Qu’est-ce que le Mediator ?

Il s'agit d'un médicament vendu comme antidiabétique, selon son dossier d'autorisation de mise sur le marché en 1976. En réalité, il fait partie de la famille des « coupe-faim » sur lesquels travaillent les laboratoires Servier depuis les années 1960. Sentant le bon filon, le groupe a très tôt misé sur le marché de l'amaigrissement. Il lance un premier coupe-faim, le Pondéral, puis l'Isoméride. Entre les deux, il y aura donc le Mediator. Mais c'est un coupe-faim qui ne dit pas son nom.

Quels sont ses dangers ?

Selon les données de l'enquête, Servier sait dès le départ qu'il est dangereux. Une note rédigée par les pharmacologues qui ont mis au point le produit précise que la substance libérée dans le sang est inductrice « de nombreux effets secondaires ». Mais le dossier de mise sur le marché est expurgé de ces remarques.
En 1997, une équipe de l'hôpital Antoine-Béclère, à Clamart (Hauts-de-Seine), démontre que les coupe-faim à base de fenfluramine provoquent de l'hypertension artérielle pulmonaire. Une deuxième étude confirme ces données. L'Isoméride et le Pondéral sont alors retirés du marché, mais pas le Mediator.


Quels sont les enjeux de ce procès ?

C’est un procès-fleuve qui va s’ouvrir ce lundi 23 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris. Avec des débats qui devraient durer six mois et mobiliser 2 684 victimes, constituées parties civiles et défendues par 376 avocats.
Dans le box, on trouvera un ancien dirigeant de Servier, ainsi que divers experts. Des prévenus qui devront répondre à deux questions au cœur du procès : pourquoi ce coupe-faim, mis sur le marché en 1976 et consommé par cinq millions de Français, n’a été retiré qu’en 2009 ? Et comment expliquer que ce produit, réservé aux seuls diabétiques en surpoids, a été au fil du temps prescrit à de très nombreuses personnes qui voulaient juste maigrir un peu ? Avec des conséquences dramatiques : certains patients ont développé des hypertensions pulmonaires artérielles ou des valvulopathies (atteintes des valves cardiaques). Selon une expertise de 2013, le Mediator pourrait provoquer à long terme entre 1 300 et 1 800 décès.

Le laboratoire Servier poursuivi pour tromperie aggravée

C’est donc autour de ce volet de la tromperie aggravée que va essentiellement se dérouler ce procès. Ce qui n’est pas une surprise puisque cette infraction, qui relève du droit de la consommation, se retrouve depuis près de trente ans dans tous les grands procès de santé publique. C’est pour ce « délit d’épicier », comme le disent certains avocats, qu’ont été prononcés en 1992 des peines de prison ferme dans l’affaire du sang contaminé contre des dirigeants de la transfusion. Avec la tromperie, il suffit de démontrer que tel industriel a mis sur le marché un produit qui n’était pas celui annoncé pour entraîner la condamnation. Et par souci d’efficacité, certains avocats préfèrent utiliser cette infraction pour obtenir gain de cause au pénal.
Cela étant, parmi les parties civiles, il y aura quand même une cinquantaine de victimes physiquement malades à cause du Mediator et qui poursuivent Servier pour homicide et blessures involontaires. Le chiffre peut sembler faible pour ce grand procès pénal. Mais en fait, les victimes les plus atteintes ont préféré ne pas attendre ce rendez-vous judiciaire, dont nul ne savait vraiment quand il allait se tenir. Souvent épuisées, elles ont préféré s’adresser à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) dans le cadre d’une procédure qui contraint Servier à payer.

Cela va permettre au laboratoire d’arriver au procès en affirmant ne pas être insensible à la souffrance des victimes. Mais les débats permettront surtout de montrer comment pendant tant d’années Servier a monté un système d’influence très organisé pour maintenir le Mediator sur le marché, selon les avocats des victimes, en soulignant que l’un des défis du procès sera de se pencher sur des faits parfois très anciens. Alors que plusieurs acteurs majeurs du dossier, en tête desquels Jacques Servier, le fondateur du groupe décédé en 2014, ne sont plus là pour répondre de leurs actes.

Qui est jugé dans cette affaire ?

12 personnes physiques : dans le box des prévenus vont notamment comparaître Jean-Philippe Seta, ancien numéro 2 du groupe Servier, ainsi que divers experts rémunérés par la firme ou ayant occupé des fonctions dans les instances sanitaires. Il y aura aussi l’ancienne sénatrice Marie-Thérèse Hermange, soupçonnée d’avoir rédigé en 2011 un rapport un peu trop complaisant pour le laboratoire.

11 personnes morales : le tribunal va aussi juger l’entreprise Servier, plusieurs de ses filiales, ainsi que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (appelée Afssaps à l’époque des faits).