Sauvegarde de la biodiversité 2011-2020 : regards croisés sur les nouvelles stratégies mondiale, européenne et française (PARTIE 2)
Par Remi LAVIGNE
Avocat
Cabinet Me LAVIGNE
Posté le: 23/07/2011 12:20
Suite de l'analyse des différents nouveaux cadres stratégiques de protection de la biodiversité.
II) La nouvelle Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB 2011-2020)
Suite au Sommet de Rio de 1992 et à la ratification de la Convention pour la Diversité Biologique par la France en 1994, l’Europe a mis en place, en 2001, une Stratégie Européenne de développement durable, indiquant aux Etats membres d’adopter leurs propres stratégies nationales de développement durable. C’est à ce titre que la France a lancé en 2003, pour une période de 5 ans, sa stratégie nationale de développement durable, qui a été suivie, l’année d’après par la Stratégie Nationale pour la Biodiversité.
La Stratégie Nationale pour la Biodiversité a pour objet de répondre aux enjeux locaux et internationaux de protection de la biodiversité, relatifs notamment à l’établissement d’un réseau écologique paneuropéen, et la facilitation de l’accès à l’information environnementale. Dans le même temps, la SNB a été complétée par le Grenelle de l’Environnement et la France a ainsi progressivement adopté une ambition écosystémique au sein de sa politique de préservation de l’environnement.
La SNB vise à proposer une stratégie globale d'amélioration de l'intégration des enjeux de biodiversité dans l'ensemble des activités humaines, puis à animer et mettre en œuvre les actions associées. Il s’agit ainsi d’un cadrage servant de base à la prolifération de dispositions protectrices de l’environnement et de la biodiversité, telles que les lois Grenelle I et II.
La SNB de 2004, manquait cependant d’ambition, et les objectifs fixés n’ont pas été atteints en 2010, c’est pourquoi, le 19 mai 2011, suite aux Accords d’Aichi et à la nouvelle Stratégie européenne pour la Biodiversité, la France a dévoilé sa nouvelle stratégie nationale en la matière. Il est cependant important, avant de pouvoir comprendre la nouvelle SNB 2011-2020 B), d’examiner le fonctionnement de celle qui l’a précédée A).
A) La SNB 2004-2010 : des plans d'action ambitieux, mais peu mobilisateurs
L’ancienne SNB (2004-2010) comportait 4 orientations stratégiques, et 10 plans d’actions sectoriels qui seront détaillés plus bas.
Avec l’apparition de cette SNB sont apparues les notions de trames verte et bleue, ainsi qu’une ambition relative à la lutte contre la pollution lumineuse, l’urbanisation galopante non-durable, des discussions relatives au Grenelle de la mer.
Un travail commun a été mis en place dans le cadre de Plans de restauration et de réintroduction, avec différents organismes tels que le Muséum d’Histoire naturelle, la CNRS, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (pivot majeur de recherche pour la biodiversité issu de Grenelle I), l’institut de recherche pour le développement réunis autour d’une plate forme Internet sur la biodiversité. Sont également à noter diverses réflexions sur la valorisation des biens et services écologiques relatifs aux forêts.
Cependant les actions concrètes n’avançaient et n’avancent toujours pas assez vite. Les objectifs européens ne sont toujours pas atteints et trop peu d’espèces et d’habitat sont dans un état de conservation favorable. La biodiversité n’est pas suffisamment inscrite dans les enjeux politiques et les processus décisionnels.
Les orientations stratégiques de la SNB 2004 étaient axées sur un but simple qui s’est avéré irréalisable : stopper la perte de biodiversité d’ici à 2010. 5 grands principes y sont visibles : la mobilisation de tous les acteurs à leur niveau afin de respecter et de préserver la biodiversité ; la reconnaissance de la valeur du vivant et de la valeur des services écologiques ; l’intégration de la conservation de la biodiversité dans l’ensemble des politiques ; la mise en œuvre de plans d’actions sectoriels pour les activités à fort impact ; l’assurance du suivi de la biodiversité et l’accroissement de la connaissance scientifique opérationnelle.
En juillet 2010 a été établi le bilan global de la SNB de 2004, dans lequel a été notamment proposée (suite au Grenelle de l’environnement) une agence nationale de la nature destinée à favoriser l’atteinte des objectifs politiques de protection de la biodiversité, en améliorant la cohérence entre les différents cadres et acteurs politiques de protection de la biodiversité. Cette proposition s’avère d’autant plus utile que la multitude d’organismes de gestion des informations et des moyens est la première source de la complexité et du manque de suivi en matière de protection de la biodiversité en France.
Les plans d'actions de la SNB 2004-2010 faisaient l’objet d’un suivi et de rapports annuels qui étaient compilés tous les deux ans dans un rapport national sur la biodiversité. Les différents plans d’actions, ambitieux, mais qui se sont révélés être insuffisants, à la base desquels le législateur ainsi que les différents acteurs de la protection de l’environnement devaient baser leurs actions, sont les suivants :
Plan d’actions patrimoine naturel : Ce plan d’actions, dont la mise en œuvre prend sa source dans les deux lois Grenelle, comprend la mise en place de trames verte et bleue afin de maintenir des continuités écologiques pertinentes sur le territoire. Il prévoit notamment l’élaboration d’une stratégie nationale des aires protégées, le lancement de plans de restauration pour les espèces les plus menacées, la consolidation du dispositif de lutte contre les espèces invasives ainsi que la création d’un observatoire de la biodiversité.
Plan d’actions agriculture : (visible dans les lois Grenelle) : ce plan prévoit la création des Assises de l’agriculture, l’élaboration du bilan de santé de la PAC et des acquis de travaux de recherche l’agriculture et la biodiversité. Certaines actions ont été réorientées en faveur d’infrastructures agro-écologiques, notamment pour contribuer à l’élaboration des trames verte et bleue et le développement de certifications agro-environnementales, et la création d’un observatoire national de l’évolution de la biodiversité en lien avec les pratiques agricoles. Notons que ce plan d’actions n’apparaît pas chiffré…
Plan d’actions mer : ce plan est axé sur une gestion intégrée de la mer et du littoral, la gestion des sites Natura 2000 marins ainsi que le développement de 20 nouvelles aires marines protégées.
Plan d’actions infrastructures de transports terrestres : Ce plan engage la poursuite de la politique de préservation des continuités écologiques territoriales via la prise en compte des trames verte et bleue dans le schéma national des infrastructures de transport. Sa mise en application prévoyait notamment des guides techniques et des formations proposés aux gestionnaires d’infrastructures de transport.
Plan d’actions urbanisme : Ce plan prévoit la lutte contre l’étalement urbain et la disparition des espaces naturels et ruraux. Il fait la promotion des villes durables et supporte l’établissement des trames verte et bleue dans les documents d’urbanisme. Ce plan était sensé constituer un soutien à la construction d’Ecoquartiers et aux démarches d’EcoCités. Le but étant de restaurer la nature en ville, et de renforcer les études d’impact et les évaluations environnementales.
Plan d’actions international : Ce plan consiste en l’élaboration d’une plate-forme de gestion intergouvernementale - intégrant notamment un politique d’aide au développement - sur la biodiversité et les services écosystémiques. Par ce plan, la France a réaffirmé son soutient à la mise en place d’un mécanisme international d’expertise scientifique sur la biodiversité, un peu à l’image du GIEC (Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
Plan d’actions forêt : celui-ci comprenait la dynamisation de la filière bois, la favorisation de la diversité génétique, le renforcement de la connaissance et de la prise en compte du changement climatique, la rémunération des services écologiques forestiers, ainsi que la contribution essentielle (et attendue) des écosystèmes forestiers à la trame verte.
Plan d’actions recherche : Y sont prévues l’amélioration des acquis avec meilleure prise en compte des priorités (surtout celles identifiées lors du Grenelle), le renforcement de l’éducation et de la formation à la biodiversité, et enfin une meilleure coopération européenne, notamment grâce aux réseaux ERA-net et des partenariats avec les pays du sud.
Plans d’actions outre-mer : En 2005/2008 et en 2009 et 2010, de nouvelles actions ont été développées : restauration des espèces menacées, lutte contre les espèces invasives, renforcement de la gestion des aires protégées et amélioration de la connectivité écologique entre celles-ci, réflexion sur la mise en place d’un régime d’accès et de partage des avantages liées aux ressources génétiques, développement des connaissances sur la biodiversité.
Plan d’actions tourisme : Ce plan vise à augmenter la sensibilité des clientèles touristiques à la biodiversité, pour les inciter à protéger cette dernière. Les nouveaux labels d’éco-tourisme s’inscrivent dans cette tendance afin de mieux sensibiliser les professionnels du secteur et leurs clients, et d’intégrer des critères environnementaux au sein des structures et aménagements touristiques. On constate d’ailleurs aujourd’hui que la démarche éco-touristique est une activité en plein essor…
Il est à noter qu’en France, trop de différents acteurs agissent sur le territoire pour la protection de la biodiversité, ce qui donne un cadre incohérent et inefficace. En fait ce qu’il manque c’est une mutualisation des efforts, et une gestion commune des données et des moyens. L’organisation actuelle est trop éclatée, ce qui entraîne des difficultés de mise en œuvre du réseau Natura 2000 et de l’avancement des trames verte et bleue. En effet plusieurs organismes sont chargés de l’inventaire, du monitoring, de la cartographie, gestion, restauration ou protection de la biodiversité mais leurs actions ne sont pas coordonnées.
L’objectif central européen énoncé en 2004 était celui de stopper la perte de la biodiversité d’ici à 2010…
A l’issue de 2010, cependant, les objectifs n’étaient pas atteints. La mise en œuvre de l’ancienne SNB n’était pas suffisamment suivie ni encadrée (d’où la nécessité déjà abordée de la création d’un Observatoire national de la biodiversité). La perte de biodiversité n’était toujours pas stoppée, l’état de conservation des espèces et habitats d’intérêt communautaire et la mise en place du réseau Natura 2000 sont encore largement insuffisants alors que de nouvelles initiatives en faveur de la biodiversité apparaissent : en 2010, l’année de la biodiversité, la première SNB a échoué et devait être révisée.
B) La SNB révisée : 2011-2020
Les nouveaux accords d’Aichi ainsi que la nouvelle Stratégie européenne de la biodiversité ont accompagné le processus nécessaire à la révision de l’ancienne stratégie nationale de 2004. Cette fois ci, l’enjeu moteur de la révision est la dimension sociétale qu’on souhaite lui donner afin de faire une SNB mise en place par et pour tous les acteurs, qu’ils soient publics ou privés, et quels que soient les domaines d’activité ou leur localisation. Les acquis de 2010 doivent être pris en compte pour aller au delà, en intégrant tous les acteurs : les entreprises, les citoyens (via notamment une amélioration de leur pouvoir consultatif), l’Etat, et les collectivités territoriales (via d’éventuelles Stratégies régionales pour la biodiversité).
La nouvelle stratégie se doit d’être plus cohérente et d’assurer une meilleure coordination des actions aux échelles temporelles (court terme/long terme) et géographiques (internationale, européenne, nationale, régionale, locale). Ainsi la fluidité et l’accessibilité à l’information environnementale doivent être accrues.
La révision de la SNB a été pilotée par le « Comité de révision de la SNB » , une instance hétérogène chargée de suivre la mise en œuvre des engagements pris à Nagoya et da la nouvelle Stratégie européenne pour la Biodiversité de mai 2011. La Stratégie révisée version 2011-2020 a été dévoilée le 17 mai 2011, par Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET.
1) La SNB 2011-2020 : exposé des objectifs
Selon les associations de protection de l’environnement, une cohérence des politiques publiques est absolument nécessaire pour préserver la biodiversité et continuer à bénéficier des services écologiques. Cependant force est de constater que l’incohérence des politiques publiques avec les enjeux de protection de la biodiversité s’est avéré être un frein considérable à la mise en œuvre de l’ancienne SNB. Ce type d’incohérence ne semble hélas pas prêt de s’arrêter, à titre d’exemple, le projet d’extension de l’aéroport de Mayotte, soumis à débat public jusqu’au 5 novembre 2011 suscite de vives contradictions entre l’avantage économique représenté, et le désastre écologique qui se prépare dans le lagon.
Il est également nécessaire de rappeler que la France a été récemment condamnée par la CJUE pour insuffisance des mesures de protection de l’habitat et de l’espèce du Grand hamster, espèce endémique d’Alsace : l’urbanisation galopante, la construction d’infrastructures de transport, et les mauvaises pratiques agricoles ont quasiment détruit l’espèce, et le fait d’introduire des individus élevés en captivité n’y changera rien... Le grand contournement Ouest de Strasbourg aura très certainement raison des derniers individus qui subsistent. La mise en place d’une réelle stratégie nouvelle est donc nécessaire.
La SNB, 2011-2020 vise clairement à changer les choses. Elle s’inscrit dans la continuité des anciens plans d’actions, et voit sa mise en œuvre secondée par les nouveaux engagements de l’Etat 2011-2013. Cette nouvelle SNB est un document de cadrage présentant 6 orientations stratégiques et 20 objectifs qu’il convient d’analyser.
a) Orientation Stratégique A : Susciter l’envie d’agir pour la biodiversité (P16-19) :
Il est nécessaire, et cette orientation stratégique le rappelle, de valorisation la biodiversité dans l’esprit des citoyens et des décideurs. C’est à cet égard que tous doivent connaître la biodiversité. Or la biodiversité a quasiment disparu des villes, et l’approche des ruraux n’en est que très parcellaire. La société doit ainsi tendre en faveur d’une prise en compte et du respect de la biodiversité. La population doit être éduquée pour pouvoir appréhender convenablement la valeur croissante de la biodiversité et des services écosystémiques ; il est nécessaire de l’intégrer dans la culture et dans les pratiques personnelles et professionnelles. L’objectif de cette orientation stratégique est, au final, de faire aimer la biodiversité (et donc de susciter l’envie de la protéger), d’expliquer les rôles et services essentiels qu’elle remplit pour nous (santé, alimentation, cadre de vie…), et se rendre compte de la réciprocité des relations et des actions de l’homme avec les biotopes. Cette prise de conscience citoyenne ne sera évidemment pas sans conséquences auprès des décideurs politiques. Dans tous les cas, l’orientation stratégique A a pour ambition de rendre compte des bénéfices de l’action dans chacun envers la collectivité et la nature, et de faire ainsi émerger une « culture de la nature ».
Objectif n°1 : Faire émerger, enrichir et partager une culture de la nature
Premier objectif de la SNB 2011-2020, celui-ci a pour but de faire reconnaître la biodiversité par la société, dans l’optique de la création d’une culture de la nature. Par cela on entend de diversifier les perceptions et usages positives pour la biodiversité. La SNB précise que la culture de la nature peut s’inspirer des connaissances et des usages croissants de la nature, ce qui aura pour conséquence de renforcer la prise de conscience (et la valorisation) du rôle majeur de la diversité biologique de fournisseur de bienfaits matériels et immatériels pour l’homme. Il est subsidiairement rappelé que cette culture de la nature, porteuse d’espoir, sera diffusée par tous les acteurs de la culture (écoles, culture familiale, sorties, médias etc.)
Objectif n°2 : Renforcer la mobilisation et les initiatives citoyennes
Les citoyens, par leur mode de consommation, de logement, de transports, sont des acteurs à part entière de la préservation –ou de la perte- de la biodiversité. La SNB 2011-2020 propose d’utiliser ce rôle des citoyens et de capitaliser les initiatives pro-biodiversité afin d’élaborer des modèles d’actions potentiellement transmissibles via tous types de médias. Il est ici envisagé de façon à demie-voilée de faire de la publicité pour les initiatives citoyennes favorisant la biodiversité. Rappelons néanmoins que ce type de publicité est déjà enclenché en France, mais qu’on en ignore le réel impact. Ces initiatives citoyennes, cependant pour être efficaces, doivent concerner et associer toutes les parties prenantes (associations, entreprises, décisionnaires inclus). La participation des personnes morales est encore hélas trop faible et mérite d’être renforcer. Ainsi cet objectif n°2 souligne un point négatif récurrent de notre système : nos dispositifs économiques et sociaux ne permettent pas suffisamment aux citoyens de s’engager dans des actions pour la biodiversité.
Objectif n°3 : Faire de la biodiversité un enjeu positif pour les décideurs
Ce troisième objectif axe clairement son ambition sur les politiques. En effet le respect de l’environnement est désormais un atout « marketing » essentiel dans les campagnes politiques, tout autant que la santé publique et l’économie. La biodiversité à part entière doit, selon la SNB, être assimilée en politique comme un atout fort, indispensable des processus décisionnaires, et pour cela, les décideurs doivent comprendre la valeur de la biodiversité, et mesurer le coût de l’inaction car, encore une fois, la biodiversité n’a pas de prix, mais elle à un coût et nécessite des investissements.
b) Orientation Stratégique B : Préserver le vivant et sa capacité à évoluer (p20-24) :
Il est un élément qui n’est pas souvent repris au sein des diverses normes actuelles de protection de l’environnement, ni dans les médias d’ailleurs, c’est l’impact de l’Homme sur l’évolution des espèces. Or cet impact est d’autant plus logique que la biodiversité signifie diversité génétique, et signifie facilité d’évolutions des espèces face aux changements du monde. La capacité des espèces à évoluer est donc primordiale pour le futur : Protéger la biodiversité revient à protéger l’évolution des espèces, et l’évolution de l’Homme. Or pour préserver la capacité du vivant à évoluer, il convient de prendre en considération toute la diversité des espèces, quelles soient en danger ou non. Cette nécessité est d’autant plus forte en outre-mer, ou la nécessité de préserver la diversité des espèces se heurte aux problématiques des espèces exotiques envahissantes. Il est à noter que l’Outre-Mer français abrite quantités d’espèces endémiques qui n’ont que très peu voire aucune capacité d’adaptation. Préserver la biodiversité revient aussi à tenir compte de l’extrême vulnérabilité de certaines espèces. L’orientation stratégique B vise donc à ceux que tous les acteurs s’engagent à préserver les ressources génétiques, les espèces et écosystèmes, les paysages, et la capacité du vivant à perdurer et à s’adapter. Cette orientation, forte de termes fort, suscite de prime abord une interrogation très simple : comment s’y prendre ?
Objectif n°4 : Préserver les espèces et leur diversité
La rencontre, et la coordination des différentes espèces est une des clés de leur survie et de leur expansion sur Terre. Il est nécessaire, pour garantir la survie de toutes les espèces, de s’axer prioritairement sur celles dont la survie est menacée à court ou moyen terme, et donc la coordination d’écosystèmes dépend. La stratégie envisage pour cela de mettre en place des plans d’action spécifiques aux espèces vulnérables, sans pour autant négliger les espèces n’étant pas en danger mais qui sont pourtant essentielles aux services écologiques (ex : les abeilles). Certaines espèces ont vu dernièrement leurs effectifs diminuer de manière drastique, d’où la nécessité de les protéger et, subsidiairement de réintroduire des espèces qui avaient disparu d’une région donnée. De plus, l’objectif n°4 prévoit, outre l’ambition de préserver les espèces en danger, la conservation de stocks suffisants des espèces afin d’assurer un maintien durable. En effet, au delà de sauver certaines espèces, il est question de veiller à toutes les maintenir. La diversité génétique étant primordiale contre le réchauffement climatique, le développement économique et la recherche.
Objectif n°5 : Construire une infrastructure écologique incluant un réseau cohérent d’espaces protégés
Protéger les écosystèmes est impératif pour garantir les processus d’évolution, l’adaptation des espèces, et indirectement le maintien de la biodiversité. (Cercle vertueux). Les espèces, pour pouvoir vivre et proliférer ont besoin de se déplacer. C’est là toute l’ambition de la Trame vert et bleue (TVB) déjà introduite par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010, qui a pour ambition de combattre l’urbanisation galopante et en prévoyant des passerelles à la circulation des espèces. (Cela n’empêche pas, cela dit, de rester vigilants quant à l’impact de cette TVB sur la propagation potentielle d’espèces invasives, ou la propagation de maladies). La TVB comprend différents réservoirs de biodiversité et des éléments permettant la connectivité de l’ensemble de la biodiversité. La SNB 2011-2020 oublie cependant que la mise en place de la TVB n’en est qu’à ses débuts. Très peu de gens encore sont au courant de l’existence de ce système dont la mise en place, et la cohérence est désormais impérative, à toutes les échelles territoriales (dont l’outre-mer) pour la préservation de la diversité biologique et la sauvegarde de la continuité écologique non seulement en milieu rural mais aussi en milieu urbain. Rappelons à cet égard que le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a adressé un signal d’alerte le 9 juin 2011 à l’Europe face à la fragmentation des forêts européennes, que combat notamment la TVB. Or, la fragmentation des habitats est la cause principale de la perte de biodiversité. Raison pour laquelle la France met en place la trame verte et bleue.
Objectif n°6 : Préserver et restaurer les écosystèmes et leur fonctionnement
Notons que cet objectif avait été jugé prioritaire lors des travaux préparatoires de la SNB. Il implique de prendre acte de la dégradation déjà effective des écosystèmes et des habitats naturels et semi-naturels et de mettre en place une politique d’amélioration des habitats (politique pouvant s’avérer être une option efficace pour assurer le fonctionnement des écosystèmes dont l’utilité réside dans les services utilisés par l’Homme tels que la régulation du climat, l’épuration des eaux usées, ou la pollinisation). Or la préservation des écosystèmes la préservation des écosystèmes nécessite des engagements quantitatifs et qualitatifs. Il faut se donner l’ambition de préserver les écosystèmes et veiller à leur fonctionnalité, préserver leur capacité à s’adapter et à fournir les services écosystémiques dont nous avons besoin. Il est à noter que si l’objectif est clairement énoncé, aucun moyen nouveau de préservation n’est hélas indiqué. Il est donc possible de se demander qu’elle sera réellement la portée de l’engagement pris par l’Etat en la matière, ou si un engagement il y aura…
c) Orientation Stratégique C : Investir dans un bien commun, le capital écologique (p 24-27) :
La biodiversité et ses ressources enrichit et améliore son bien être et son mode de vie, cependant l’exploitation abusive de la nature l’empêche de se renouveler correctement. La notion de renouvellement s’accompagne de la nécessité de considérer la biodiversité comme un capital : un capital économique limité qu’il est nécessaire d’entretenir et de renouveler via une utilisation durable et équitable des ressources. Afin de préserver ce capital, l’orientation stratégique C de la SNB 2011-2020 prévoit la construction de stratégies économiques de très long terme, basée sur des investissements, et la rationalité économique plutôt que sur des bénéfices de court à moyen terme qui engendreront des coûts bien supérieurs sur le long terme. La capitalisation de la biodiversité revient pour tous les acteurs à utiliser la capacité d’adaptation et d’évolution de la biodiversité, sans pour autant compromettre son existence. Notons que pour garantir cet objectif, il sera nécessaire d’évaluer la limite d’utilisation à ne pas dépasser, un peu à l’image du MSY system pour les réserves piscicoles.
Objectif n°7 : Inclure la préservation de la biodiversité dans la décision économique.
La biodiversité et la quantité ressources naturelles dépendent aujourd’hui de notre mode de croissance économique. Et pourtant cet objectif rappelle très justement que le coût de la biodiversité n’est pris en compte que de façon « lacunaire » dans les décisions économiques. Il apparaît donc crucial d’intégrer la biodiversité dans les décisions économiques. Or il est dans l’intérêt de tous d’investir dans le capital écologique et de participer au développement du bien commun, car tout le monde pourra tirer parti des richesses préservées et développées. Par cet objectif, l’Etat évoque la nécessité de supprimer les subventions néfastes à la biodiversité, de réformer la fiscalité, et d’introduire des incitations positives. Cette démarche va évidemment de paire, (sans dépasser, hélas,) avec l’engagement européen du même type en la matière. Il est également prévu d’intégrer les impacts sur la biodiversité au sein de l’affichage relatif à la biodiversité, et l’application du principe pollueur-payeur. Cet objectif évoque également la possibilité de soumettre les subventions publiques à des conditions suspensives de « bioconditionnalité ».
Objectif n°8 : Développer les innovations pour et par la biodiversité
Valoriser la biodiversité s’accompagne nécessairement d’innovations en la matière, notamment par les nouvelles technologies, ou comme support pour des activités durables. De plus, la SNB souligne l’opportunité que représente les éco-innovations en tant que génératrices d’impacts positifs tant sur le plan écologique que sur les plans social et économique. Le génie écologique peut ainsi devenir un domaine moteur de développement, de transmissions de connaissances, et d’améliorations de performances du niveau local à l’international. La SNB doit permettre le développement de concepts et projets nouveaux, quelle que soit leur origine, portant notamment sur les méthodes de valorisation novatrices. Reste à savoir comment cet objectif pourra être mis en place. Aucun indice n’est mentionné.
Objectif n°9 : Développer et pérenniser les moyens financiers et humains en faveur de la biodiversité
La préservation et restauration du capital écologique nécessite des moyens cohérents sur le long terme ainsi que de multiples ressources adaptées afin de soutenir les actions sur l’ensemble du territoire national, et pour répondre aux engagements internationaux de la France (Nagoya). Cependant, sans soutien financier de la part de tous les acteurs économiques, la cohérence ne pourra évidemment pas être assurée. Les filières vertes doivent être développées, mais hélas, l’Etat ne semble pas assez enclin au changement, ou tout simplement pas cohérent dans ces décisions pour permettre l’existence d’une base solide à partir de laquelle les métiers verts pourront se développer (ex : filière photovoltaïque et le constant remaniement des prix d’achat d’électricité).
Objectif n°10 : Faire de la biodiversité un moteur de développement et de coopération régionale en outre-mer
Un constat récent a démontré que l’Outre-Mer dépend beaucoup trop de l’importation, non seulement en matière d’énergie, mais aussi les matériels utilitaires, et surtout pour les produits alimentaires. De ce fait, le coût de la vie est élevé, et l’importation représente une forte empreinte carbone. Or l’objectif n°10 de la SNB 2011-2020 évoque la possibilité d’un développement des collectivités d’Outre-Mer (COM) basé sur leurs propres potentiels : en effet ces collectivités possèdent un potentiel d’exploitation de biodiversité hors du commun. L’innovation et la recherche basée sur la biodiversité unique abrité en COM implique une grande possibilité de création d’activités. De plus la préservation et valorisation des atouts écologiques est possible pour développer le tourisme dont les impacts doivent être réduits au maximum. Enfin l’objectif prévoit de coopérer en matière de biodiversité avec les pays avoisinants, ce qui a pour avantage de permettre le partage de retour d’expérience. De plus, il est souligné que le particularisme des actions outre-mer pourrait inspirer des actions sur le continent. Cet élément est bien moins sûr, tant il apparaît que la métropole ne connaît que très peu ce qui se passe en Outre-Mer.
d) Orientation Stratégique D : Assurer un usage durable et équitable de la biodiversité (p 28-31) :
Les activités humaines ont, directement ou indirectement une incidence évidente sur la biodiversité. L’artificialisation des sols entraîne une diminution des terres disponibles pour la nature, morcelle les habitats, et empêche les espèces de se déplacer. De plus les multiples pollutions (physique, chimique, biologique, ou radioactive) modifie la structure des peuplements et altère les habitats, ce qui est notamment propice à la prolifération d’espèces invasives. A ces pressions s’ajoutent évidemment celle du changement climatique. Les biens et les services de consommation de l’Homme ont des conséquences désastreuses sur la biodiversité, qui elles-mêmes ont des conséquences sur l’Homme. L’ensemble des acteurs (sociétés, décisionnaires politiques et privés) doivent donc s’engager à agir pour changer les modes de consommation afin que l’Homme assure, une utilisation de la biodiversité qui soit durable et équitable. On retombe ici dans la notion d’utilisation durable, et de valeurs limites d’utilisation (MSY). C’est là l’objectif de l’Orientation Stratégique D de la SNB 2011-2020.
Objectif n°11 : Maîtriser les pressions sur la biodiversité
Cet objectif, lui aussi a été jugé prioritaire dans les travaux préparatoires de la SNB. Il s’articule en deux temps : tout d’abord renforcer la connaissance et la compréhension des pressions pesant sur la biodiversité, puis ensuite réagir en engageant des actions d’évitement, de réduction, voire de compensation des pressions inévitables. Par exemple, il serait possible de promouvoir et d’utiliser plus de matériaux à faibles impacts, notamment dans l’agro-alimentaire. Il serait possible de limiter l’artificialisation des terres, de promouvoir la transparence écologique dans les infrastructures de transport (ce dernier point est déjà mis en route par de nombreuses entreprises de transport), et d’instaurer de bonnes pratiques en matière de lutte contre la pollution, ou contre les espèces invasives. Cela se ressent tout particulièrement en Outre-Mer, où les pressions doivent être suivies et évaluées, tout particulièrement pour les mangroves, récifs coralliens, zones humides, forêts primaires, et les estuaires.
Objectif n°12 : Garantir la durabilité de l’utilisation des ressources biologiques
La nécessité d’une utilisation durable et le besoin d’établir des valeurs limites d’utilisation se ressent tout particulièrement dans trois domaines privilégiés par cet objectif : la pêche, l’agriculture, et l’exploitation forestière. Dans ces trois domaines, il apparaît crucial de promouvoir un usage intégrant la préservation de la biodiversité, ce qui implique d’évaluer le mieux possible les taux de renouvellement de chaque ressource, et de développer des modes de production et de prélèvement respectueux de l’environnement. L’objectif rappelle notamment la nécessité de changer notre mode de consommation, cela implique le besoin de sensibiliser les consommateurs sur les impacts (positifs ou négatifs) de leurs modes de vie sur la biodiversité. A titre subsidiaire l’objectif rappelle l’importance de la valorisation des déchets, encore trop souvent négligée. Notons qu’il faut également engager des actions à tous les niveaux et promouvoir la coopération internationale, via notamment la PAC et la PCP en vue d’améliorer les filières durables et renforcer les importations de produits certifiés.
Objectif n°13 : Partager de façon équitable les avantages issus de l’utilisation de la biodiversité à toutes les échelles
Ce treizième objectif s’inscrit dans une optique d’optimiser l’utilisation de la biodiversité, en valorisant, en renforçant, et en partageant de manière équitable les avantages tirés de cette utilisation. Le partage équitable des ressources n’est pas sans évoquer le Protocole de Nagoya sur l’accès et le partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques, car il apparaît en effet impératif d’assurer un retour juste et équitable entre les bénéficiaires des services écologiques, et ceux impliqués dans leur maintien (par exemple il serait possible en France de mettre en place un régime juridique d’accès aux ressources génétiques, à l’instar du protocole de Nagoya). La solidarité écologique doit, par cet objectif, devenir de rigueur. Il reste à savoir comment.
e) Orientation Stratégique E : Assurer la cohérence des politiques et l’efficacité de l’action (p32-35) :
Cette orientation, hélas, s’avère extrêmement nécessaire. En effet, le manque d’application des normes environnementales, vient tout simplement de leur manque d’applicabilité causé par le trop grand nombre de normes, d’organismes, et de dépenses publiques. Or très souvent une action est engagée sans être cohérente avec les autres politiques publiques, ce qui la rend inapplicable. Analyser un aspect particulier sans appréhender les inévitables contradictions est donc une des préconisations de l’orientation stratégique E. Les décideurs politiques se doivent d’entreprendre des arbitrages entre leurs axes contradictoires, tenir compte de l’état des connaissances sur la biodiversité et des équilibres de la biosphère, pour au final arriver à des actions cohérentes et à la pérennité de la biodiversité, et de notre espèce. Au final, cette orientation vise à instaurer un cadre incitant à la conception et qui permette de respecter la capacité de renouvellement des ressources naturelles.
Objectif n°14 : Garantir la cohérence entre politiques publiques, aux différentes échelles
Des politiques publiques peuvent être source de pressions sur la biodiversité : fragmentation des habitats via l’urbanisation galopante, surexploitation, et propagation des espèces invasives. Or ces atteintes peuvent être réduites. Il est nécessaire de renforcer la cohérence des mesures à l’échelle géographique, et à l’échelle hiérarchique. La SNB rappelle à cet égard l’obligation, toujours peu respectée, d’avoir notamment une cohérence entre les différents documents d’urbanisme. Une cohérence dans le partage des bonnes pratiques entre les différents acteurs, à la meilleure échelle possible surtout sur le plan financier. Chacun au final doit prendre acte de ses responsabilités.
Objectif n°15 : Assurer l’efficacité écologique des politiques et des projets publics et privés
Cet objectif a pour ambition de standardiser les méthodes et outils permettant de faire les meilleur choix de prise en compte de la biodiversité par les décideurs. En effet, les méthodes d’évaluation des impacts environnementaux des diverses activités ne sont pas encore optimales, et elles se doivent d’être de plus en plus rigoureuses et exhaustives : de nouvelle méthodes et expérimentations, à tous niveaux le montrent, telles que les nouvelles analyses cycle de vie qui intègrent la biodiversité. Pour évaluer ces nouvelles méthodes est proposé un arbitrage cohérent par les parties prenantes concernées, du producteur au consommateur.
Objectif n°16 : Développer la solidarité nationale et internationale entre les territoires.
L’interdépendance écologique des territoires est un fait. Les polluants déversés dans un cours d’eau ne s’arrêtent pas aux frontières. Il appartient aux activités à l’origine de pollutions de les réparer et de réduire leurs impacts, même si une distance importante sépare le fait générateur du lieu de survenance du dommage. Par exemple, si une agglomération bénéficie de la limitation des crues due à la présence en amont d’une importante zone rurale et veut éviter l’urbanisation de cette zone, il est légitime d’envisager une contrepartie (cela fonctionne dans le domaine de l’eau en France, mais pas en matière de biodiversité). La solidarité internationale doit être renforcée en assurant une intégration plus forte de la biodiversité dans la politique d’aide au développement de la France, en soutenant l’action des collectivités territoriales, des structures de recherche, des associations ou des entreprises en faveur de la biodiversité mondiale, en complétant la panoplie d’outils, de méthodes, d’approches et de moyens pour l’intervention française.
Objectif n°17 : Renforcer la diplomatie environnementale et la gouvernance internationale dans le domaine de la biodiversité.
La dimension internationale, intégrée dans la plupart des objectifs de la SNB s’accompagne de la nécessité de promouvoir des actions internationales cohérentes pour l’ensemble des acteurs à l’international. Les différentes politiques françaises sectorielles telles qu’en matière commerciale, agricole, forestière, éducative, culturelle doivent trouver un écho hors de nos frontières. Tous les acteurs et impliquer tous les partenaires concernés chacun à leur niveau de négociation et de mise en œuvre doivent pour cela être mobilisés, et pour ce faire, la SNB prévoit notamment l’amélioration de la gouvernance internationale des actions pour l’environnement articulée autour de l’IPBES (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services), ou de l’OME (Observatoire Méditerranéen de l’Energie). Enfin, l’objectif rappelle la nécessité de renforcer les capacités d’action internationale des acteurs non gouvernementaux, et le besoin d’organiser des conférences internationales pour susciter un dialogue plus régulier entre les acteurs. Hélas ce type d’engagement non suivi d’effet a déjà été vu, notamment au sein de l’ancienne SNB.
f) Orientation Stratégique F : Développer, partager et valoriser les connaissances (p36-39) :
Renforcer les connaissances sur la biodiversité et les services écosystémiques contribue au bien-être de l’humanité, c’est pourquoi il apparaît nécessaire de développer la recherche (pluridisciplinaire) de connaissances en matière de biodiversité. Cela implique la création de nouvelles interfaces entre les différents acteurs de la biodiversité, et l’instauration d’un dialogue entre sciences et société. Or les questions et enjeux en matière de biodiversité sont en évolution rapide, d’où la nécessité de financer des nouveaux chantiers, et de subventionner la recherche en matière de génie-écologique. Les réseaux d’observations de la biodiversité tels que l’Observatoire de la Biodiversité doivent être renforcés dans une optique d’élaborer une meilleure synthèse des connaissances et une meilleure coordination des politiques locales, nationales, et internationales. Le développement, le partage, et la valorisation des connaissances en matière de biodiversité est donc une Orientation Stratégique sine qua non de l’application de la SNB 2011-2020.
Objectif n°18 : Développer la recherche, organiser et pérenniser la production, l’analyse, le partage et la diffusion des connaissances
Les connaissances, en matière de biodiversité, sont encore bien trop insuffisantes. Elles sont dispersées et peu accessibles aux nombre grandissant d’acteurs impliqués. De nouvelles questions et de nouveaux enjeux apparaissent continuellement, et des efforts de recherche en la matière sont donc nécessaires, en ce qui concerne l’état général de la biodiversité, ainsi que tous les mécanismes qui y sont impliqués, ses taux de renouvellement, et l’interaction exacte avec les activités humaines. La réflexion commune, ainsi que la construction commune de projets doivent être privilégiées. Mais cela ne sera possible que si l’Etat met en place des moyens de coordination renforcés, et facilite, au delà du respect de l’obligation d’accès à l’information environnementale, l’accès à tout type de données produites (ce qui pourrait se heurter à certaines obligations de confidentialité : comment développer le génie-écologique si l’on dévoile les résultats de ses recherches ?). Cet objectif n°18 évoque, à titre subsidiaire la possibilité de recours à l’expérimentation, notamment via des sites d’étude permanents. Le problème avec ce type de démarche, est que des acteurs (généralement des collectivités) mettent en place des mesures contraignantes sans garantie de retour sur investissement. Il est toujours plus attractif d’expérimenter chez les autres. Dans tous les cas on ignore encore comment ce renforcement de la recherche et la facilitation des connaissances en matière de biodiversité seront mis en place, plusieurs difficultés, notamment du point de vue de la confidentialité des données, et du point de vue des risques économiques semblent donc poindre.
Objectif n°19 : Améliorer l’expertise afin de renforcer la capacité à anticiper et à agir, en s’appuyant sur toutes les connaissances
Cet avant-dernier objectif rappelle la nécessité de tous se mobiliser (durablement) au sein d’une expertise collective à toute les échelles. Or le problème avec ce type d’expertise, c’est la manque de neutralité des points de vue. Cette expertise collective devra donc se faire de façon indépendante, et totalement objective (des décisions étant à la clé) ce qui s’annonce extrêmement difficile. De plus, mobiliser tous les acteurs a pour avantage de compléter les fruits des expertises existantes lancées par les organismes professionnels ou par des experts individuels. Le résultat de ces expertises trouvant déjà leur reflet dans l’extraordinaire augmentation des normes professionnelles (ex : normes ISO 14001 , NF X 31-620, BX X 30-323 etc.). Evidemment, la mobilisation ne sera pas que française, c’est pourquoi il est précisé que l’expertise française s’inscrira de toute façon dans le cadre de l’IPBES, pour favoriser, à l’international, un meilleur dialogue entre science et société et une meilleure mobilisation (financière) de la recherche pour optimiser la gestion de la biodiversité.
Objectif n°20 : Développer et organiser la prise en compte des enjeux de biodiversité dans toutes les formations.
Dans cet ultime objectif, la SNB 2011-2020 rappelle que la biodiversité doit constituer un élément constitutif de notre société, et non plus un élément accessoire. La biodiversité doit être assimilée par tous comme de la responsabilité de chacun. On retrouve ici la notion de responsabilité sociétale des organisations, notamment mise en exergue par la norme ISO 26000. La biodiversité doit être intégrée dans notre culture, instruite à tous les cursus (école primaire, collège, lycée, formation continue). Cette formation à la biodiversité doit également être effectuée chez les décideurs politiques, économiques et sociaux, ainsi que les citoyens qui sont depuis longtemps sortis de l’école. Optimiser les connaissances de base de la population sur la biodiversité contribue à garantir la prise en compte générale des enjeux concernant l’humanité. Cette prise en compte aura évidemment des conséquences dans toutes les réflexions de la société : le droit, les sciences, l’économie, les biens de consommation, le génie écologique etc.La gouvernance de la SNB sera partagée entre l’Etat, les collectivités territoriales, les employeurs, syndicats de salariés et associations de protection de la nature. Elle est portée par les instances décisionnelles et ou consultatives locales et nationales. Son efficacité sera directement subordonnée à la coïncidence des différents intérêts des parties prenantes. Il faut que tout soit coordonné le plus en amont possible. La consultation et participation du public sont encouragés, en vertu des principes de transparence et de lisibilité.
Cette SNB s’inscrit visiblement dans la continuité des démarches déjà entreprises ou tout simplement en cours. Par exemple, la culture de la nature est en ce moment en pleine émergence, le nombre de formations en développement durable et en environnement ne cesse de croître. Ce qui est visé, est l’investissement dans la recapitalisation écologique accompagnée d’une utilisation durable des ressources vivantes, et une répartition équitable des bénéfices dus aux services écosystémiques.
De plus en plus d’organismes choisissent d’être certifiées pour leur qualités environnementales tant la biodiversité constitue une stratégie séduction pour les décideur (cf : objectif 3), et surtout le nombre de normes de protection de la nature continue d’être en extraordinaire augmentation (le délit de pollution des eaux, la nouvelle fiscalité environnementale, les dispositions relatives à l’enfouissement des déchets, l’agrément de l’UE aux agrocarburants, les tribunaux correctionnels citoyens, le récent décret encadrant le bilan d’émission de gaz à effet de serre et la réalisation d’un plan climat énergie territorial pour les entreprises de plus de 500 salariés et les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants etc.). Il est également possible de rappeler que le réseau d’espaces protégés (objectif 5) existe déjà mais il est mal mis en œuvre. L’objectif 10 s’inscrit également totalement dans les démarches récentes en matière d’écotourisme.
Beaucoup de ces objectifs apparaissent très ambitieux, mais s’ils sont utiles, quasiment rien n’est dit sur la façon avec laquelle ils seront ou peuvent être mis en place, surtout financièrement. Or pour que suffisamment de choses soient accomplies, La nouvelle SNB, contrairement à celle à laquelle elle a succédé, à besoin d’être une stratégie d’action et surtout de mobilisation, d’où son nouveau cadre général et le nouveau dispositif d’adhésion/engagement qui sera mis en œuvre en même temps qu’un Comité national de suivi de la SNB, un Tableau de bord annuel, et la participation d’instances consultatives telles que le Comité national du développement durable et du Grenelle de l’Environnement, et le Conseil économique, social et environnemental. Pour autant, énormément de critiques subsistent concernant cette nouvelle SNB, dont toute l’application est à faire.
2) La SNB 2011-2020 : une Stratégie déjà malmenée
Cette nouvelle Stratégie Nationale pour la Biodiversité, si ambitieuse soit-elle, oublie de tenir compte de certains éléments cruciaux :
Tout d’abord, elle se doit d’intégrer la biodiversité dans tous les secteurs de la société, ce qui ne se ressent pas suffisamment. De plus il s’agit d’une stratégie non contraignante brillant par son absence de réels financements. En effet les objectifs ne sont que très peu, ou pas chiffrés. A cet égard il est à noter qu’est annoncé prochainement une mission relative à la fiscalité du patrimoine environnemental : est ainsi réclamée « une taxe additionnelle de 0,5 % à la taxe sur le foncier bâti et son affectation pour une gestion écologiquement rationnelle du foncier non bâti à valeur écologique », ce qui est considéré par les ONG de protection de l’environnement comme extraordinairement insuffisant (eux réclament une augmentation de 15% en 3 ans sur les friches industrielles).
Il faut aussi redéfinir nationalement et régionalement le dispositif de préparation concertée des décisions relatives à la biodiversité, grâce à un comité national et un comité unique par région, tout ça à la place des instances consultatives actuelles. Des dispositifs de décision partagés, seraient plus adéquats, comme pour la trame verte et bleue ou Natura 2000.
De plus le 27 mai 2011 s’est tenu le séminaire de clôture du chantier « pour un urbanisme de projet » (issu de Grenelle II) visant à simplifier le droit de l’urbanisme pour faciliter les projets de construction. Les concertations n’ont donc pas été poursuivies, et la cohérence avec le Grenelle n’apparaît pas puisque des dérogations aux règles contraignantes envisagées en droit de l’urbanisme ne sont que peu encadrées (affaiblissement des voies de recours et diminution des obligations de concertation avec les habitants), et favorisent l’urbanisation galopante. En allégeant les procédure d’évolution des PLU, on permet ainsi un grignotage urbain jusqu’à 5% des zones agricoles ou naturelles, ce qui pourrait rentrer en contradiction avec les objectifs de la SNB 2011-2020.
Il est également relativement aisé de constater l’absence de mesures réelles concernant les secteurs impactant fortement la biodiversité et qu’au final, les meilleures, ou les plus significatives des avancées vont de concert avec les lois Grenelle I et II, et la mise en place d’une Trame verte et bleue nationale.
Enfin, malgré les progrès du Système d’Information sur la Nature et les Paysages (structure française animée par les DREALS et qui recense et rassemble les dispositifs d’observation concernant la nature et les paysages français) la France ne pourra pas, même en 2013, présenter un bilan complet de l’état de ses habitats en particulier pour les milieux marins. Au final, la France ne se montre pas à la hauteur de ses engagements internationaux. Cette SNB est sensé être la mise en action des engagements pris à Nagoya en octobre 2010, et semble engager, plus qu’avec difficulté la France dans une réelle démarche.
III) Engagements de l’Etat et responsabilité (sociétale?) de chacun
Dans le même temps que la publication de la nouvelle SNB, l’Etat a publié ses engagements pour 2011-2013 (A), d’autre part il invite les collectivités, et toutes les personnes morales le souhaitant à adhérer à la SNB (B).
A) Les engagements de l’Etat 2011-2013
Les engagements de l’Etat pour la période 2011-2013 ont été dévoilés, afin tout simplement de démontrer la volonté de l’Etat de s’engager dans une réelle politique de protection de la biodiversité.
6 thèmes se dégagent au sein de ces engagements :
Thème 1 : Restauration des milieux naturels et des continuités écologiques
( via des appels à projets sur la restauration de ce qui a été coupé par les infrastructures de transport, en tenant compte des actuelles et des anciennes dans l’élaboration de mesures compensatoires) (restauration de sites dégradés, remarquables, fragiles type Natura 2000, zone humides etc..) (renforcement des infrastructures agro-écologiques avec les trames vertes et bleues) ( valorisation des friches industrielles et portuaires) (lutte contre les espèces invasives en outre-mer)
Thème 2 : Intégrer la biodiversité dans les politiques sectorielles
Ce thème a pour ambition d’éviter les impacts négatifs des activités nuisibles à la biodiversité, de réduire les pressions existantes, de compenser les impacts inévitables et de renforcer les impacts positifs. Ce thème s’articule principalement autour d’appels à projet en matière d’exploitation de pêcheries, puis d’envisager un projet de texte relatif aux réserves halieutique, de conditionner les aides publiques aux événements sportifs et de soutenir la certification environnemental. Beaucoup d’élément intéressant y figurent, mais aucune approche technique.
Thème 3 :Amélioration de la connaissance en matière de biodiversité et innovation
Ce thème a pour optique d’augmenter les connaissances des décideurs publics et privés en matière de biodiversité. Il est notamment prévu de demander à certaines communes la création d’Atlas de la biodiversité, de lancer un chantier visant à cartographier les habitats à l’échelle 1/25000, à renforcer le système d’information sur la nature et les paysages, à créer ou renforcer les infrastructures de recherche en écologie, et favoriser, au moyens d’appels à projet, le développement du génie-écologique.
Thème 4 : Usage des sols et actions foncières
Ce thème s’articule en deux actions envisagées : étudier la possibilité de mettre en place des servitudes contractuelles ou d’utilité publique pour préserver certaines caractéristiques naturelles de parcelles, et mettre à disposition des collectivités un nouvel outil dans les PLU : l’espace de continuité écologiques, pour matérialiser la TVB. A l’évidence, ce thème évoque beaucoup de termes, mais hélas peu d’action, et veut à la fois tout et ne rien dire…
Thème 5 : Redevance, fiscalité, et financement
Les engagements relatifs à ce thème se composent hélas de peu de choses. Est évoquée la volonté d’approfondire le verdissement du droit annuel de francisation des navires de plaisance dans la loi de financer de 2012, ce qui ne toucherait qu’une toute petite partie de la population. Est également proposée une simple réflexion sur la fiscalité du patrimoine naturel, pour la rendre plus incitative et propice à la vertu, un rapport de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement sera rendu à ce titre d’ici fin automne 2011. On ignore la véritable portée future de ce rapport. Enfin est proposé de soutenir le mécénat en faveur de la biodiversité.
Thème 6 : Gouvernance, suivi et moyens de mise en œuvre
Ce thème précise qu’il a pour optique d’assurer une bonne mise en œuvre de la SNB. Il s’agit apparemment du thème le plus porteur de ces engagements, en effet l’Etat s’engage à utilement co-élaborer avec les régions des stratégies régionales pour la biodiversité d’ici à 2014, et développer l’installation de la TVB. L’Etat s’engage également à mettre en place une plate-forme d’échange IFREBIOM (Initiative française pour la conservation et la gestion de la biodiversité outre-mer) début 2012. Cette plate-forme s’avère extrêmement nécessaire compte tenue des problèmes cruciaux rencontrés par l’Outre-Mer concernant la biodiversité. Ensuite l’Etat s’engage, d’ici 2013 à approfondir l’hypothèse de la création d’une agence de la nature, et à soutenir les dispositifs d’observation. On ignore cependant comment ce soutien s’opérera, ni si l’hypothèse d’une agence de la nature sera réellement étudiée.
Enfin l’Etat souhaite soutenir la mutualisation des bonnes pratiques (sans indiquer comment), mettre en œuvre des campagnes d’information sur la biodiversité, dans la continuité de ce qui est déjà entreprise, et puis renforcer les moyens humains aux services de l’Etat pour la protection de la biodiversité. Inutile de dire qu’à l’heure des restrictions de budget et du non-remplacements des fonctionnaires, l’embauche pour la biodiversité n’est pas forcément ce qui semble prioritaire, ni envisageable.
Il apparaît que tous ces thèmes reflète le désengagement progressif de l’Etat en matière de biodiversité, beaucoup d’appels à projets ou d’éventuelle hypothèses de réflexions sont proposées, mais peu de réelle volonté d’engagement, à l’exception du thème 6 où au final l’Etat semble répondre à ce qui lui est stratégiquement nécessaire, et non à ce que la biodiversité réclame…
B) Modalités d’application de l’action des parties prenantes
En ce qui concerne les collectivités territoriales, et très généralement le secteur privé, chacun est invité à mettre la SNB en œuvre.
Un dispositif d’adhésion à la SNB a été mis en place. Parmi les signataire on compte plus de 45 organismes liés à l’Etat qui étaient financés ou co-financés par celui-ci pour des actions relatives à la connaissance, la restauration, la protection de la biodiversité. Parmi eux se trouvent des parcs naturels régionaux, les réserves naturelles nationales et régionales, divers conservatoires régionaux et nationaux, des EPIC du type de l’Office national des forêts, des groupements d’intérêt public, des ONG environnementales, la Fondation recherche pour la biodiversité, et l’Institut de formation de l’environnement.
Un délai de 18 mois est proposé aux signataires pour concrétiser leur adhésion par une « Déclaration d’engagement volontaire à la SNB », et un projet d’actions au delà du simple respect de la réglementation, conduisant à un impact positif et substantiel en faveur de la biodiversité. En effet les acteurs s’engagent auprès du Comité national de suivi de la SNB ( ou d’un comité de suivi régional). Cet engagement doit être impliquant, significatif, et additionnel, mesurable, et révisable. Cela est normal pour une démarche de développement durable.
Il y a aussi un « guide pour l’action », qui aide pour concrétiser les engagements. Et tous les trois ans, un comité ad hoc examinera la demande de renouvellement de la reconnaissance de l’engagement volontaire , au regard du bilan du projet d’actions et de propositions nouvelles ou des réponses aux appels à projet du ministère de l’environnement. Cela a un avantage marketing puisque ceux qui s’engagent peuvent utiliser le visuel SNB sur les documents répondant à leur projet d’actions, mais cela évidemment tant que leur engagement est reconnu.
En fait ces organisations, et d’autres encore ont pour mission de gérer ou co-gérer :
9 parcs nationaux, 2 parcs naturels marins, 575 sites du Conservatoire du Littoral, Les espaces naturels sensibles acquis par les, Conseils généraux (via TDENS), 670 sites (environ) ayant fait l’objet d’un arrêté préfectoral de conservation de biotope, 2600 sites inscrites et 4800 sites classés, 1700 sites classés en zone Natura 2000, des réserves biologiques intégrales, les réserves de chasse, les réserves de biosphère, de nombreuses zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique, et floristique (les ZNIEFF).
De plus cette démarche n’est pas anodine, puisque ces acteurs mutualisent déjà une partie de leurs moyens, savoir et savoir-faire. Le problème est qu’ils ne sont pas coordonnés comme dans d’autres pays industrialisés qui utilisent une seule agence nationale (ex : Parcs Canada, Natural England, Scottish Natural Heritage) ou par des agences plus spécialisées dans la gestion restauratoire (Department of Conservation (NZ), ou Staatsbosbeheer (NL)).
Il reste à savoir si cette adhésion à la SNB sera un effet de mode qui s’essoufflera par manque d’intérêt, ou si elle ne fera que croitre, en étant éventuellement favorisée par différentes subventions ou facilitations fiscales, ou par des appels à projet. Tout porte à croire que si la SNB manque d’engagement en elle même et de la part de l’Etat, les acteurs privés et les collectivités semblent motivées et prêtes à agir… mais comment ?