(*) Introduction

Les approches volontaires se diffusent rapidement dans l’ensemble des politiques environnementales. L’ampleur de ce phénomène normatif, apparenté à la « soft law », suscite inévitablement une série d’interrogations concernant ses implications présentes et futures sur le droit de l’environnement. À l’évidence, les approches volontaires « intriguent, dérangent, divisent » (Formule de R. KOVAR, « Observations sur l’intensité normative des directives », dans Liber Amicorum « Pierre Pescatore », Éditions Nomos, Baden Baden, 1987, 869 p., p. 359-372).
Actuellement, aborder la question de la mise en œuvre du droit international de l’environnement revient clairement à se pencher principalement sur celle de l’effectivité des différents accords internationaux élaborés, signés, ratifiés en la matière. Cette effectivité se présente comme un des plus grands défis actuels posés à la gouvernance mondiale, ces accords et autres instruments peuvent être classifiés comme Soft law lorsqu’ils ne sont pas contraignants, ou Hard law lorsqu’ils le sont.
Il n’est pas rare que les textes internationaux de toute nature soient rédigés sur le mode incitatif, caractéristique même du "Soft Law", plutôt que sur la détermination claire d’un objectif quantitatif à atteindre.
Comme le précise le Doyen Carbonnier, "l’environnement appartient encore aux domaines pour lesquels le non-droit (ou Soft law") est quantitativement plus important que le droit". Ce constat nous amène à nous interroger sur les raisons de la surreprésentation de la Soft law dans le droit de l’environnement comparée à la Hard law.


(*) Pourquoi la Soft law est-elle si présente dans le droit de l’environnement ?

Le droit de l’environnement peut se définir comme un ensemble d’obligations et de recommandations formant un « patchwork » de Soft law et de Hard law. Ce mélange aboutit à un rapport de force constant entre les Etats parties. Un rapport de force qui se fait ressentir notamment au travers de la disparité existante entre les intérêts nationaux de chaque Etat et les intérêts communs au niveau international. Les Etats acceptent finalement dans la majorité des cas de mettre en place des obligations pour finalement préférer un droit "mou" si le droit contraignant élaboré, venait à l’encontre de leurs intérêts.
Les organisations internationales, ou les différents collectifs ayant comme objectif la protection de l’environnement, ne peuvent pas émettre des réglementations contraignantes. De fait, elles se contentent d’émettre des recommandations, libre aux principaux concernés de les suivre ou non.

Une autre cause de la part si importante de la Soft law dans le droit de l’environnement est à trouver dans des difficultés d’ordre techniques ou diplomatique. En effet, par manque de connaissance ou par défaut de consensus, les objectifs environnementaux à atteindre ou les méthodes à adopter sont souvent peu clairement formulés. Ainsi, le point de départ est bel est bien la compréhension des « besoins » de l’environnement ou de la ressource. Enfin il faut être en mesure de les combler, ce qui s’avère plus ou moins facile selon les cas.
Le manque de clarté dans les objectifs mais surtout dans les moyens pour atteindre ces objectifs est l’une des raisons principales de l’abondance de Soft law dans le droit de l’environnement.

Par ailleurs, notons que des raisons très diverses peuvent pousser les Etats à s’engager pour l’environnement, en le faisant parfois sans même l’intention de mettre en œuvre le moindre engagement, ou d’autres fois en cherchant au contraire à le mettre en œuvre, mais en ne disposant pas des capacités nécessaires. Dans ceux type de situations, la Hard law bloquerait tout élan et produirait un effet dissuasif vis-à-vis des politiques environnementales.

Enfin, si les progrès de la coopération internationale sont notables, l’application nationale, notamment par la transcription des normes internationales dans les droits internes, demeure insuffisante. La plupart des obligations ne sont pas auto-exécutoires ; en outre, les mécanismes classiques de punition suite au manquement d’une obligation sont souvent mal adaptés lorsque l’obligation constitue un engagement unilatéral. Ce sont d’autant plus de causes à l’augmentation de la Soft law dans le droit de l’environnement au niveau national et international.


(*) Limites de la Soft law pour le Droit de l’environnement

La notion de "Soft law" appliquée systématiquement au droit de l’environnement apporte à de nombreuses limites.
La question de l’applicabilité est variable, car elle dépend entre autres de la précision et des moyens prévus pour les appliquer. De ce fait, des dispositions peuvent laisser la porte ouverte sur l’arbitraire étatique, pouvant donc aller à l’encontre de la protection de l’environnement, ou du moins passer outre la disposition en l’interprétant autrement.
A titre d’exemple, les différentes normes juridiques tentant de régir les problématiques de dérèglement climatique, sont souvent perçues comme des « gadgets politiques ». Leurs interprétations multiples donnent lieu à des controverses juridiques réelles, créant une instabilité juridique souvent décriée par les défenseurs de l’environnement.
Enfin, la pratique des organes de contrôle de l’Organisation des Nations Unies en matière de Droits de l’homme et plus particulièrement en matière de protection de l’environnement est parfois contestée quant à la gestion des instruments de "Soft Law". Par voie de conséquence, les critiques s’accordent généralement sur un point : l’importance d’aboutir à de réelles dispositions contraignantes ("Hard Law") après une 1ière étape de production de Soft law, afin de voir la protection de l’environnement enfin respectée.


(*) La Soft law pour le droit de l’environnement est-elle pour autant inutile ?

Néanmoins, il serait erroné de s’en tenir simplement à l’affirmation visant à décrire la protection de l’environnement comme un droit qui ne serait pas obligatoire, et donc le définir comme un droit "mou" dans sa globalité. Ainsi, bien que les Etats restent souverains ils doivent faire face à leurs engagements normatifs, vis-à-vis des cosignataires, d’eux-mêmes mais aussi de leurs populations. Dans le cas de la Soft law, c’est de cette pression que naît, en définitive, une « contrainte », non pas juridique mais morale ou diplomatique qui porte les Etats à une auto-limitation et une coopération inter-étatique.


(*) Conclusion

Ces dernières années, l’activisme diplomatique a participé à une prolifération normative du droit international de l’environnement. Cette abondance de la Soft law souvent interprétée comme un symptôme pathologique au regard de la modestie des résultats obtenus, semble avoir pris des allures de fuite en avant.

Cible de nombreuses critiques, la Soft law est fréquemment définie comme un « palliatif » ou une « simple façade » visant à cacher l'absence d'un système judiciaire environnemental indépendant doté de pouvoirs d'exécution.

Pour autant, on ne peut affirmer que les instruments non contraignants n’ont pas leur rôle à jouer en matière de protection de l'environnement. Ainsi ces instruments non-coercitifs fonctionnent de manière plus indirecte, par persuasion ou par exemplarité, avec les limites que l’on connait aux actions basées sur la bonne volonté.