A l’heure où les populations locales bloquent la remise en service des réacteurs japonais, c’est une nouvelle étape qui s’ouvre pour le monde du nucléaire ! En effet, le Conseil a adopté le 19 juillet dernier la Directive relative à la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs. Retour vers un sujet brûlant opposant les écologistes comme l’Association Greenpeace et les législateurs européens et français dans la gestion des déchets nucléaires et de leur « transférabilité ».

En 2008, l’Union Européenne a rendu son sixième rapport sur la gestion des déchets radioactifs et des combustibles irradiés. Forte de ses conclusions, cette dernière mettait en lumière l’absence, dans la majorité des Etats membres, d’une politique définie relatives aux combustibles irradiés. En effet, seules sont prévues des dispositions relatives à un stockage sûr de ces matériaux pour une longue période, plus précisément de 50 à 100 ans.
Concernant les déchets de haute activité et les combustibles irradiés devant faire l’objet d’une évacuation directe, l’Union Européenne déplorait que seuls trois Etats membres (Finlande, Suède, France) disposaient de sites d’évacuation opérationnels pour 2025 ; et l’Allemagne et la Belgique d’ici 2040. La situation est analogue s’agissant des déchets radioactifs de faible et moyenne activité à vie longue. En effet, « la solution privilégiée, [reprend le rapport], pour ce type de déchets est également celle de l’évacuation en couche géologique profonde, soit en utilisant les mêmes sites de stockage que pour les déchets de haute activité et les combustibles irradiés, soit en les évacuant séparément ». On peut notamment citer le stockage en couche profonde de déchets nucléaires en Suisse dont la faisabilité avait été établie et confirmée en 2006 le Conseil fédéral et les autorités suisses. En Europe, le rapport de l’Union européenne précisait que d’ici 2014, seule l’Allemagne disposerait d’un site de stockage en couche géologique profonde opérationnel. Enfin pour les déchets les moins dangereux, les déchets radioactifs de faible et moyenne activité à vie courte et de très faible activité, seuls sept Etats membres exploitaient en 2008 des sites d’évacuation. Force est de constater les faibles mesures existantes en 2008 au regard du nombre important d’activités produisant des déchets radioactifs. Par exemple, on peut citer la médecine, l’agriculture ou encore le domaine de l’industrie. C’est dans ce contexte qu’intervient la Directive du 19 juillet 2011. le Conseil appuie sur l’importance de renforcer les normes de gestion de déchets nucléaires. Elle précise en effet que « la présente directive a pour objet de créer un cadre européen solide qui impose à ces derniers d’importantes obligations ». Toutefois, elle tient à rappeler que « la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs est de la responsabilité, en dernier ressort, des Etats membres ».

La Directive de 2011 crée de nouvelles obligations à la charge des Etats membres. En effet, des plans nationaux de gestion de déchets ont été imposés par l’Union Européenne d’ici 2015. Les Etats membres devront ainsi présenter un programme détaillé des mesures prévues via un calendrier prédéfini ainsi que des modalités de construction de centres de stockage. Le programme devra préciser l’ensemble des mesures qui seront prises, de l’évaluation des coûts aux mécanismes de financement prévus. La Commission européenne est dotée d’un pouvoir de rectification et de modification des programmes adoptés. De plus, les plans nationaux de gestion des déchets devront être régulièrement mis à jour. Toutefois, aucune obligation n’est mise à la charge des Etats membres de posséder individuellement un centre de stockage des déchets nucléaires. En effet, la Commission européenne donne la possibilité aux Etats membres de s’associer en vue d’utiliser un centre de stockage implanté sur le territoire de l’un d’eux.

Par ailleurs, outre l’encadrement strict établi par la Commission européenne concernant les mesures prévues dans la gestion des déchets nucléaires, un véritable contrôle international est prévu concernant l’application des normes. Il est cependant effectué, au niveau international, entre les Etats membres permettant un échange d’expériences et une garantie quant à l’application des mesures les plus strictes. Une étape supplémentaire est ainsi marquée puisque les normes de sûreté de l’Agence internationale de l’énergie atomique évoluent de la soft law à une portée juridiquement contraignante. C’est un véritable vent de durcissement de la réglementation relative à la gestion des déchets radioactifs qui souffle du côté de l’Union Européenne !
Le Parlement européen a cependant « freiné » l’élan de la Commission européenne. En effet, s’agissant des exportations de déchets vers les pays tiers, la Commission s’était engagée vers une interdiction totale. En définitive, le Parlement européen a opté pour une autorisation strictement encadrée. C’est ainsi que le pays importateur sera tenu de disposer d’un centre de stockage définitif en service à la date d’expédition des déchets. La question de sa faisabilité se pose encore à l’heure où « Les centres de ce type n’existent pas partout dans le monde et aucun n’est en cours de construction en dehors de l’Union européenne. En l’état actuel de la technique, il faut au moins 40 ans pour en concevoir un et le construire ». Il semblerait donc qu’un décalage entre les textes et la pratique risque de retarder les échéances prévues. Ainsi, la question des transferts de déchets radioactifs entre les Etats membres de l’Union européenne fait débat depuis de nombreuses années. En France, elle a notamment fait l’objet d’un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 30 juin 2010. En l’espèce, la société Greenpeace France intentait une action contre le décret n°2008-209 du 3 mars 2008 relatif aux procédures applicables au traitement des combustibles usés et des déchets radioactifs provenant de l’étranger. Ce décret vise la gestion des déchets radioactifs étrangers importés en France. Il est issu de la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs codifiée aux articles L. 542-2 et L. 542-2-1 du Code de l’environnement. Ces articles sont le pur produit de la transposition, en droit français, de la Directive 92/3/Euratom du Conseil en date du 3 février 1992. Cette dernière instituait un système communautaire de contrôle et d’autorisation préalable des transferts de déchets radioactifs entre Etats membres ainsi qu’à l’entrée et à la sortie de la Communauté. Elle prévoyait le renvoi des déchets vers leur pays d’origine après traitement. En l’espèce, le Conseil d’Etat rejette les moyens invoqués par l’Association Greenpeace et retient que l’interdiction en France des déchets radioactifs issus du traitement de combustibles usés et de déchets radioactifs provenant de l’étranger ne concerne que les déchets directement issus des substances ayant fait l’objet de ce traitement et non ceux qui résultent de l’utilisation, par l’exploitant de ses propres installations de traitement. Aux vues de la dernière actualité communautaire, se pose la question de savoir si l’interprétation faite par le Conseil d’Etat de la réglementation relative aux procédures applicables au traitement des combustibles usés et des déchets radioactifs provenant de l’étranger va être modifiée. Il faudra attendre la transposition, en France, de la nouvelle directive pour entrevoir une réponse à la question.

Enfin font parties des préoccupations européennes, le droit à l’information et à la participation du citoyen aux décisions publiques ayant une incidence environnementale. Il est brièvement rappelé que toute décision environnementale prise doit faire l’objet d’un processus d’information du public. Par exemple, la directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement avait déjà étendu le texte de la Convention d’Aarhus en précisant que la notion d’information environnementale devait comprendre toute information sur « les facteurs, tels que les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets y compris les déchets radioactifs, les émissions, les déversements et autres rejets dans l’environnement, qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement ». Les Etats membres doivent s’assurer que les autorités publiques mettent à disposition de tout demandeur l’information environnementale qu’elles détiennent ou qui est détenue pour leur compte.

A titre de conclusion, on peut s’interroger sur les réactions, à chaud, de la présente directive. La question d’un consensus entre les législateurs et les écologistes se pose. Selon le commissaire européen à l’énergie, Monsieur Günther Oettinger, « Il s’agit d’une avancée majeure pour la sûreté nucléaire dans l’Union européenne. Après des années d’inaction, l’Union européenne prend pour la première fois des engagement concernant le stockage définitif des déchets nucléaires ». Cette communication ne peut que faire écho face aux opinions contraires des eurodéputés Verts qui voient, en cette nouvelle directive, le choix d’une solution la moins coûteuse au détriment de la sûreté et de la sécurité nucléaire. « L’application du principe du pollueur/payeur est toutefois une obligation financière aussi bien qu’éthique. Les déchets nucléaires doivent être gérés et traités dans les pays dans lesquels ils ont été produits » a souligné la vice-présidente au Parlement européen, Madame Rebecca Harms. On ne peut que s’interroger sur l’avenir de cette directive, plus précisément sur la sûreté et la sécurité nucléaire communautaire au moment où l’avenir nucléaire du Japon se pose aujourd’hui alors que les réacteurs japonais s’arrêtent les uns après les autres.