Au cœur de l’actualité française depuis plusieurs mois, le gaz de schiste occupe le devant de la scène médiatique, juridique et énergétique. Le débat est d’autant plus virulent, que la catastrophe nucléaire japonaise a relancé nombre de questions sur les énergies actuellement exploitées et sur celles qui pourraient l’être dans le futur. En effet, alors que ce gaz semblait représenter une nouvelle source d’énergie importante pour la France, l’exploitation qui en est faite en Amérique du Nord depuis plusieurs années, est de plus en plus contestée .

En France, tout a commencé en mars 2010, lorsque l’ancien Ministre de l’écologie - Monsieur Borloo – accordait par arrêté, des permis exclusif de recherche à plusieurs groupes industriels : le « Permis de Nant » pour la société Schuepbach Energy LLC (société pétrolière texane), portant sur les départements de la Lozère, du Gard, de l’Hérault et de l’Aveyron, sur une surface totale de 4414 km² environ ; le « Permis de Villeneuve de Berg » pour la même société et portant cette fois sur les départements de l’Ardèche et du Gard, pour une superficie d’environ 931 km², et ; le « Permis de Montélimar » aux sociétés Total E&P France et Devon Energie Montélimar SAS pour une surface de 4327 km², sur les départements de l’Ardèche, de la Drôme, du Gard, du Vaucluse et de l’Hérault. Ça n’est que plusieurs mois plus tard que les collectivités et les populations locales ont été informées de l’existence de ces permis et de là est née la contestation qui fait rage aujourd’hui.
Cependant, à l’automne dernier, alors que les critiques sur le sujet se faisaient de plus en plus violentes, l’arrivée de la nouvelle Ministre de l’écologie - Madame Kosciusko-Morizet – a été l’occasion de se pencher sur les réels enjeux et implications de l’exploitation de ce gaz, notamment au regard des conséquences environnementales désastreuses de la méthode utilisée – celle de la fracturation hydraulique.
C’est ainsi qu’en février dernier, la Ministre annonçait la suspension temporaire de l’exploration et la mise en place d’une mission conjointe du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Ainsi, cette dernière a pour objectif d’éclairer le gouvernement sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des gaz et huiles de schiste. La mission devra aussi éclairer le gouvernement sur les enjeux du développement potentiel de ces éventuelles ressources, sur l'encadrement environnemental approprié à cet éventuel développement et sur les actions prioritaires à conduire. Un rapport d’étape sera établi pour le 15 avril 2011 et le rapport final pour le 31 mai 2011. Les rapports seront rendus publics et les conclusions en seront tirées avant fin juin 2011.
Entre temps, plusieurs propositions de loi ont été déposées devant l’Assemblée nationale et le Sénat (Texte n° 377 du 24 mars 2011). Tant la proposition du Parti socialiste (Proposition n° 3283 du 30 mars 2011) que celle de l’UMP (Proposition n° 3301 du 31 mars 2011), visent à abroger les permis les permis exclusif de recherche déjà accordée et à interdire l’exploration et l’exploitation de gaz et huile de schiste sur le territoire national. Alors que le texte de l’UMP devrait être examiné selon la procédure d’urgence le 10 mai 2011, l’examen de celui du Parti socialiste était lui prévu pour le 12. Il faut noter également que Monsieur Borloo qui avait donc accordé ces permis, a lui aussi, fait une proposition de loi.
Plus récemment encore, le Premier Ministre - Monsieur Fillon – affirmait, devant l’Assemblée nationale le 13 avril, souhaiter l’annulation des permis d’exploration.

Si le débat relatif à l’exploration et à l’exploitation du gaz de schiste, est avant tout une discussion soulevant des questions d’ordre environnemental, énergétique, politique et économique, il ne faut pas sous estimer les questions juridiques, nombreuses et complexes, qui sont sous jacentes à l’ensemble de la discussion et conditionnent en partie l’avenir de ce gaz en France.

I. Le régime juridique des permis exclusif de recherche accordés en mars 2010

L’exploration et l’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux relavant du Code minier, la présente analyse soulève une question d’application de la loi dans le temps. En effet, est entrée en vigueur le 20 janvier 2011, l’ordonnance n° 2011-91 portant codification de la partie législative du code minier publiée au Journal officiel du 25 janvier 2011. Cependant, à l’époque où les permis exclusif de recherche ont été accordés, le Code minier, n’avait donc pas encore été modifié. Légalement donc, ces permis restent soumis aux anciennes dispositions du Code minier telles qu’elles existaient préalablement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance susvisée (ci-après désignées « ancien article »).

1.1 La notion de permis exclusif de recherche

En vertu de l’ancien article 7 du Code minier, les travaux de recherches pour découvrir les mines ne peuvent être entrepris que :

- Soit par le propriétaire de la surface ou avec son consentement, après déclaration au préfet ;
- Soit, à défaut de ce consentement, avec l’autorisation du ministre chargé des mines, après que le propriétaire a été mis en demeure de présenter ses observations dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’Etat ;
- Soit en vertu d’un permis exclusif de recherches.

Conformément à ce Code donc, le Gouvernement peut accorder aux entreprises, après mise en concurrence (ancien article 9 Code minier), le droit d’explorer et de produire des hydrocarbures. Il faut noter ici, que l’un des reproches fait à Monsieur Borloo à propos de l’attribution des permis exclusif de recherche de mars 2010, est de ne pas avoir respecté cette obligation de mise en concurrence, notamment en raison de l’opacité dans laquelle s’est faite cette opération d’attribution des permis.

La phase d’exploration est donc entreprise sous couvert d’un permis exclusif de recherches, qui donne à son détenteur un droit exclusif d’explorer les hydrocarbures à l’intérieur du périmètre de son permis.

La durée initiale d’un permis de recherche est de 5 ans mais elle peut être renouvelée à deux reprises, chaque fois de 5 ans au plus (ancien article 10 Code minier).

1.2 Les droits et obligations du titulaire du permis de recherche

En vertu du permis exclusif de recherches, son titulaire dispose de l’exclusivité du droit d’effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre dudit permis et de disposer librement des produits extraits à l’occasion des recherches et des essais qu’elles peuvent comporter (ancien article 9 Code minier).

De même, pendant la durée de validité d’un permis exclusif de recherches, son titulaire peut seul obtenir une concession portant, à l’intérieur du périmètre de ce permis, sur des substances mentionnées par celui-ci. L’explorateur a ainsi droit, s’il en fait la demande avant l’expiration de ce permis, à l’octroi de concessions sur les gisements exploitables découverts à l’intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci. En cela, le permis d’explorer donne une préférence à son titulaire dans l’attribution ultérieure possible d’un permis d’exploiter.

Concernant les obligations de l’explorateur, l’ancien article 79 dispose que les travaux de recherches ou d’exploitation d’une mine doivent respecter les contraintes et les obligations afférentes à la sécurité et la santé du personnel, à la sécurité et la salubrité publiques, aux caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, […], aux intérêts des articles L. 211-1, L. 331-1, L. 332-1 et L. 341-1 du Code de l’environnement, de l’article 1er de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, ainsi qu’aux intérêts agricoles des sites et des lieux affectés par les travaux et par les installations afférent à l’exploitation.

Ainsi, lorsque les intérêts mentionnés ci-dessus, qui pour beaucoup concernent directement l’environnement, sont menacés par ces travaux - à propos du gaz de schiste, les intérêts environnementaux et sanitaires sont au cœur des préoccupations - l’autorité administrative peut prescrire à l’explorateur ou à l’exploitant de mines toute mesure destinée à assurer la protection de ces intérêts, dans un délai déterminé.

Les obligations environnementales ayant toute leur importance concernant l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste, il nous faut également regarder de plus près, les dispositions du Code de l’environnement auquel renvoie l’ancien article 79 du Code minier :

• Ainsi par exemple, l’article L. 211-1, issu de la loi sur l’eau du 30 décembre 2006 (loi n° 2006-1772) porte sur la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau. Selon cet article toujours, la gestion équilibrée de l’eau doit ainsi permettre de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population.
• L’article L. 331-1 renvoie lui à la création de parcs nationaux dans des milieux présentant un intérêt spécial et dont il importe d’assurer la protection en les préservant des dégradations et des atteintes susceptibles d’en altérer la diversité, la composition, l’aspect et l’évolution. Il faut noter à ce sujet que l’Ardèche, qui est directement concernée par les permis exclusifs de recherche, dispose justement de la Réserve naturelle des Gorges de l’Ardèche et du Parc naturel régional des Monts d’Ardèche.
• Ensuite l’article L. 332-1 porte sur la création de réserves naturelles pour la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et plus généralement d’un milieu naturel présentant une importance particulière ou qu’il convient de soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader.
• Enfin, l’article L. 341-1 énonce qu’il est établi dans chaque département une liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue notamment scientifique, un intérêt général. Cette inscription entraîne alors sur ces terrains compris dans les limites fixées par l’arrêté, l’obligation pour les intéressés de ne pas procéder à des travaux autres que ceux d’exploitation courante en ce qui concerne les fonds ruraux et d’entretien normal en ce qui concerne les constructions sans en avoir avisé, quatre mois d’avance, l’administration de leur intention.

Après le renvoi effectué vers les dispositions du Code de l’environnement et qui impose ainsi à l’explorateur et à l’exploitant de respecter le milieu dans lequel ces activités ont lieu, l’ancien article 80 du Code minier dispose que tout puits, galerie ou travail d’exploitation de mine ouverts en contravention du présent code et des textes pris pour son application pourront être interdits par un arrêté du préfet.

De plus, l’ancien article 83 précise que l’ouverture de travaux de recherches et d’exploitation de mines est subordonnée à une autorisation administrative, accordée, après enquête publique et consultation des communes intéressées, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’Etat. Ce décret détermine les critères et les seuils au dessous desquels les travaux de recherches et d’exploitation de mines sont dispensés d’enquête publique ou soumis à déclaration.

On peut conclure donc, que tant l’exploration que l’exploitation du gaz de schiste, et plus largement des hydrocarbures liquides et gazeux, sont strictement encadrées par des obligations notamment d’ordre environnemental et sanitaire, avec un réel pouvoir de contrôle a priori et a posteriori de l’Administration. Cette dernière dispose ainsi du pouvoir de suspendre ces activités et du pouvoir de sanctionner lorsque les prescriptions imposées par la loi ne sont pas respectées.

II. La récente révision du Code minier
2.1 La révision du Code minier par Ordonnance relevant de l’article 38 de la Constitution

En vertu de l’article 38 de la Constitution française, le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi (article 34 de la Constitution).

C’est ainsi que la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures publiée au Journal officiel le 13 mai 2009, dispose en son article 92, que « le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnances à la création de la partie législative […] du code minier […]. Ces ordonnances sont prises dans les dix-huit mois suivant la publication de la présente loi […]. ».

De plus, la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, est intervenue pour modifier cette dernière, allongeant ainsi le délai dont disposait le gouvernement pour adopter les ordonnances en vertu de la loi d’habilitation du 12 mai 2009. Par cette loi le délai de dix huit mois comme indiqué ci-dessus passe à vingt quatre mois.

C’est donc conformément à l’habilitation prévue par la loi du 12 mai 2009, modifiée par la loi de décembre 2010, que le Gouvernement a adopté l’Ordonnance n° 2009-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier.

Il est important cependant de noter que le délai initialement envisagé dans la loi d’habilitation de 2009 était en effet fixé à dix huit mois. Ainsi, l’ordonnance portant codification du Code minier pouvait être prise jusqu’au 12 novembre 2010 au plus tard (dix huit mois après la publication de la loi de 2009). Cependant, on l’a déjà dit, la loi de n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 a reporté ce délai à vingt quatre mois. Cela a donc rallongé le délai au cours duquel l’ordonnance pouvait être prise soit jusqu’au 13 mai 2011.

Nous pouvons donc observer que sans la modification de l’article 92 de la loi du 12 mai 2009 par l’article 28 de la loi du 12 novembre 2010, il aurait été trop tard pour le Gouvernement pour prendre l’ordonnance portant codification de la partie législative du Code minier qui a été adoptée le 20 janvier 2011.

Il n’en reste pas moins que, conformément à l’article 92 susvisé de la loi du 12 mai 2009, un projet de loi de ratification devra être déposé devant le parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance, autrement dit, à compter du 1er mars 2011. Par conséquent, le projet de loi de ratification de l’ordonnance susvisé devra être déposé avant le 27 avril 2011, faute de quoi, l’ordonnance sera caduque. Ce point mérite d’être souligné car une fois qu’une ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la constitution a été ratifiée, elle acquiert valeur législative à compter de sa signature et sa légalité ne peut plus en principe être utilement contestée devant la juridiction administrative (CE, 8 décembre 2000).

2.2 La conformité du nouveau Code minier à la Charte de l’environnement
a) Les dispositions de la Charte de l’environnement intéressant le Code minier

Par l’adoption de la loi constitutionnelle n°2005-205 du 1 mars 2005, il a été conféré une valeur constitutionnelle à la Charte de l’environnement. De ce fait, les nouvelles dispositions du Code minier doivent être conformes à cette Charte.

L’article 3 de la Charte de l’environnement dispose que :

« Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ».

L’article 5 développe, lui, le principe de précaution en affirmant que :

« Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

L’article 6 ajoute en ce sens :

« Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».

Enfin, l’article 7 de la Charte relatif au principe de la participation du public prévoit que :

« Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

De ces articles découlent donc un principe de précaution, d’information du public et de conciliation entre impératifs environnementaux et économiques. C’est à la lumière de ces principes qu’il faut donc examiner la question de l’exploration et la question de la possible exploitation du gaz de schiste en France. Notons également que les nouvelles dispositions du Code minier reprennent pour l’essentiel celles de l’ancien code. La question de la conformité du nouveau Code à la Charte de l’environnement ne se pose cependant que pour la version la plus récente, seule cette dernière étant postérieure à l’entrée en vigueur du texte constitutionnel, l’obligeant ainsi à s’y conformer.

b) L’absence de concertation ou d’enquête publique avant l’attribution de permis exclusif de recherche

Concernant les modalités de délivrance de permis de recherche, il faut noter que le nouvel article L122-3 du Code minier dispose que « L’instruction de la demande [de permis exclusif de recherche] ne comporte pas d’enquête publique ».

En cela, l’article L. 122-3 du Code minier violerait donc les dispositions de l’article 3 de la Charte de l’environnement.

Cependant, l’article L162-4 du même code prévoit que

« L’autorisation d’ouverture de travaux de recherches ou d’exploitation est accordée par l’autorité administrative compétente, après consultation des communes intéressées et l’accomplissement d’une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement, d’une étude d’impact réalisée conformément au chapitre II du titre II du même livre Ier du même code ainsi que, le cas échéant, de l’étude de dangers prévue à l’article L. 512-1 de ce code. ».

De même, l’article 153-2 du Code minier prévoit que :

« Les puits, sondages de plus de 100 mètres et les galeries ne peuvent être ouverts dans un rayon de 50 mètres des habitations et des terrains compris dans les clôtures murées attenantes, sans le consentement des propriétaires de ces habitations ».

Le nouveau Code fait donc une distinction entre les modalités de délivrance du permis exclusif de recherche et celle de l’autorisation des travaux de recherches, seul les seconds étant soumis à enquête publique. Ceci pourra avoir une incidence en cas de recours dirigé contre ces deux types de décisions administratives. On peut en effet imaginer que dans l’hypothèse où le délai de deux mois pour former un recours en annulation contre la décision de délivrance du permis exclusif de recherche soit expiré, il pourrait toujours être envisageable de former un recours contre la décision autorisant les travaux d’exploration.

De plus, l’article L. 153-1 du nouveau Code minier précise que :

« Nul droit de recherches ou d’exploitation de mines ne vaut, sans le consentement du propriétaire de la surface, autorisation de faire des sondages, d’ouvrir des puits ou galeries, ni d’établir des machines, ateliers ou magasins dans les enclos murés, les cours et les jardins ».

Ces dispositions démontrent donc que si l’examen de la demande de permis exclusif de recherche n’est pas soumis préalablement à une enquête publique, le reste de la procédure fait lui l’objet d’un encadrement important, reposant sur la réalisation d’une enquête publique, d’une étude d’impact ou encore d’une étude de dangers.

De même, sur l’octroi d’une concession c'est-à-dire l’autorisation d’exploiter, l’article L. 132-3 du Code minier prévoit lui que cette dernière est accordée après une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement.

Il faut noter que la proposition de loi du Gouvernement du 31 mars 2011 visant à abroger les permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national, dispose en son article 3, que la délivrance du permis exclusif de recherches sera conditionnée par la participation du public, par la réalisation d’une étude d’impact, et celle d’une enquête publique.

Enfin, une disposition importante du Code minier, que ce soit la nouvelle ou l’ancienne version, est celle portant sur le passage « accéléré » entre l’exploration et l’exploitation de l’hydrocarbure liquide ou gazeux. L’article L. 132-6 du Code minier reprend les dispositions de l’ancien article 26 du même code, à savoir que :

« Sans préjudice des dispositions de l'article L. 142-4, pendant la durée de validité d'un permis exclusif de recherches, son titulaire peut seul obtenir une concession portant, à l'intérieur du périmètre de ce permis, sur des substances mentionnées par celui-ci. Le titulaire d'un permis exclusif de recherches a droit, s'il en fait la demande avant l'expiration de ce permis, à l'octroi de concessions sur les gisements exploitables découverts à l'intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci. ».

En application de cet article, le détenteur d’un permis exclusif de recherches dispose donc en effet, d’une préférence quant à l’octroi d’une concession sur la zone concernée par le permis initial, si demande en est faite avant l’expiration de ce dernier. On peut légitimement se demander si par cette astuce, cela fait échapper ou non le projet à toute consultation et information du public ce qui contreviendrait directement la Charte de l’environnement.

c) Le caractère non communicable des documents encadrant la prospection au public

L’article L.413-1 du Code minier dispose que :

« Les documents ou renseignements recueillis en application des articles L. 411-3 et L. 412-1 du présent code ne peuvent, sauf autorisation de l'auteur des travaux, être rendus publics ou communiqués à des tiers par l'administration avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle ils ont été obtenus. Le délai de dix ans peut être réduit ou annulé pour certains documents et renseignements dans les conditions déterminées par décrets en Conseil d'Etat. Il peut être porté au maximum à vingt ans dans les mêmes formes pour les documents et renseignements sismiques intéressant la recherche des hydrocarbures à terre et pour tous les renseignements et documents intéressant la recherche des hydrocarbures en mer. ».

En cela, il semble que cet article contrevienne directement à l’article 7 de la Charte de l’environnement, article qui milite pour une communication maximale concernant tous les projets pouvant affecter l’environnement.

d) La violation du principe de précaution

Au regard des conséquences de l’exploitation du gaz de schiste telle qu’elle est pratiquée en Amérique du Nord et telle qu’elle est envisagée en France, il est clair que le fait d’attribuer des permis de recherche pour cette source d’énergie, est en contradiction totale avec le principe phare de la Charte de l’environnement – le principe de précaution.

En effet, la méthode de la fracturation hydraulique a démontré avoir des conséquences désastreuses en terme d’utilisation d’eau mais également de contamination des nappes phréatiques, allant jusqu’à avoir des conséquences sur la santé des populations avoisinantes. Il semblerait donc que tant que les scientifiques et industriels n’auront pas trouvé de méthode d’exploitation plus respectueuse de l’environnement, qu’au nom du principe de précaution, l’exploitation du gaz de schiste soit nécessairement suspendue. A cet égard, il faut se demander si la seule exploration de cette source d’énergie présente les mêmes inconvénients que son exploitation. En effet, si l’exploration devait être moins dommageable pour l’environnement que ne l’est l’exploitation, elle pourrait être envisagée, ce qui laisserait aussi le temps d’élaborer de nouvelles méthodes d’exploitation moins dévastatrices.

III. La fronde judiciaire contre le gaz de schiste

Aujourd’hui, deux types de recours ont été intentés et qui concernent le gaz de schiste : le recours contre l’ordonnance portant modification de la partie législative du Code minier et des recours contre les permis d’exploration.

3.1 Le recours contre l’ordonnance

La parti politique de Madame Lepage - CAP21 – a formé un recours contre l’ordonnance portant modification de la partie législative du Code minier.

a) Le principe du recours administratif contre les ordonnances de l’article 38 de la Constitution

Depuis les arrêts Canal (CE, Ass., 19.10.1962) et Fédération nationale des syndicats de police (CE, Ass., 24.11.1961), la Haute juridiction administrative a jugé que les lois référendaires et les ordonnances de l’article 38 de la Constitution avaient pour objet, non d’habiliter le Président de la République ou le Gouvernement à exercer le pouvoir législatif lui-même, mais seulement de l’autoriser à user exceptionnellement, dans le cadre et dans les limites qui y sont précisées, de son pouvoir réglementaire, pour prendre, par ordonnance, des mesures qui normalement relèvent de la loi. L’habilitation n’est donc pas l’attribution d’une portion du pouvoir législatif mais une simple autorisation accordée au pouvoir réglementaire d’intervenir, dans les strictes limites de l’habilitation, dans le domaine de la loi. L’ordonnance conserve donc la nature réglementaire que lui confère son auteur. Il faut préciser ici, que l’ordonnance a valeur réglementaire jusqu’à l’adoption de la loi de ratification, qui doit être adoptée dans le délai fixé dans la loi d’habilitation, en l’espèce dans un délai de 3 mois. Ainsi, lors de la séance de l’Assemblée nationale du 23 mars dernier, Nathalie Kosciusko-Morizet annonçait que le gouvernement avait ainsi jusqu’au 20 avril 2011 pour déposer devant le gouvernement un projet de loi de ratification de l’ordonnance portant partie législative du Code minier. Elle a indiqué que le texte avait déjà été transmis au Conseil d’État. Ce n’est donc qu’après l’adoption de cette loi de ratification que l’ordonnance aura valeur législative.

En examinant un recours dirigé contre une ordonnance, le Conseil d’État se voit donc reconnaître le pouvoir de contrôler la constitutionnalité et la légalité de ce texte qui à la date du recours n’a qu’une valeur réglementaire.

Concernant donc la légalité de l’ordonnance, question qui constitue le fondement même d’un recours administratif en annulation (ou excès de pouvoir), il appartiendra à Cap21 de démontrer en quoi l’ordonnance contestée est illégale.

b) La non-conformité de l’ordonnance au regard de la Charte de l’environnement

Sur le fond du recours formé par Cap21 contre l’ordonnance, se pose donc la question de la légalité de l’ordonnance au regard des normes se situant au dessus d’elle c'est-à-dire la Constitution bien sûr mais également la loi, la première n’ayant pour le moment qu’une valeur réglementaire.

Comme exposé précédemment, il semble que l’ordonnance ayant modifié le Code minier, soit en contradiction avec plusieurs dispositions de la Charte de l’environnement. Il s’agit principalement de l’obligation d’information et du principe de précaution.

Le Conseil d’Etat ayant par un arrêt d’assemblée, consacré la valeur constitutionnelle de l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’Environnement (Conseil d’Etat, Assemblée, 3 octobre 2008, Commune d’Annecy c/ Etat, n°297.931) en annulant un décret d’application qui méconnaissait les dispositions de la Charte de l’environnement, il pourra en faire autant concernant l’ordonnance modifiant le Code minier.

c) La non-conformité de l’ordonnance au regard des lois Grenelle

Doit se poser également la question de la conformité de l’ordonnance à l’égard des lois Grenelle.

Afin de vérifier la conformité de l’ordonnance, aux lois n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du grenelle de l’environnement dite « Grenelle 1 » et n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement dite « Grenelle 2 », il convient d’examiner certaines dispositions de ces textes.

Ainsi, l’article 19 de la loi Grenelle I prévoit de :

« Réduire le recours aux énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre ».

De même, l’article 27 a pour objectif de :

« Garantir l’approvisionnement durable en eau de bonne qualité propre à satisfaire les besoins essentiels des citoyens. L’État s’engage également à promouvoir « des actions visant à limiter les prélèvements et les consommations d’eau ».

A cet égard il semble clair que les méthodes d’exploitation utilisées pour l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste soient en contradiction avec ces objectifs de la loi Grenelle I. En effet, ces dernières en plus d’être très consommatrice d’eau, produisent du CO2 à un taux juste inférieur à celui de l’extraction du charbon qui est lui relativement élevé.

Sur l’aspect gouvernance de la loi, l’article 49 prévoit de :

« Construire une nouvelle économie conciliant protection de l’environnement, progrès social et croissance économique exige de nouvelles formes de gouvernance, favorisant la mobilisation de la société par la médiation et la concertation ». Selon l’article 51, « les collectivités et leurs groupements sont des acteurs essentiels de l’environnement et du développement durable et ont des rôles complémentaires, tant stratégiques qu’opérationnels. ».

Concernant l’aspect communication, discussion, concertation envisagé par la Loi Grenelle I, il semble également que le recours dispose d’un bon fondement pour attaquer l’ordonnance, le nouveau Code minier ne prévoyant pas comme nous l’avons explicité plus haut, de concertation et d’information pour la délivrance des permis d’exploration.

En conclusion, sur le recours formé contre l’ordonnance, le moyen le plus solide semblerait d’argumenter que le dispositif envisagé par le nouveau Code est insuffisant en termes d’information, de consultation et de concertation autour de l’exploration et de l’exploitation d’hydrocarbures liquides et gazeux. Le principe de précaution pourrait lui aussi être largement développé, particulièrement lorsque l’on voit les conséquences environnementales qu’a eu l’exploitation de ce gaz en Amérique du Nord.

3.2 Le recours contre les permis d’exploration

L’interrogation propre au recours formé contre les permis d’exploration est qu’il a été formé bien après l’écoulement des deux mois suivant leur attribution et publicité, délai pourtant impératif lorsque l’on souhaite former un recours contre une décision administrative. En effet, datant du mois de mars 2010, le premier recours formé devant le Tribunal administratif de Paris contre ces permis, date lui de mars 2011, un an donc après l’attribution des permis.

N’ayant pas accès au contenu du recours formé contre les permis, il faut se poser la question du moyen en vertu duquel un tel recours a été formé, la voie classique de l’excès de pouvoir étant ici exclue en raison du dépassement du délai ci-dessus exposé.

A cet égard on peut imaginer que le recours remette en cause la publicité faite à l’attribution de ces permis. En effet, si les formes de publicité n’ont pas été respectées, cela ne rend pas la décision administrative opposable aux tiers qui gardent alors le pouvoir de former un recours contre cette dernière.

Le recours tel qu’il est prévu dans la loi sur l’eau du 30 décembre 2006 doit aussi être envisagé.
L’article L. 211-6 du Code de l’environnement dispose ainsi que « Les décisions prises en application de l’article L. 211-5 peuvent être déférées à la juridiction administrative dans les conditions prévues à l’article L. 514-6 ». L’article L. 211-5 fait notamment mention des risques de pollution et de destruction des ressources d’eau potable. Face à ce risque, l’article L. 514-6 donnent ainsi aux tiers intéressés, le droit de faire un recours contre les décisions administratives concernées pendant une durée de un an. L’ancien délai était même de quatre ans mais la loi Grenelle II l’a ramené à un an.

Concernant l’exploration du gaz de schiste, le risque environnemental à l’égard des nappes phréatiques étant au cœur de toutes les préoccupations, on peut imaginer donc que se soit sur ce fondement que le recours dirigé contre les permis ait été formé.

Dans tous les cas, il est possible aux vues des dernières déclarations du Premier Ministre, que ce recours n’ait plus lieu d’être s’il y a bien annulation des permis.

IV. Les conséquences d’une éventuelle annulation ou abrogation des permis exclusif de recherche

Suite à l’annonce faite par le Premier Ministre de vouloir annuler les permis exclusif de recherche accordés en mars dernier sur le gaz de schiste, il nous faut demander quelles peuvent être les conséquences d’une telle annulation. Il faut préciser d’ailleurs que se serait une question identique sui se poserait si l’annulation devait être décidée par le Conseil d’Etat, suite au recours formés contre les permis.

En effet, en accordant ces permis, l’Etat français a accordé des droits aux industriels concernés. Il ne peut donc subitement, revenir sur une telle décision sans que cela n’ait de conséquences juridiques.

S’étant vu accordés ces permis, il était légitime pour les industriels qui en étaient les bénéficiaires, de prendre les mesures de gestion financière, technique et humaine, nécessaires à la mise en œuvre de l’exploration qui était autorisé par le biais de ces documents. Des frais, très importants comme on peut l’imaginer, ont donc été engagés par ces acteurs.

De tout cela il ressort que ces permis d’exploration ne pourront être annulés ni abrogés sans qu’une réparation ne soit accordée à leurs titulaires. Ainsi, plutôt que d’avoir accordé ces permis dans la précipitation et l’opacité, telle que cela a été fait en mars 2010, l’Etat français aurait mieux fait de prendre le temps d’examiner la question de l’exploration et de l’exploitation du gaz de schiste dans toute sa complexité, prenant en compte l’ensemble de ses composantes, plutôt que de faire comme cela est en train de se passer actuellement, c'est-à-dire de revenir sur des droits acquis, dont le non respect donnera lieu à réparation et cela à la charge du contribuable français. C’est ainsi que parfois la patience peut en effet s’avérer être mère de toutes les vertus !