Pour vivre heureux, vivons cachés : c’est la devise des nanomatériaux. Depuis une quinzaine d’années, invisibles à l’œil du législateur, ces objets minuscules aux propriétés nouvelles ont su s’insérer discrètement dans notre quotidien de consommateurs : réfrigérateur, produits ménagers, voitures, cosmétiques, jouets… Mais la loi « Grenelle 2 » du 12 juin 2010 impose aujourd’hui à tous les fabricants, importateurs ou distributeurs de déclarer leurs « substances à l’état nanoparticulaire ». Un décret d’application étant nécessaire pour saisir ces objets si menus, le ministère de l’écologie a soumis un projet à la consultation publique. On en sait donc un peu plus sur le champ d’application des obligations de déclaration et de communications d’informations, leur contenu et les sanctions qui les assortissent (sous réserve de la publication finale du décret au Journal officiel).

1. Qui est concerné ?

1.1. Les substances visées
Sous l’heureuse influence des législations européennes, le projet apporte des définitions des termes qu’il emploie, et notamment du plus important d’entre eux : « substance à l’état nanoparticulaire ». Cette définition, naturellement technique, mériterait de longs développements car il n’existe pas aujourd'hui de définition homogène, même au plan scientifique, de ces objets. La Commission européenne tente actuellement, avant de proposer une législation, de circonscrire les nanomatériaux ; le projet de décret ne fait que renvoyer aux tentatives européennes du moment. En particulier, un équilibre est à trouver entre une définition liée à la taille des objets d’une part (< 100 nanomètres), et leurs propriétés d’autre part (propriétés modifiées à une échelle suffisamment petite).
Est visée toute substance à l’état nanoparticulaire, « en l'état ou contenue dans un mélange sans y être liée, ou un matériau destiné à rejeter une telle substance dans des conditions normales ou raisonnablement prévisibles d’utilisation ». Les articles qui contiennent ces substances sont donc également concernés s’ils sont destinés à les « relarguer ». On trouve dans ces dispositions l’influence du règlement européen REACH.
En revanche, le projet de décret ne prévoit, contrairement à REACH, aucune restriction du champ d’application (déchets, médicaments, recherche et développement, etc.). En particulier, l’obligation déclarative sera expressément applicable aux substances entrant dans la composition des médicaments, cosmétiques, produits biocides et phytosanitaires.

1.2. Les personnes concernées
Les fabricants, importateurs et distributeurs d’au moins 10 grammes par an de l’une des substances ci-dessus définies sont concernés par le nouveau régime.
Les définitions figurant dans le projet sont suffisamment précises pour inclure les acteurs étrangers non établis en France, mais y produisant ou y distribuant les substances. Concernant les importateurs, si le sens commun les perçoit comme des personnes établies en France, la définition ne tranche pas ce point de manière évidente. Les subtilités de la notion d’importateur semblent être le lot commun des réglementations sur les produits dans le monde entier.

2. Que doit-on faire ?

2.1. Déclarer chaque année les quantités produites
Les personnes concernées devront, chaque année avant le 1er mai, adresser une déclaration par voie électronique à l’autorité administrative compétente. Cette déclaration contiendra les quantités et les usages des substances produites, importées ou distribuées au cours de l’année civile précédente, ainsi que l'identité des utilisateurs professionnels à qui elles auront été cédées à titre onéreux ou gratuit.
Le décret renverrait à un arrêté futur la détermination de l’autorité compétente, du contenu précis et des conditions de présentation de cette déclaration.

2.2. Communiquer à l’administration les informations relatives aux risques (sur demande)
Les personnes concernées devront également transmettre, à la demande de l'autorité administrative, toutes les informations disponibles relatives aux dangers des substances nanoparticulaires et aux expositions auxquelles elles sont susceptibles de conduire, ou utiles à l'évaluation des risques sur la santé et l'environnement.
La collecte de ces informations constitue une mesure importante pour connaissance, aujourd’hui devenue urgente, des impacts sanitaires et environnementaux des nanotechnologies. A ce titre, il n’est pas exclu que l’administration puisse en exiger la communication systématique par les déclarants.

3. Qu’est-ce qu’on risque ?

3.1. Des sanctions pénales
Si le déclarant transmet une déclaration incomplète ou insuffisante, l’organisme administratif compétent peut lui demander de la compléter ou d'apporter les précisions nécessaires dans un délai qu’il lui fixe.
Le défaut de transmission dans les délais de la déclaration ou des informations complémentaires est une contravention de la 5e classe, et punie à ce titre d’une peine d’amende maximale de 1500 €. Ce qu’on appelle une « nano-amende »...

3.2. Des sanctions administratives
Par ailleurs, un régime administratif est prévu par un autre texte : le projet d’ordonnance portant simplification et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement (soumis à consultation publique jusqu’au 26 mars 2011).
D’une part, ce projet étendrait aux substances nanoparticulaires, les prérogatives des agents chargés du contrôle, de la recherche et de la constatation des infractions aux dispositions relatives aux produits chimiques (articles L. 521-12 à L. 521-16 du code de l’environnement).
D’autre part, des sanctions administratives s’ajouteraient aux sanctions pénales. En cas de non-respect des obligations de déclaration et de communication d’informations sur les risques, l'autorité administrative pourrait ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 3000 euros et une astreinte journalière de 300 euros courant à partir de la décision la fixant et jusqu'à la satisfaction de l'obligation.
Rappelons enfin que, selon la jurisprudence constitutionnelle, si l'éventualité d'une double procédure peut conduire à un cumul de sanctions (administratives + pénales), le principe de proportionnalité implique, qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues (Conseil constit., 28 juil. 1989, n° 89-260 DC)


PROJET DE DECRET CONCERNANT LES SUBSTANCES A L’ETAT NANOPARTICULAIRE
http://www.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=article&id_article=20218
PROJET D’ORDONNANCE RELATIVE AUX POLICES DE L’ENVIRONNEMENT
http://www.developpement-durable.gouv.fr/Projet-d-ordonnance-portant,21759.html
DISPOSITIONS LEGISLATIVES :
Code de l’environnement, articles L. 523-1 et suivants, issues de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (JORF n° 160, 13 juil. 2010, p. 12905).


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