
Loi d'orientation des mobilités : le Sénat rejette le texte en nouvelle lecture
Par Soraya BENMAKHLOUF
Compliance & Risk Officer France
Europcar Mobility Group
Posté le: 12/11/2019 16:43
Ce rejet de la LOM par le Sénat est clairement symbolique car la Constitution prévoit que l'Assemblée a le dernier mot sur le Sénat. Le gouvernement va dès lors naturellement lui demander, un dernier vote, sans amendements ni débat préalables.
L'opposition des Sénateurs ne fait donc que retarder l'inévitable.
Les nouveautés apportées au projet en nouvelle lecture bien que rejeté:
Concernant les Autorités organisatrices de mobilité,
Les autorités organisatrices de mobilités, qui gèrent l'offre de transport à l'échelle d'une métropole, d'une intercommunalité, d'un département ou d'une région, se voient dotées de nouvelles prérogatives.
Elles doivent désormais veiller "à l'existence de services d'information multimodale sur les services de transport et de mobilité". Cela suppose que chaque AOM devra proposer et disposer d'application publiques ou privées, permettant de se renseigner sur les offres et acheter un accès aux transports en commun, mais aussi de réserver des VTC, covoiturages et autopartage, ou encore de trouver des places de stationnement.
Le but étant de prévoir plusieurs de ces solutions pour effectuer un même voyage.
Concernant l'accès et l'utilisation des données,
L'article 9 de la LOM transpose dans le droit français une directive européenne qui impose l'ouverture des données des services de transport, qu'il s'agisse d'informations statiques ou dynamiques.
L'ouverture de la billettique des services de transport est également une nouveauté.
Les entreprises privées pourront vendre d'autres services de transport que les leurs sur leurs plateformes. Cette loi les "oblige" même à proposer
l'intégralité d'un même service de transport (bus, train, vélos…).
Concernant les véhicules autonomes,
Les députés ont adopté tel quel l'article 12, qui donne au gouvernement l'autorité pour réformer par décret pendant deux ans, afin de faciliter le déploiement de services commerciaux de véhicules autonomes.
Ces deux années sont censées laisser le temps à l'ONU de réformer la convention automobile de Vienne, qui empêche aujourd'hui la France d'aller plus loin.
Concernant les VTC,
Au sujet des conditions de travail des chauffeurs sur les plateformes VTC, le gouvernement a choisi la souplesse. La loi prévoit une charte, qui n'engage donc pas les entreprises légalement, mais apporte des changements majeurs dans la relation plateforme-chauffeur, avec des répercussions sur le fonctionnement des application et leur qualité de service (temps d'attente).
Il s'agit du droit à la déconnexion pour les chauffeurs, l'affichage à l'avance du prix d'une course et l'autorisation de la refuser si son prix est trop bas.
Ici, les députés obligent les entreprises à faire homologuer leur charte par le ministère du Travail.
Concernant le covoiturage,
Les parlementaires autorisent les autorités organisatrices de mobilité à subventionner les voyages réalisés en covoiturage à raison de deux trajets par jour, à la hauteur qu'elles jugent nécessaire.
Les députés ont également amendé le texte pour permettre aux conducteurs d'être subventionnés sur un voyage pour lequel ils n'ont trouvé aucun passager; ils espèrent ainsi inciter davantage les conducteurs à partager leurs véhicules.
Par ailleurs, les collectivités seront autorisées à réserver des voies aux covoiturages à certaines heures, selon le niveau de congestion.
Concernant les forfait mobilités durables,
Le forfait mobilités durables, aujourd'hui réservé aux vélos, permettra à l'employeur de rembourser jusqu'à 400 euros de covoiturage par an à ses employés. C'est déjà possible aujourd'hui, mais l'entreprise doit payer des cotisations, contrairement au remboursement de l'indemnité kilométrique ou du pass transport.
Ici les parlementaires ont confirmé un ajout du Sénat : le forfait mobilités peut-être cumulé avec le remboursement obligatoire par l'employeur d'une partie d'un abonnement aux transports en commun.
Les mobilités partagées, de l'autopartage aux trottinettes en free floating, deviennent éligibles à ces 400 euros annuels.
Concernant l'autopartage,
Les nouveaux pouvoirs des autorités organisatrices de mobilités vont faciliter l'octroi de places de stationnement réservées aux véhicules en autopartage.
Ces places de parking réservées seront assorties d'un "label autopartage" accordé aux véhicules autorisés à les utiliser.
Concernant le Free floating,
L'article 18, qui porte sur la régulation du free floating, a été totalement réécrit via un amendement. Il donne la main aux collectivités pour réguler les trottinettes en libre-service (elles pourront laisser cette responsabilité aux AOM si elles le souhaitent).
Comme l'avait décidé le Sénat en mars contre l'avis du gouvernement, qui avait initialement donné ce pouvoir aux AOM. Les collectivités délivreront des titres d'occupation du domaine public nécessitant le respect d'un certain nombre de règles de sécurité et de qualité de service. Elles pourront limiter le nombre d'engins déployés, et même refuser tout service de free floating sur leur territoire si elles le souhaitent, a précisé la rapporteure.
En somme, la loi prévoit deux mécanismes de régulation du marché de la mobilité: soit une délégation de service public dans laquelle la collectivité impose un cahier des charges aux entreprises, soit une sélection de quelques sociétés autorisées à opérer leur service lorsque celles-ci sont beaucoup trop nombreuses, comme à Paris.