Trois ans après que le Conseil d’Etat ait rendu sa décision à l’encontre de la France et enjoint cette dernière de mettre en oeuvre des plans de réduction des niveaux de particules PM10 (diamètre inférieur ou égal à 10 microns) et/ou de dioxyde d'azote (NO2, polluant notamment associé au trafic routier) dans 13 zones (CE 12 juill. 2017, n° 394254, Association Les Amis de la Terre France), la plus haute juridiction administrative a rendu une nouvelle décision le 10 juillet 2020

Dans cette nouvelle décision, le Conseil d’Etat constate que « le gouvernement n’a toujours pas pris les mesures demandées pour réduire la pollution de l’air dans huit zones en France » et a enjoint le pouvoir exécutif de prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les niveaux de pollution sous peine d’une astreinte record de 10 millions d’euros par semestre de retard. Il lui pose un ultimatum de six mois pour exécuter cette décision. L’astreinte prononcé par la juridiction administrative est le montant "le plus élevé" jamais imposé "pour contraindre l'État à exécuter une décision prise par le juge administratif", a précisé dans un communiqué le Conseil d'État. La décision du Conseil d'Etat est sans équivoque : « une astreinte est prononcée à l’encontre de l’État, s’il ne justifie pas avoir, dans les six mois suivant la notification de la présente décision, exécuté la décision du Conseil d’État du 12 juillet 2017, pour chacune des zones énumérées au point 11 des motifs de la présente décision, et jusqu’à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 10 millions d’euros par semestre, à compter de l’expiration du délai de six mois suivant la notification de la présente décision. »

En France, on estime entre 48 000 à 67 000 décès prématurés causés par la pollution de l’air. La décision du Conseil d’Etat du 10 juillet ne concerne que 8 zones : Paris, Grenoble, Lyon, Marseille-Aix, Reims, Strasbourg et Toulouse pour le dioxyde d’azote, et de Paris et Fort-de-France pour les particules fines. Les magistrats notent également que les « feuilles de route » transmises par le gouvernement à la Commission européenne en avril 2018 ne comportent « aucune estimation de l’amélioration de la qualité de l’air qui en est escompté, ni aucune précision concernant les délais prévus pour la réalisation de ces objectifs ». Des lacunes qui ont valu à la France une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en octobre 2019, après près de dix ans de mises en demeure et d’avertissements sans lendemain.

La décision du 10 juilet 2020 est d'autant plus surprenante que l'astreinte record est versées aux requérants ainsi qu'aux personnalités publiques : en effet, habituellement, ce sont les requérants qui bénéficient du montant total des amendes. Mais le Conseil d’État a estimé que cette somme était trop élevée pour qu’elle revienne aux seules associations requérantes. Il prévoit donc la possibilité de la reverser à des personnes publiques en charge de la qualité de l’air. Lors de l’audience, le rapporteur public avait proposé qu’elle le versement auprès de l’Ademe (Agence de la transition écologique).