Sauvegarde de la biodiversité 2011-2020 : regards croisés sur les nouvelles stratégies mondiale, européenne et française (PARTIE 1)
Par Remi LAVIGNE
Avocat
Cabinet Me LAVIGNE
Posté le: 23/07/2011 12:13
La biodiversité, et les différents services assurés par elle, nous permettent de nous nourrir, d’avoir de l’eau fraîche et de l’air propre. Les ressources naturelles nous permettent de nous abriter et de nous soigner. La biodiversité protège l’Homme des désastres naturels, et des maladies. La biodiversité régule le climat, en influant notamment sur l’effet de serre. La biodiversité, est pourtant en danger.
En effet : 60% des écosystèmes sont aujourd’hui dégradés ou inutilisés excessivement ; 75% des stocks de poisson sont surexploités ; 75% de la diversité génétique des semences agricoles a disparu ; 13 millions d’hectares de forêts tropicales sont coupées chaque année ; 20% des récifs coralliens ont déjà disparu de la surface de la Terre ; le nombre d’espèces invasives, le taux de pollution ainsi que le changement climatique ne diminuent pas (source FAO). Au final l’érosion de la biodiversité s’effectue à un rythme 100 à 1000 fois supérieur au rythme naturel.
Au final, selon l’étude Millenium Ecosystem Assessment financée par l’ONU, environ 60% des écosystèmes nécessaires à la vie sur terre sont en voie de dégradation ou ne sont pas utilisés de manière durable. De plus, si l’on en croit l'étude TEEB (« L'économie des écosystèmes et la biodiversité ») : la disparition annuelle des services rendus par les écosystèmes s’élèverait à environ 50 milliards d’euros.
Or cela fait 20 ans depuis le sommet de la Terre de Rio, et les enjeux environnementaux n’ont jamais été aussi clairs. La perte de biodiversité a des conséquences sur le climat, l’effet de serre, et la désertification de la planète. Elle est donc, par le biais de ses services écologiques, intrinsèquement liée au changement climatique. La biodiversité et les services écologiques ont une valeur, les détruire implique des coûts.
Prenons l’exemple des abeilles et de la pollinisation. La pollinisation est le processus qui permet au pollen d’une fleur de se déposer sur le stigmate d’une autre fleur. La majorité des plantes ne sont pas capable d’autofécondation. Si le vent permet aux pollens de se déplacer, la processus est infiniment plus efficace avec les insectes, et des études ont montré que le nombre d’insectes pollinisateurs influe grandement sur la productivité des plantes en fruits et en graines. Selon l’INRA (2005) 80% des espèces végétales seraient affectées par la disparition des abeilles. La pollinisation, effectuée en grande partie par les abeilles a été évaluée à plus de 151 milliards d’euros par an (Gallai et al. 2009).
En Europe, des efforts ont déjà été accomplis pour tenter de stopper l’érosion de la biodiversité. Les directives oiseaux (79/409/CEE), et habitats (92/43/CEE), et l’instauration des zones Natura 2000, l'UE ayant signé en 1993 la Convention sur la diversité biologique (CDB) et élaboré sa première Stratégie pour la biodiversité en 1998. Cette stratégie avait et a toujours pour objectif de renverser la perte de biodiversité et d’accélérer la transition de l’UE vers une économie verte et assurant la pérennité des ressources. Hélas les objectifs fixés en ce sens avec une échéance fixée à 2010 n’ont jamais été atteints. Cependant, la constatation de cet échec, et le Sommet de Nagoya d’octobre 2010 ont donné lieu à deux nouvelles échéances avec des objectifs précis pour 2020, et pour 2050.
L’objectif (à court terme) de 2020 est de stopper l’érosion de biodiversité et de ses services, et les restaurer au maximum. L’objectif de 2050 est d’avoir restauré, valorisé, et mis sous protection la biodiversité afin que celle-ci garantisse durablement sa contribution essentielle au bien être de l’Homme et de sa prospérité économique.
Dans tous les cas, l’érosion massive et continue de la biodiversité reste ainsi un défi pour les états, dont La France, qui subit comme les autres la perte de biodiversité : par exemple une espèce sur quatre d’oiseaux et une espèce de mammifère sur dix risquent de disparaître en France métropolitaine. L’outre-mer français quant à lui subit l’invasion de 49 des 100 espèces considérées comme les plus envahissantes au monde.
Face à l’échec de sa première SNB (2004-2010), la France a remis à jour sa stratégie, en s’inspirant des apports du sommet de Nagoya, ainsi que la mise à jour de la stratégie européenne pour la biodiversité, en espérant ne pas retrouver les mêmes résultats mitigés que dans la précédente stratégie, et le manque d’appropriation par l’ensemble des acteurs publics et privés. La nouvelle SNB concerne la période 2011-2020. Elle a été présentée le 19 mai dernier par Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, actuelle ministre chargée de l’écologie qui a rappelé qu’à ce rythme, le coût de l’érosion de biodiversité va atteindre 7% du PIB mondial avant 2050.
Désormais l’objectif français (II) n’est plus de préserver l’existant, mais de rétablir des continuités écologiques et des milieux naturels. La nouvelle SNB rappelle que la France dispose d’un patrimoine naturel exceptionnel et pas complètement connu. 43 services écosystémiques identifiés. Cette nouvelle française SNB, s’accompagne dors et déjà d’engagement de l’Etat pour la période 2011-2013 (III) s’inscrit en outre dans la continuité des engagements internationaux d’Aichi et de la nouvelle Stratégie européenne pour la biodiversité à évoquer de façon préliminaire (I).
I) De Nagoya à Bruxelles : cadres stratégiques mondial et européen pour la biodiversité
La nouvelle SNB française, comme l’ancienne suit de très près les engagements internationaux et européens, non seulement dans leur fond mais aussi dans leur forme. Les accords d’Aichi (A), suite au sommet de Nagoya ont été suivis de la stratégie européenne pour la biodiversité (B), que la France a suivi à son tour à travers sa nouvelle SNB. Il est nécessaire en l’espèce d’évoquer ces deux stratégies internationales afin de comprendre dans quel cadre la stratégie française se place.
A) Les Accords d’Aichi
Les buts et objectifs présentés ci-dessous correspondent à la feuille de route que les Etats doivent (avant 2015) – si ce n’est déjà fait (eg. La France) -décliner dans leur propre stratégie nationale. Dans les buts et objectifs, deux cadres sont visibles : un niveau mondial à atteindre (Buts stratégiques A à E), et un cadre pour les objectifs nationaux ou régionaux. Les parties doivent respecter le cadre souple et tenir compte de la contribution de chaque pays à la réalisation des buts mondiaux. Evidemment chaque pays adapte à sa propre situation, mais en tenant compte de la situation et des actions des autres. Certains objectifs seront donc prioritaires pour l’un, sans pour autant être prioritaires pour les autres.
But stratégique A : Gérer causes sous-jacentes de l’érosion de la biodiversité, en intégrant la biodiversité dans l’ensemble du gouvernement et de la société.
Objectif 1 : D’ici à 2020, les individus seront conscients des valeurs de la biodiversité et des mesures qu’ils peuvent prendre pour la conserver et l’utiliser durablement.
Objectif 2 : D’ici à 2020 : les valeurs de la biodiversité seront intégrées dans les stratégies et processus de planification nationaux et locaux de développement et de réduction de la pauvreté. Ces valeurs seront aussi intégrées dans les systèmes et comptes nationaux autant que de besoin.
Objectif 3 : D’ici à 2020 : un objectif majeur, sera de supprimer les subventions néfastes pour la biodiversité. Celles-ci seront remplacées par des incitations positives et favorables à la biodiversité, qui seront élaborées et appliquées à la lumière des objectifs de la CDB et des obligations internationales en vigueur. Evidemment il conviendra de tenir compte des conditions socio-économiques de chacun.
Objectif 4 : D’ici à 2020 toutes les parties prenantes, à tout niveau, auront pris des mesures (telles que limiter leurs impacts environnementaux) pour assurer une production et une consommation durables.
But stratégique B : Réduire les pressions directes exercées sur la biodiversité et encourager l’utilisation durable
Objectif 5 : D’ici à 2020 : le rythme d’appauvrissement des habitats naturels sera réduit de moitié, et si possible ramené à zéro. La dégradation et fragmentation des habitats seront sensiblement réduites.
Objectif 6 : D’ici à 2020 : la durabilité sera assurée dans la gestion et la récolte dans les milieux aquatiques : pas de surpêche. Des mesures de récupération seront mises en place pour toutes espèces épuisées. Des limites de stocks écologiquement sûres seront respectées.
Objectif 7 : D’ici à 2020 : les zones d’agriculture, d’aquaculture, et de sylviculture seront gérées durablement. La biodiversité y sera respectée
Objectif 8 : D’ici à 2020 : la pollution, surtout celle due à l’excès d’éléments nutritifs sera ramenée à un niveau sans effet néfaste sur les fonctions écosystémiques et la biodiversité.
Objectif 9 : D’ici à 2020 : les espèces étrangères invasives ainsi que leurs voies d’introduction seront classées et identifiées. Les prioritaires seront contrôlées ou éradiquées et des mesures mises en place pour gérer les voies de pénétration.
Objectif 10 : D’ici à 2015 : Les pressions sur les récifs coralliens et autres écosystèmes vulnérables littoraux affectés seront stoppées. L’échéance à 2015 et non à 2020 montre clairement l’urgence qui réside dans la protection notamment des coraux.
But stratégique C : Améliorer l’état de la biodiversité en sauvegardant les écosystèmes, les espèces et la diversité génétique
Objectif 11 : D’ici à 2020 : 17% des zones terrestres et d’eaux intérieurs, 10% des zones marines et côtières (dont zones importantes pour biodiversité et services écosystémiques) seront conservées via des réseaux éco-représentatifs et reliés d’aires protégées gérées et intégrées efficacement et équitablement. (Notons que ces objectifs de 17 et 10% ne correspondent absolument pas avec ceux souhaités auparavant (25% et 15%)
Objectif 12 : D’ici à 2020 : l’extinction d’espèces menacées connues sera évitée, leur conservation améliorée et maintenue.
Objectif 13 : D’ici à 2020, la diversité génétique des plantes cultivées, des animaux d’élevage et domestiques et des parents pauvres, y compris celle d’autres espèces qui ont une valeur socio-économique ou culturelle, sera préservée, et des stratégies seront élaborées et mises en œuvre pour réduire au minimum l’érosion génétique et sauvegarder leur diversité génétique.
But stratégique D : Renforcer les avantages pour tous de la biodiversité et des services écosystémiques
Objectif 14 : D’ici à 2020 : les écosystèmes fournissant les services essentiels tels que l’eau, la santé et les moyens de subsistance et de bien-être seront sauvegardés et restaurés (tout en prenant en compte les autochtones, les populations marginales etc.)
Objectif 15 : D’ici à 2020, la résilience des écosystèmes et la contribution de la diversité biologique aux stocks de carbone seront améliorées, grâce aux mesures de conservation et restauration, y compris la restauration d’au moins 15% des écosystèmes dégradés, ce qui contribuera ainsi à l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation à ceux-ci, ainsi qu’à la lutte contre la désertification.
Objectif 16 : D’ici à 2015, la Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage de leurs avantages sera en vigueur et opérationnel, les législations nationales coopéreront.
But stratégique E : Renforcer via planification participative, la mise en œuvre de la gestion des connaissances et du renforcement des capacités.
Objectif 17 : D’ici à 2015, toutes les Parties auront élaboré et adopté en tant qu’instrument de politique générale, et commencé à mettre en œuvre une stratégie et un plan d’action nationaux efficaces, participatifs et actualisés pour la diversité biologique. (La France, évidemment est déjà lancée avec sa SNB 2011-2020).
Objectif 18 : D’ici à 2020, les connaissances et les pratiques traditionnelles des autochtones ayant un intérêt pour la conservation et utilisation durable de la biodiversité seront respectées, sauf normes contraires. Ces cultures seront intégrées et prises en compte dans l’application de la convention, avec la participation entière et effective des communautés autochtones, et ce à tous niveaux.
Objectif 19 : D’ici à 2020, les connaissances, la base scientifique et les technologies associées à la diversité biologique, ses valeurs, son fonctionnement, son état et ses tendances, et les conséquences de son appauvrissement, seront améliorées, largement partagées et transférées, et appliquées.
Objectif 20 : D’ici à 2020 au plus tard, la mobilisation des ressources nécessaires à la mise en œuvre efficace du plan stratégique 2011-2020 doit s’accroître par rapport au niveau actuel. Les évolutions correspondant aux évaluations des besoins de ressources devant être développées et rapportées par les parties. Notons qu’il est précisé ‘’au plus tard’’, ce qui semble logique, en effet les accords d’Aichi existent pour servir de tremplin à d’autres actions ayant une vision au delà de 2020. Il est donc impératif que la mise
en œuvre des accords d’Aichi soit améliorée avant la fin de leur échéance.
Les objectifs d’Aichi constituent un plan complet, intéressant, mais dont la rédaction un peu complexe risque d’amoindrir la force des sujets. De plus il convient de rappeler que le contenu de ce Plan, constitué d'un cadre global et d'un cadre national, est à prendre en considération selon la situation de chacun. En d’autres termes, des nécessités économiques ou énergétiques ne pourraient-elles pas prendre le pas sur le besoin de protection de la biodiversité ? Notons à titre d’exemple que le Brésil vient d’autoriser, malgré de vives protestations la construction du barrage de Belo Monte au cœur de l’Amazonie…
De plus, biodiversité et pauvreté sont liées. La stratégie de sauvegarde de la biodiversité doit donc s’adapter aux pays pauvres en étant plus souple à leurs égards, tandis que les pays riches, prétextant la crise, clament leur absence de fonds pour la mise en place de mesures effectives.
Afin d’éviter que les accords d’Aichi soient finalement inutiles, il est nécessaire que leur pensée soit répercutée, notamment en Europe, au sein de la Stratégie européenne de la Biodiversité ainsi que dans la SNB 2011-2020 française. Des axes de travail précis, même sur des enjeux lourds tels que les subventions néfastes doivent d’ailleurs être entrepris.
B) La stratégie européenne
Suite aux objectifs d’Aichi présentés ci-dessus, la commission européenne a présenté, le 3 mai dernier sa stratégie pour la biodiversité. Elle identifie en outre les cinq principales pressions à l’origine de la perte de biodiversité : la réduction des habitats, la surexploitation des ressources naturelles, la pollution, les espèces invasives, et le changement climatique. Or ces 5 pressions ont un coût qui est constamment rappelé au niveau européen. C’est d’ailleurs ce que rappelle Janez Potočnik, le commissaire européen chargé de l’environnement : « La protection de la diversité des espèces et des habitats permet de préserver la beauté de la nature, mais pas uniquement pour la beauté du geste, mais parce que c’est rationnel d’un point de vue économique. Il vaut mieux payer en ce sens que d’essayer de réparer les dégâts ». Ce raisonnement illustre la pensée globale déjà présente depuis de nombreuses années qui estime que si la biodiversité n’a pas de prix, elle a cependant un coût, et que la protéger représente un investissement absolument nécessaire.
Cela dit, il n’est pas inconvenant de rappeler qu’il ne s’agit pas du premier plan stratégique adopté par les pays signataires de la Convention sur la Diversité biologique. En effet ces derniers avaient déjà adopté, en 2002, un plan stratégique visant à assurer pour 2010 une forte réduction de l’érosion de biodiversité au niveau mondial, national et régional. En 2010 la secrétaire générale de la CDB avait affirmé qu’aucun pays n’avait réussi à atteindre ces objectifs. La toute nouvelle stratégie européenne de 2011, dont l’Europe fait désormais promotion de sa stratégie avec le slogan : « Notre assurance vie, notre capital naturel : une stratégie européenne pour la biodiversité d’ici à 2020 » , est donc sensée constituer un début de réponse à l’échec de la première.
A ce titre, rappelons que la Commission avait proposé le 20 janvier 2010 une perspective à long terme (2050) et des projets pour 2020 avec le moins ambitieux disant « ralentir significativement le rythme de perte de biodiversité dans l’UE d’ici à 2020 » et le plus ambitieux voulant enrayer la perte de biodiversité d’ici à 2020 et assurer le rétablissement des services écosystémiques et renfoncer la contribution de l’UE à la prévention de la perte de biodiversité. La vision la plus ambitieuse de la Stratégie a été logiquement privilégiée dans les textes, et mérite d’être détaillée.
Cette nouvelle Stratégie européenne est articulée autour de 6 axes ciblés mais hélas peu chiffrés. A chacune de ces cibles correspondent une ou plusieurs actions qui se déclinent en différentes orientations stratégiques :
1) Cible stratégique 1 : Appliquer complètement les directives Oiseaux, et Habitats afin d’endiguer la détérioration de l’état de toutes les espèces et habitats couverts par les textes environnementaux européens, et d’obtenir une amélioration significative et mesurable, afin que d’ici à 2020, 100% de plus des évaluations habitat et 50% de plus d’évaluations d’espèces couverts par la directive habitats montrent une amélioration de leur état de conservation, par rapport aux évaluations actuelles, et 50% de plus d’évaluation d’espèces couvert par la directive oiseaux montrent un état de conservation sûr ou amélioré par rapport également aux évaluations actuelles.
• Action 1 : Compléter l’établissement du réseau Natura 2000 et s’assurer de leur bonne gestion
- Orientation 1a) Les Etats membres et la Commission vont s’assurer que la phase d’établissement de Natura 2000, incluant les environnements marins, est largement complétée pour 2012 (cette échéance semble extrêmement court, donc certains pourraient se demander si cette orientation est sérieuse).
- Orientation 1b) Les Etats membre et la Commission vont intégrer plus en avant les conditions requises au management et à la protection des espèces et des habitats au sein des politiques de l’eau et du territoire, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de Natura 2000
- Orientation 1c) Les Etats membre vont s’assurer que les plans ou instruments équivalents de gestion servant de base à des mesures de conservation et de restauration sont développées et implantées au moment opportun pour tous les sites Natura 2000
- Orientation 1d) La Commission, en coopération avec les Etats membres devrait établir pour 2012 un processus pour promouvoir le partage d’expérience, les bonnes pratiques et la collaboration transfrontière sur la gestion des sites Natura 2000, à l’intérieur des cadres biogeogaphiques émanant de la Directive Habitats.
• Action 2 : S’assurer du bon financement des sites Natura 2000
- Orientation 2) : La Commission ainsi que les Etats membres fourniront les fonds nécessaires et les incitations financières pour Natura 2000, via le prochain cadrage financier multiannuel. La Commission présentera prochainement son opinion à ce sujet.
• Action 3 : Accroître la sensibilisation des actionnaires ainsi que leur engagement, et en améliorer celui-ci
- Orientation 3a) La Commission, ensemble avec les Etats membres, développera et lancera une campagne majeure de communication sur Natura 2000 en 2013.
- Orientation 3b) La Commission et les Etats membres amélioreront la coopération entre les différents secteurs et continuera à développer l’élaboration des documents de guidage pour améliorer leur compréhension des nécessités de la législation européenne environnementale et la valeur de cette compréhension pour promouvoir un développement économique.
- Orientation 3c) La Commission et les Etats membres faciliteront l’application des directives nature en fournissant des programmes de formation spécifiques à Natura 2000 pour les juges et les procureurs, et en développant les outils permettant de s’assurer du respect de la réglementation.
• Action 4 : Améliorer et Centraliser le monitoring et le reporting
- Orientation 4a) La Commission, avec la collaboration des Etats membres, développera pour 2012 un nouveau système de reporting des oiseaux en Europe et améliorera le système de reporting sous l’empire de l’article 17 de la Directive Habitats, ainsi que la fluctuation, l’accessibilité et l’utilité des informations Natura 2000.
- Orientation 4b) La Commission créera et destinera l’outil ICT en tant que partie du Système Européen d’Information sur la Biodiversité (BISE) pour améliorer la disponibilité et l’utilisation d’informations (pour 2012).
2) Cible stratégique 2 : Maintenir et restaurer les écosystèmes et les services écosystémiques.
Pour 2020, les écosystèmes et leurs services sont maintenus et améliorés pour l’établissement d’infrastructures vertes et par la restauration d’au moins 15% des écosystèmes dégradés.
• Action 5 : Améliorer la connaissance des écosystèmes et leurs services au sein de l’UE
- Orientation 5) : les Etats membres, avec l’assistance de la Commission vont cartographier et évaluer l’état des écosystèmes et leurs services au sein de leur territoire pour 2014, et évalueront la valeur économique de tels services, afin de promouvoir l’intégration de ces valeurs dans la comptabilité et les systèmes de reporting aux niveaux européens et nationaux pour 2020.
• Action 6 : Etablir des priorités pour restaurer et promouvoir l’utilisation d’infrastructures vertes.
- Orientation 6a) Pour 2014, les Etats membres avec l’assistance de la Commission, développeront un cadre stratégique affirmant des priorités pour la restauration d’écosystèmes au niveau régional, national, et européen.
- Orientation 6b) La commission développera pour 2012 une Stratégie d’Infrastructures Vertes, pour promouvoir le déploiement de ce type d’infrastructures en UE, dans les zones urbaines et rurales, incluant -via des incitations financières- l’encouragement d’investissements dans les projets d’infrastructures vertes, et la maintenance des services écosystémiques, par exemple via un usage mieux ciblé des flux de financement européens et des partenariats public-privé.
• Action 7 : S’assurer d’aucune perte nette de biodiversité et des services écosystémiques.
- Orientation 7a) En collaboration avec les Etats membres, la Commission développera une méthodologie d’évaluation des impacts des projets, plans, et programmes financés par l’Europe en matière de biodiversité, pour 2014.
- Orientation 7b) La Commission mènera plus en aval des travaux ayant pour objectif de proposer pour 2015 une initiative pour s’assurer de l’absence de perte nette d’écosystèmes ou de services écosystémiques (via éventuellement de la réparation par compensation)
3) Cible stratégique 3 : Accroître la contribution de l’agriculture et de la sylviculture à la maintenance et l’amélioration de la biodiversité.
• Action 8 : Améliorer les paiements directs pour des biens publics environnementaux au sein de la PAC.
- Orientation 8a) La Commission proposera que les paiements directs de la PAC récompensent la délivrance de biens publics environnementaux pour aller au-delà de la conformité. (On constate ici la mise en place de la théorie de protection de la nature par privatisation)
- Orientation 8b) La Commission proposera d’améliorer et de simplifier les standards de conformité aux Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales (GAEC en anglais). La Commission s’engage à étudier l’idée d’une Directive cadre sur l’eau s’inscrivant dans la perspective de la conformité des agriculteurs à leur réglementation, afin d’améliorer notamment l’état des écosystèmes aquatiques en zone rurale.
• Action 9 : Mieux cibler le développement rural dans un but de conservation de la biodiversité.
- Orientation 9a) La Commission et les Etats membres établiront des mécanismes pour faciliter la collaboration entre les fermiers et les forestiers pour obtenir la continuité des territoires (On retrouve ce raisonnement notamment avec Grenelle II et l’objectif de mise en place de trames vertes et bleues), la protection des ressources génétiques et d’autres mécanismes de coopération afin de protéger la biodiversité.
• Action 10 : Conserver la diversité génétique agricole en Europe.
- Orientation 10) : La Commission et les Etats membres encourageront la prise de mesures agri-environnementales pour soutenir la diversité génétique agricole et explorer la perspective du développement d’une stratégie pour la conservation de la diversité génétique.
• Action 11 : Encourager les propriétaires de forêt à protéger et améliorer la biodiversité forestière.
- Orientation 11a) Les Etats membres et la Commission encourageront l’adoption de plans de gestion utilisant des mesures de développement rural.
• Action 12 : Intégrer des mesures relatives à la biodiversité dans les plans de gestion forestière.
Les Etats membre vont s’assurer que les plans de gestion forestière (ou autres instruments équivalents) incluent autant que possible des mesures telles que : le maintien des niveaux optimaux de bois mort (prendre en compte les variations régionales telles que le risque incendie ou l’invasion potentielle d’insectes ; la préservation des zones sauvages ; des mesures écosystemo-centristes pour accroître la capacité de résistance des forêts contre les incendies, au sein des schémas de prévention des risques d’incendie forêt, en ligne avec les activités menées par EFFIS ; des mesures spécifiques développées pour les sites forestiers Natura 2000 ; la vérification que la forestation est menée en accord avec les lignes directrices du niveau opérationnel pano-européen, en particulier sur les points relatifs à la diversité des espèces et les besoins d’adaptation au changement climatique.
4) Cible stratégique 4 : S’assurer de l’utilisation durable des ressources piscicoles
Atteindre le rendement durable maximum pour 2015. Obtenir une population, d’age, et de taille dignes d’un stock en bonne santé (critères MSY de pérennité des stocks de poisson), à travers la gestion de pêcheries sans impact s inverses significatifs sur les autres stocks, espèces, écosystèmes, en soutenant l’obtention d’un bon statut environnemental (Good Environmental Status) pour 2020, tel que requis par la Directive cadre Stratégie pour le milieu marin (2008/56/CE).
• Action 13 : Améliorer la gestion des stocks de poisson :
- Orientation 13a) La Commission et les Etats membres maintiendront et restaureront les stocks de poisson à des niveaux pouvant atteindre le MSY dans toutes les zones où opèrent les pêcheurs européens, incluant des zones gérées par des organisations régionales de gestion de la pêche, ainsi que les eaux des pays dans lesquels l’Europe a conclu des accords de partenariat piscicoles.
- Orientation 13b) La Commission et les Etats membres développeront et implanteront sous la CFP des plans de gestion à long terme avec des règles de contrôle des récoltes basées sur une approche MSY. Ces plans devraient être désignés pour répondre aux critères temporels spécifiques et seront basés sur des conseils scientifiques et des principes de durabilité.
- Orientation 13c) La Commission et les Etats membres vont de façon significative travailler pour collecter des informations pour soutenir la mise en application des critères MSY. Une fois que cet objectif est atteint, des conseils scientifiques seront recherchés pour incorporer des considérations écologiques dans la définition du MSY pour 2020.
• Action 14 : Eliminer les impacts collatéraux sur les stocks de poisson, les espèces, les habitats, et les écosystèmes.
- Orientation 14a) L’UE déterminera des mesures pour éliminer le gaspillage, pour éviter la prise d’espèces non-voulues (le by-catch), et pour préserver les écosystèmes marins vulnérables, en accord avec la législation européenne et les obligations internationales.
- Orientation 14b) La Commission et les Etats membres supporteront la mise en place de la Directive cadre sur la stratégie marine, par le biais d’incitations financières via les futurs instruments de finance pour les zones de pêche et la politique maritime des zones marines protégées (dont les zones Natura 2000 ainsi que celles établies par des accords internationaux et régionaux). Ceci pourrait inclure la restauration d’écosystèmes marins, l’adaptation des activités de pêche et la promotion de l’engagement du secteur dans les activités alternatives, telles que l’éco-tourisme, le monitoring et la gestion de la biodiversité marine, et combattre les dépôts de déchets en mer.
5) Cible stratégique 5 : Combattre les espèces invasives
Pour 2020, les espèces étrangères invasives et leurs lieux d’invasion seront identifiés et classés par ordre de priorité. Les espèces prioritaires sont contrôlées et éradiquées, et leurs lieux d’invasion sont gérés de manière à prévenir l’introduction et l’établissement de nouvelles espèces invasives.
• Action 15 : renforcer les régimes des semences et de la santé animale
- Orientation 15) la Commission va intégrer des considérations supplémentaires sur la biodiversité à l’intérieur du régime des plantes et de la santé animale, pour 2012.
• Action 16 : établir un instrument dédié à la lutte contre les espèces invasives.
- Orientation 16) La Commission va combler les manques de politiques dans le combat contre les espèces invasives, en développant un instrument législatif dédié pour 2012.
6) Cible stratégique 6 : Contribuer à avertir de la perte globale de biodiversité
Pour 2020, l’UE s’est engagée dans sa contribution à prévenir la perte globale de biodiversité.
• Action 17 : Réduire les facteurs indirects de perte de biodiversité
- Orientation 17a) : Sous l’initiative phare de l’UE sur l’efficacité des ressources, l’UE va prendre des mesures (cela peut inclure des mesures sur l’offre et la demande) afin de réduire l’impact du modèle de consommation européen sur la biodiversité, en particulier pour les ressources qui ont des effets négatifs significatifs sur la biodiversité.
- Orientation 17b) La Commission améliorera la contribution de sa politique commerciale pour conserver la biodiversité et combattre les impacts négatifs potentiels en incluant systématiquement la biodiversité dans les négociations sur le commerce et le dialogue avec les pays du tiers monde, et en identifiant et évaluant les impacts potentiels sur la biodiversité résultant du commerce et des investissements libéraux.
- Orientation, 17c) La Commission travaillera avec les Etats membres et les parties prenantes clés pour définir les bonnes pratiques de marché pour la conservation de la biodiversité, incluant un travail de réforme, de suppression progressive, d’élimination des subventions préjudiciables pour la biodiversité, autant au niveau européen qu’au niveau national, et pour finalement remplacer les subventions négatives par des aides positives pour la conservation de la biodiversité et une utilisation durable des ressources.
• Action 18 : Mobiliser des ressources additionnelles pour la conservation globale de la biodiversité
- Orientation 18a) La Commission et les Etats membres apporteront une juste contribution aux efforts internationaux destinés à accroître significativement les ressources pour la biodiversité globale, en tant que parties au processus international visant à estimer les besoins de financement nécessaires à la biodiversité, et l’adoption de cibles de mobilisation de la ressource pour la Biodiversité à la Convention pour la Diversité Biologique en 2012.
- Orientation 18b) La Commission améliorera l'efficacité du financement de l'UE pour la biodiversité mondiale en soutenant les évaluations du capital naturel dans les pays bénéficiaires et le développement et / ou l'actualisation des stratégies biodiversité naturelle et des plans d'action, et en améliorant la coordination entre l’UE et les Etats clés extérieurs donateurs, en mettant en place une assistance/projet sur la biodiversité.
• Action 19 : « Une preuve de Biodiversité » dans la coopération sur le développement de l’UE.
- Orientation 19) La Commission continuera à procéder au dépistage systématique de son action de coopération au développement afin de minimiser tout impact négatif sur la biodiversité, et d'entreprendre des évaluations environnementales stratégiques et / ou études d'impact environnemental pour des actions susceptibles d'avoir des effets significatifs sur la biodiversité.
• Action 20 : Réglementer l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.
- Orientation 20) La Commission proposera des mesures législatives pour mettre en œuvre le Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, en Union européenne.
Il apparaît clair, que par cette nouvelle stratégie l’UE souhaite en finir avec la politique du « chaque fois que possible ». Elle souhaite positionner son action en priorité sur les éléments impactant le plus la nature et les services écosystémiques, notamment au niveau agricole et forestier, au niveau des stocks halieutiques (pêcheries), et sur la lutte contre les espèces invasives. L’UE mise donc cette fois ci non plus sur un ralentissement, mais plutôt sur un investissement en capital naturel et infrastructures vertes axé sur le renforcement rentable de services écosystémiques.
Un premier objectif majeur, est celui du renforcement de l’application de Natura 2000. En effet le réseau Natura 2000 couvre désormais 20% du territoire de l’UE, ce qui reste néanmoins insuffisant, c’est pourquoi la Stratégie propose de renforcer l’application des directives oiseaux et habitats.
Par exemple, en matière de gestion des forêts, une ambition relative à la reforestation est constatée : la stratégie prévoit que toutes les forêts publiques ou privées d'une certaine taille qui bénéficient d'aides de l'UE soient gérées de manière durable. En ce qui concerne la pêche, la Stratégie semble tout à fait ambitieuse dans le sens où à l’échéance de 2015, les rendements durables maximum des pêcheries européennes doivent être atteints (Maximum Sustainable Yield ou MSY).
De gros travaux sont également à prévoir en matière d’espèces exotiques invasives, en effet, les espèces les plus gênantes ainsi que leur mode de vie et d’invasion, qui représentent 12,5 milliards d’euros de dommages chaque année sont à identifier d’ici à 2020, pour un objectif d’éradication 2050.
Pour autant, cette nouvelle Stratégie ne peut satisfaire entièrement aux attentes. Le Bureau européen de l’environnement la qualifie d’indispensable mais estime qu’elle ne fait que répondre aux possibilités politiques, et non à la stratégie de protection qui serait nécessaire. On peut en effet très justement se demander si les objectifs présentés auront suffisamment d’ambition pour stopper à temps la perte de biodiversité.
Par exemple, en matière d’agriculture, l'Europe qui souhaite allouer des fonds de la Politique Agricole Commune (PAC) à la protection de la biodiversité, ne procède à aucun chiffrage des montants alloués. L’engagement ainsi lancé n’est donc pour l’instant que de principe. Ce manque de chiffre s’avère récurrent un peu partout dans la stratégie, notamment sur la mobilisation des ressources additionnelles pour la biodiversité, sur le réel financement des sites Natura 2000, ou encore le côté financier de la gestion des stocks de poisson) Cette stratégie paraît très justement peu crédible pour les ONG, qui d’une part soulignent l’absence d’indicateurs précis et de sanctions relatives, et qui d’autre part attendent les propositions d’engagement que la commission présentera avant la fin de l’année, notamment en ce qui concerne le prochain exercice budgétaire, la révision de la PAC et de la politique commune de pêche. Notons d’ailleurs que la question de ce financement est renvoyée à la présidence polonaise (la Pologne, pays potentiellement favorable à l’exploitation des gaz de schiste…) de l’UE, débutée le 1er juillet 2011.
Evidemment la mise en place de cette stratégie européenne est subordonnée à l’appropriation réelle du sujet par les Etats membres qui doivent agir avec conviction, et même dépasser les ambitions attendues, dans leurs propres cadre stratégique.