffisant chaque année. Les professionnels de la gestion de l’eau estiment à deux siècles en l’état actuel des choses la durée pour que tout le réseau soit à nouveau en bon état de marche.
Le vieillissement concerne les tuyaux enterrés qui permettent d’acheminer l’eau sous pression à une station de production et jusqu’au château d’eau ou tout autre type de réservoir, et ensuite les tuyaux qui assurent le transit de l’eau de ces lieux jusqu’au pied des bâtiments, où le réseau public est relayé par le réseau privé. Il est nécessaire de préciser que la nature et l’état des canalisations a un impact sur la composition de l’eau. On explique la dégradation des tuyaux tout d’abord en raison de la corrosion par l’eau ou par les terrains sur lesquels ils sont implantés. Ensuite, elle peut s’expliquer par le tassement, les vibrations et la déformation subis par les terrains, et enfin par le vieillissement des joints entre les canalisations.
La première conséquence inquiétante de cette dégradation des tuyaux s’illustre par les fuites dans les réseaux d’eau potable. Lors du Comité sécheresse la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, Nathalie Kosciusko-Morizet a mis en avant les chiffres de perte. 120 litres par jour et par abonné sont perdus, soit 1,5 milliards mètres³ par an. L’exemple de Nîmes est parlant : 4 litres sur 10 sont perdus avant d’arriver chez l’usager.
Cette situation a permis de souligner l’importance de l’article 161 de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010, dite « Grenelle II ». Par cet article, c’est une gestion patrimoniale des réseaux d’eau qui se met en place. En effet, les collectivités ont un obligation importante en terme de résultat, l’Etat voulant atteindre ou conserver d’ici 2015 un bon état écologique pour l’ensemble des masses d’eau. C’est ainsi qu’un décret est en cours de rédaction afin de faire appliquer la disposition législative relative à la mise en place par les collectivités d’une descriptif détaillé incluant un inventaire des réseaux avant fin 2013.
Pour les réseaux d'eau potable, les communes doivent mettre en place avant fin 2013 un schéma de distribution d'eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution et un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d'eau potable.
Pour les réseaux d'assainissement, les communes doivent établir avant le 1er janvier 2014 un schéma d'assainissement collectif comprenant un descriptif des ouvrages de collecte et de transport des eaux usées, en précisant les matériaux utilisés, les diamètres des conduites et l’année de pose. Cette obligation sera soumise à subventions si elle est réalisée dans les temps ou à sanction en cas de manquement.
Néanmoins, le problème pour renouveler les réseaux d’eau reste le financement. Pour remettre le réseau d’eau en bon état de marche, 60 % de la valeur patrimoniale est à changer soit un montant de 51 milliards d’euros. Toutefois, les économies réalisées en réduisant les fuites d’eau permettraient de financer jusqu’à 6000 kilomètres de canalisations.
Mais la consommation d’eau a un prix, qui prend en compte d’une part le coût de l’eau, d’autre part les services comme le prélèvement dans les nappes souterraines et le traitement des eaux usées. Ces services nécessitent de nombreuses installations et la mise à disposition d’un personnel. Le consommateur verra sûrement sa facture d’eau augmenter au cours des mois à venir afin de mettre en place ce renouvellement des infrastructures. L’augmentation du prix de l’eau doit être vue comme une participation citoyenne à l’amélioration de l’environnement et non comme une agression selon André Flajolet, député et président du Comité national de l’eau.