- ARTIFICIAL INTELLIGENCE VS ARTIFICIAL CLEVERNESS…


L’intelligence (du latin intelligentia, de intelligere, connaître) est selon le Larousse : « l’aptitude d’un être humain à s’adapter à une situation, à choisir des moyens d’action en fonction des circonstances » (1). Le Trésor de la Langue française précise que chez les être animés, elle est « la fonction mentale d’organisation du réel en pensées chez l’être humain et en actes chez l’être humain et l’animal » (2). L’intelligence serait ainsi l’apanage sinon de l’être humain, celui du règne animal, celle que l’on pourrait qualifier de « naturelle » du moins.
Est artificiel, ce qui est « produit par le travail de l’Homme et non par la nature » (3) ou ce « qui est dû à l’art, qui est fabriqué, fait de toutes pièces ; qui imite la nature, qui se substitue à elle, qui n’est pas naturel » (4).
Rapporté à l’intelligence, est dite artificielle, une forme de cette dernière qui aurait été créée par l’Homme et qui imiterait la nature. L’apport de cette précision est essentiel dans la mesure où il a le mérite de situer le débat, de l’orienter du moins. L’intelligence artificielle (ci-après IA) est en effet une notion qui s’invite de plus en plus dans les débats et qui soulève diverses préoccupations.
D’un point de vue terminologique tout d’abord, l’adéquation de l’appellation « Intelligence Artificielle » est discutée (5). Elle serait dans un premier temps, un abus de langage. La notion traduite de l’anglais « artificial intelligence » y désignerait la gestion de données, le traitement de l’information. Elle est donc aux antipodes de toute référence à des fonctions cérébrales supérieures. A l’inverse, l’appréhension de cette notion en français se traduirait en anglais par « artificial cleverness », désignant le sens commun, l’empathie, l’arbitraire éclairé, la faculté de comprendre sa propre intelligence et d’en avoir conscience (6). Sur cette base, il serait malheureux de parler en français d’une « intelligence artificielle ».
Boileau affirmait que « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » (7). A contrario, ce qui a été mal conçu, peut induire en erreur, on peine en effet à saisir ce qu’il désigne précisément. Cela a pu se ressentir donc, dans un second temps, dans la qualification « d’intelligence » même de l’IA.
Le dessein assigné à l’IA est en effet de produire des résultats similaires à ceux issus du cerveau humain. En reproduisant les capacités de l’Homme et de l’animal, ses fonctions cognitives notamment, l’I.A. devrait à terme se substituer à l’intelligence naturelle. L’appellation « Intelligence artificielle » est largement excessive dans la mesure où cette dernière ne peut, en toute autonomie, décider de ses buts ou concevoir de nouvelles représentations du monde qui la guiderait dans ses raisonnements (8).
Ces considérations terminologiques et conceptuelles expliquent assurément les nombreux mythes qui entourent l’IA dans l’entendement collectif. L’IA nourrit en effet de nombreux fantasmes et craintes (9). En plus d’être abondamment relayées par la littérature et le cinéma, ils se retrouvent dans des textes officiels (10). Le constat est assez simple cependant, le sujet ne laisse personne indifférent. Deux camps s’affrontent dans l’absolu : ceux qui envisagent l’IA comme un outil, prolongeant le corps et l’esprit et ceux qui l’envisagent comme une menace. Ce camp semble avoir le vent en poupe, compte tenu des risques envisagés à tort ou à raison, que nous apprécierons plus tard dans nos développements.
Les difficultés relatives à l’appréhension de l’IA se ressentent également et certainement au niveau de sa définition. Les auteurs sont en effet unanimes pour évoquer notamment l’absence de consensus sur cette dernière (11). Les raisons sont diverses : controverses scientifiques, manipulations et intérêts commerciaux, marketing etc. Définir l’intelligence artificielle est donc un exercice ardu, voire périlleux (12). Il y a en effet autant de définitions que de personnes s’intéressant à la notion, tout étant une question d’angle de perception, de référentiel. Quelques définitions ont cependant été proposées.


1- LAROUSSE Éditions, « Définitions », [consulté le 26 août 2020].
2- « Définition pour INTELLIGENCE subst. fém. — Le Trésor de la langue française informatisé », [consulté le 27 août 2020].
3- LAROUSSE Éditions, « Définitions », [consulté le 27 août 2020].
4- « Définition pour ARTIFICIEL, ELLE adj. et subst. — Le Trésor de la langue française informatisé », [consulté le 27 août 2020].
5- « Comment permettre à l’homme de garder la main ? Les enjeux éthiques des algorithmes et de l’intelligence artificielle| Vie publique.fr », [consulté le 27 août 2020] JOUFFIN Emmanuel, « Faut-il redouter l’IA ? », Revue Banque, publié le 16 septembre 2019, [consulté le 27 août 2020] BARRAUD Boris, « L’intelligence de l’intelligence artificielle ».
6- BARRAUD Boris, op. cit.
7- « Boileau - Œuvres poétiques/L’Art poétique/Chant I - Wikisource », [consulté le 27 août 2020].
8- BARRAUD Boris, op. cit.
9- L’intelligence artificielle est très souvent associée au robot.
10- « Résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique (2015/2103(INL).xml », [consulté le 27 août 2020]. : « Considérant que, depuis la créature de Frankenstein imaginée par Mary Shelley au mythe antique de Pygmalion, en passant par le golem de Prague et le robot de Karel Capek, inventeur du terme, les humains ont rêvé de construire des machines intelligentes, le plus souvent des androïdes à figure humaine. »
11- JOUFFIN Emmanuel, « Faut-il redouter l’IA ? », Revue Banque, publié le 16 septembre 2019, [consulté le 27 août 2020] MARTIAL-BRAZ Nathalie, « Digitalisation des banques - L’apport de l’intelligence artificielle à la banque Enjeux et contraintes en matière de données à caractère personnel - Etude par Nathalie MARTIAL-BRAZ - Lexis 360® », sur Revue de Droit bancaire et financier [en ligne], LexisNexis SA, publié le 1 novembre 2019, [consulté le 23 août 2020] BENSAMOUN Alexandra et ZOLYNSKI Célia, « Big data et privacy : comment concilier nouveaux modèles d’affaires et droits des utilisateurs ? | La base Lextenso », [consulté le 22 août 2020] DELFORGE Antoine, « Comment (ré)concilier RGPD et big data ? », Rev. Droit Technol. Inf., 2018 METALLINOS Nathalie, « La régulation des intelligences artificielles - Revue Banque », [consulté le 23 août 2020] BARRAUD Boris, op. cit.
12- JOUFFIN Emmanuel, op. cit.