Le 21 juillet dernier, une dizaine de personnes investissait la Mairie de Lyon sous le regard des caméras de télévision, pour décrocher le portrait du Président de la République dans le but avoué d’interpeller le Gouvernement sur la question climatique. Le 16 septembre 2019, le Tribunal correctionnel de Lyon prononce la relaxe.

Le décrochage de portrait du Président de la République n’est pas un fait isolé. Boug en Bresse, Lyon, Strasbourg, Paris… Depuis le lancement de sa campagne de désobéissance civile « Décrochons Macron », le mouvement Action Non Violente-COP21 revendique la « réquisition » de 128 portraits officiels du président.

Les prévenus sont tous poursuivis pour des faits de « vol en réunion». Défini par l’article 311-1 du Code Pénal comme « la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui », le vol simple est puni de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende.
Le jugement du Tribunal correctionnel de Lyon rompt avec la position antérieure de la jurisprudence, tant sur la décision de relaxer les prévenus que sur les motifs avancés par le Tribunal.

C’est la première fois qu’une relaxe est prononcée dans une affaire de décrochage de portraits du Président de la République, mais plus que la relaxe, c’est bien la motivation avancée par le Tribunal qui retient l’attention. En effet, si la matérialité de l’infraction est bien relevée par le Tribunal, est également retenu le défaut de l’Etat pour légitimer l’invention de « nouvelles formes de participation dans le cadre d’un devoir de vigilance critique » :
« Face au défaut de respect par l’Etat d’objectifs pouvant être perçu comme minimaux dans un domaine vital, le mode d’expression des citoyens en pays démocratique ne peut se réduire aux suffrages exprimés lors des échéances électorales mais doit inventer d’autres formes de participation dans le cadre d’un devoir de vigilance critique ».

Certains éditorialistes parlent d’un jugement « politique » qui s’affranchirait du droit mais n’évoquent pas « l’état de nécessité » auquel la motivation semble fait référence. Une discussion sur la caractérisation de ce fait justificatif aurait pourtant été pertinente.

L'état de nécessité s'entend de la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte défendu par la loi pénale. Ainsi, en vertu de l’article 122-7 du Code pénal : « n'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

Le juge fait bien mention à l’actualité du danger que représente l’inaction contre le changement climatique, ainsi qu’à la proportionnalité des moyens employés par les prévenus.
Le juge offre bien ici une lecture juridique fondée sur la lettre de notre droit pénal. Reste à savoir si cette caractérisation de l’état de nécessité sera reprise ou étendue postérieurement par les juridictions. En effet, ce raisonnement avait été écarté par la Cour de Cassation s’agissant des « faucheurs » s’agissant d’alerter sur la question des OGM:
« Les « faucheurs volontaires » ne peuvent utilement exciper de l'état de nécessité pour justifier leurs actions de destruction volontaire du bien d'autrui. La Charte de l'Environnement ne peut être invoquée pour fonder l'existence d'un état de nécessité. »

Texte intégral du jugement et sources
https://reporterre.net/IMG/pdf/de_crocheurs-jugement_lyon_16_fe_vrier_2019_v_1.pdf
AJDA / Tribunal de grande instance de Lyon 16 septembre 2019 — AJDA 2019. 1781 — 23 septembre 2019
L'état de nécessité ne vaut pas pour les faucheurs volontaires – Cour de cassation, crim. 7 février 2007 – AJ pénal 2007. 133