L’association de défense des animaux L214 a diffusé jeudi 20 février de nouvelles images tournées dans un abattoir de veaux en Dordogne. Ces images, tournées en novembre et décembre 2019 à l’abattoir de Sobeval de Boulazac, appartenant au groupe néerlandais VanDrie, ne présentent pas, selon ce dernier de non-conformité à la réglementation.

Pourtant, l’association de protection des animaux a publié des échanges de courriels au sein du ministère de l’agriculture laissant entendre que cette vidéo montre bien des non-conformités à la réglementation, contrairement à la communication officielle qui a suivi leur révélation au grand public.
L’établissement, qui abat 3 400 veaux par semaine, est habilité pour l’abattage standard (70 % de son activité), ainsi que casher et halal (30 %). L’association a relevé plusieurs « infractions »constatées lors de ce tournage.

Concernant l’abattage standard, L214 dénonce des carences dans l’immobilisation de la tête des veaux au moment de l’étourdissement, donc des « tirs mal ajustés », des animaux blessés mais conscients, et des « contrôles de l’inconscience et de l’insensibilité des veaux quasi inexistants ».
Pour l’abattage rituel, au cours duquel la plupart des veaux sont tués sans étourdissement, l’association affirme qu’« un contrôle systématique de la perte de conscience » de l’animal, qui doit être effectué avant son immobilisation, « n’est pas réalisé à Sobeval ».

L214 a agi en justice pour « sévices graves » envers des animaux et a demandé la fermeture administrative d’urgence de l’abattoir en question.
La préfecture de Dordogne avait communiqué sur cette mise en ligne : « Au premier visionnage des vidéos de l’association, il n’y a pas de mise en évidence de non-conformité à la réglementation. » Elle précisait que les images « des animaux suspendus ne reflètent en aucun cas une souffrance ou un état de conscience de l’animal. (…) Ces mouvements ne sont que des réflexes musculaires ou des spasmes post mortem ». Informant qu’une analyse plus approfondie de cette vidéo serait faite, elle assurait que l’abattoir « fait l’objet de contrôles permanents par une équipe de huit agents de l’État dont deux vétérinaires ».
Le 23 février, le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, a ajouté que « les premiers résultats [de l’enquête diligentée] (…) montrent que le respect du bien-être animal est là, montrent que les choses se font ».
Cependant les échanges de courriels entre membres du ministère de l’agriculture, et diffusés à l’extérieur à la suite d’une erreur de destinataire, selon L214, laissent entendre qu’en interne ces derniers sont moins certains de cette absence de « non-conformités ». L’un de ces courriels, en date du 20 février évoque « liste de non-conformités indéniables, voire majeures », ainsi qu’une volonté d’élaborer des « éléments de langage » afin de répondre aux questionnements des médias. « Il nous faut des EDL béton pour ce soir. Et côté Saj [service des affaires juridiques] également. Merci ! » Des éléments de réponse sont ensuite listés : l’abattoir fait l’objet de contrôles réguliers, le respect des règles sanitaires et de protection animale y est « satisfaisant » ; « la seule non-conformité identifiée [en décembre] (…) a été corrigée depuis » ; « la vidéo ne peut être datée » ; « un abattoir reste un lieu de mise à mort des animaux où il est très facile de faire des photos-chocs ».
Ces arguments auraient été transmis à la préfecture de Dordogne, aux services vétérinaires du département (DDPP), ainsi qu’à l’association interprofessionnelle de la filière bétail et viande (Interbev) et à la fédération des métiers de la viande (Fedev) : « Après votre validation, nous transmettrons aux Préfet et DDPP 24. Nous pourrions transmettre également, avec votre accord, à Interbev et Fedev. »
Pour L214, qui maintient qu’il y a eu des « carences claires des services de l’Etat », ces échanges montrent que « la préfecture, les services vétérinaires, les services du ministère et le ministre lui-même ont sciemment choisi de mentir et se servent d’éléments de langage pour masquer une réalité reconnue par leurs services ».
De son côté, la société Sobeval a porté plainte pour diffamation contre l’association, estimant que les « allégations » de L214 concernant des « sévices graves » et « infractions » multiples « portent atteinte à l’honneur de [l’entreprise] et de ses opérateurs ».