Le concept de justice climatique a été introduit dans certains textes normatifs internationaux sous l'influence du monde associatif. Les différentes conférences internationales ainsi que les Conférences des parties (COP) ont été le théâtre de la reconnaissance de ce concept lancé par la société civile. C'est par exemple au Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg de 2002 qu'une coalition d'ONG (organisations non gouvernementales) a élaboré la Charte de la justice climatique comprenant pas moins de vingt-sept principes.

La justice climatique renvoie à la notion de justice environnementale découlant de la notion de développement durable définie elle-même par le rapport Brundtland de 1987. Depuis cette date, cette notion a fait l'objet de consécrations juridiques successives. Ainsi, dans son Préambule, la Charte de l'environnement de 2004 emprunte au rapport Brundtland la formule suivante : « afin d'assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ». De fait, la notion de développement durable est reliée à l'idée de justice environnementale puisqu'elle indique la nécessité de n'exclure personne ou aucun intérêt de la prise de décisions ayant un impact sur l'environnement. Issu de mouvements populaires militants, le concept de justice environnementale incarne non seulement un mouvement social mais également un mouvement scientifique né dans les années 1980 aux États-Unis. Ce concept est animé par la nécessité « de la distribution et de l'accès aux ressources naturelles, au savoir, au pouvoir, à la représentation » ainsi que par l'impératif « d'un environnement vivant, propre et sain » .Dès lors, de manière plus ou moins importante, différents textes nationaux et internationaux ont intégré cet impératif

L'année 2018-2019 est incontestablement une année phare pour le militantisme climatique dans la mesure où il développe des démarches innovantes. La jeunesse, pont entre les générations actuelles et les générations futures, s'implique à sa manière pour que son avenir et celui des plus jeunes ne soient pas compromis par la passivité des États dans la lutte pour le climat. Au même titre que des militants adultes, les jeunes entendent dénoncer l'inactivité des institutions, par la multiplication des grèves scolaires, le plus souvent le vendredi. Durant la même période, la France a également connu l'apparition du recours climatique militant devant le juge administratif. De manière inédite, en France, la commune de Grande-Synthe, qui subit les méfaits du réchauffement climatique, ainsi que son maire, Damien Carême, ont introduit deux recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État. « L'Affaire du siècle », constitue un autre aspect de l'action juridictionnelle de l'activisme climatique. Ce terme générique désormais hautement médiatique est connu pour désigner le recours intenté devant le juge administratif en décembre 2018 par quatre ONG (Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme, Greenpeace, Oxfam et Notre affaire à tous).

Ces événements font écho à un mouvement plus large. Le continent européen connaît actuellement la multiplication des contentieux climatiques engagés contre des États, que ce soit en Allemagne, en Belgique, en Irlande ou encore au Royaume-Uni. L'affaire Fondation Urgenda jugée par la cour d'appel de La Haye le 9 octobre 2018 constitue l'un des exemples phares du moment en matière de recours climatique devant le juge administratif. Ce contentieux national tranché par le juge néerlandais pourrait bien être en passe de se développer en Europe et plus particulièrement en France. À ce titre, cette affaire est tout à fait intéressante en ce qui concerne les fondements qui ont été retenus par le juge pour condamner l'État des Pays-Bas. Dans cette décision, le juge s'est appuyé sur le devoir de diligence (duty of care) pour conclure à la responsabilité de l'État intimé.

S'il est encore un peu tôt pour parler de contentieux administratif climatique en France, l'accumulation des jugements dans un grand nombre de juridictions européennes invite à souligner l'apparition d'une justice climatique européenne. Le premier rapport annuel du Haut conseil pour le climat rendu le 26 juin 2019 et relatant un retard important de la France dans la mise en oeuvre de ses objectifs de réduction d'émission de gaz à effet de serre (GES), fait écho aux revendications des requérants climatiques. Ces modes d'action militante renouvelés mettent en relief les caractéristiques du procès climatique. Ainsi, le procès climatique a fait émerger une justice à la fois dialogique et intergénérationnelle.