L’article 1243 du code civil dispose que « le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé ; soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ». «

La responsabilité du fait des animaux et la responsabilité du fait des bâtiments en ruine sont les premières responsabilités du fait des choses consacrées par le code civil de 1804. La responsabilité dite générale du fait des choses découverte dans l’ancien article 1384, alinéa 1er, par le juge leur est postérieure (Civ. 16 juin 1896, Teffaine)

Au départ pour faute, la responsabilité du fait des animaux est désormais de plein droit (Arrêt Jand’heur). Son particularisme est aujourd’hui « très relatif » puisqu’elle n’est plus qu’une application particulière de l’article 1242, alinéa 1er. Ce qui explique d’ailleurs que le projet de réforme de la responsabilité civile rendu public le 13 mars 2017 ne la maintienne pas dans le code civil.

Variante de la responsabilité générale du fait des choses, pour être engagée, cette responsabilité requiert la présence du triptyque classique : un gardien, une chose, et rôle actif.
Si parfois, la condition du rôle actif est discutée en l’espèce, le litige porte sur celle de la garde.

En l’espèce, au cours d’une manade consistant en un lâcher de taureaux entourés de cavaliers, un des chevaux s’est emballé, blessant un spectateur. La victime assigne en réparation de ses préjudices le propriétaire du cheval, l’association organisatrice et le manadier qui supervisait le défilé.

Faut-il remarquer d’emblée la configuration particulière de cette manade. Il revient au manadier, étant le superviseur de l’animation, « d'établir le parcours de l'abrivado, de sélectionner les chevaux et les cavaliers et de leur assigner la place qui convient dans l'escorte ». Il n’y a pourtant pas de lien de subordination entre les cavaliers et le manadier : le premier n’est pas salarié du second.

Le Tribunal de grande instance d’Alès (TGI d'Alès, 21 avr. 2016, N° 14/00624), puis la Cour d’appel de Nîmes condamnent l’association pour divers manquements à la sécurité lors de l’organisation du parcours taurin. Le manadier voit également sa responsabilité engagée, ce qu’il conteste en cassation.
En effet, la Cour d’appel considère que ce dernier, sans être le propriétaire du cheval, en était devenu le gardien par le biais d’un transfert de garde découlant des instructions et directives qu’il donnait au cavalier. Sans revêtir la qualité de commettant des cavaliers, le manadier les sélectionne ainsi que les chevaux, leur assigne une place dans l’escorte et établit le parcours de l’abrivado. C’est ce pouvoir qui entraînerait le transfert de la garde des chevaux montés par ces cavaliers à la charge du manadier et en ferait un responsable de plein droit sur le fondement de l’ancien article 1385 devenu article 1243.

Contestant la décision d’appel et la reconnaissance de sa responsabilité, le manadier s’est pourvu en cassation, remettant en cause ce transfert de garde. Il affirme qu’il n’aurait pu s’opérer que s’il avait reçu les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle de l’animal – pouvoirs caractérisant la notion de garde – mais pas dans le cas où ce pouvoir se limite à donner de simples directives au cavalier, lequel conserve seul la maîtrise de sa monture. Selon lui, malgré les instructions données au cavalier, ce dernier reste le gardien de l’animal.
La deuxième chambre civile rappelle que la responsabilité édictée par l’article 1243 du code civil s’applique au propriétaire d’un animal ou à celui qui s’en sert et qu’elle est fondée sur l’obligation de garde corrélative aux pouvoirs de direction, de contrôle et d’usage qui la caractérisent (Civ. 2e, 5 mars 1953, D. 1953. 473, note R. Savatier ; 17 mars 1965, JCP 1965. 656, obs. R. Rodière).
En somme, elle ne fait que confirmer que le responsable du fait d’un animal est celui qui, au moment de la survenance du dommage, en est le gardien y compris lorsqu’il n’en est pas le propriétaire (Civ. 2e, 8 juill. 1970, D. 1970. 704 ; 20 nov. 1970, Gaz. Pal. 1971. 1. 179).

La garde d’un animal obéit à la même définition que celle d’une chose au sens de l’article 1242, alinéa 1er, du code civil. Pour déterminer le gardien, il convient de vérifier qui a l’usage de la chose ou de l’animal, son contrôle et sa direction (Cass., ch. réun., 2 déc. 1941, Franck, GAJC, 11e éd., n° 94). La Cour de cassation a fait le choix de consacrer une conception matérielle et non juridique de la notion de garde, conception qui invite à rechercher quelle personne exerce un pouvoir effectif sur l’instrument du dommage et a, de ce fait, la possibilité d’éviter qu’il se produise. Autrement dit, est gardien de l’animal celui qui en a la maîtrise et le commandement au moment de la réalisation du dommage.
D’après la doctrine, cet arrêt inscrirait dans une tendance jurisprudentielle bien observée qui milite en faveur de rigueur des tribunaux à l'égard du propriétaire.