Les juges instructeurs du tribunal de grande instance de Paris viennent d’ordonner un non-lieu dans l’affaire du crash du vol Air France.

Dans une ordonnance datée du 29 août 2019, les magistrats instructeurs, se basant sur des fautes de pilotage, ont indiqué ne pas avoir retenu de charges suffisantes contre Airbus et Air France, mises en examen en 2011 pour « homicides involontaires ».

Cette décision prend à contre-pied les réquisitions du parquet, qui avait écarté la responsabilité d’Airbus et demandé le renvoi en correctionnelle de Air France.
Le ministère public estimait notamment qu’Air France n’avait pas délivré une information suffisante à ses équipes sur les procédures à suivre en cas de givrage des sondes Pitot, destinées à mesurer la vitesse et à aider à maintenir l’appareil dans son domaine de vol. Cela constituerait une négligence et une imprudence de la part de Air France. Cette anomalie des sondes serait, selon le ministère public, le point de départ du crash le 1er juin 2009.

Les juges d’instruction ont récusé cette thèse. Pour eux, ce crash « s’explique manifestement par une conjonction d’éléments qui ne s’était jamais produite, et qui a donc mis en évidence des dangers qui n’avaient pu être perçus avant cet accident ». Ils ajoutent que les investigations, qui ont visé à rechercher s'il était possible d'imputer à Air France ou à Air Bus une responsabilité indirecte dans ce crash, "n'ont pas conduit à caractériser un manquement fautif d'Airbus ou Air France en lien avec les fautes de pilotage à l'origine de l'accident".

Cette décision intervient après plusieurs rapports d’expertise.
En effet, depuis ses débuts, l'enquête a donné lieu à une bataille d'experts pour établir les responsabilités dans les dysfonctionnements ayant provoqué le crash de l'appareil.
En 2012, la première expertise avait pointé du doigt à la fois des défaillances de l'équipage, des problèmes techniques et un déficit d'information des pilotes en cas de givrage des sondes fabriquées par Thales, malgré une recrudescence d'incidents antérieurs signalés à Airbus.
Airbus se sentant directement visé dans ce rapport, avait alors sollicité une contre-expertise, qui mettait surtout l'accent sur une "réaction inappropriée de l'équipage et les manquements d'Air France.

La jugeant trop favorable à Airbus, des proches des victimes et Air France avaient attaqué le rapport devant la cour d'appel de Paris, qui avait ordonné son annulation et la réouverture de l'enquête.

La dernière contre-expertise, remise en décembre 2017, a de nouveau suscité l'indignation des parties civiles. Les experts y réaffirmaient que la "cause directe" de l'accident "résulte des actions inadaptées en pilotage manuel" de l'équipage. C’est sûrement de cette dernière contre-expertise qu’est venu le salut d’Airbus dans cette procédure.

Quoi qu’il en soit, cette affaire reste loin d’être terminée.

Les parties civiles pourraient bien se prévaloir des failles de sécurité relevées par les différents experts pour créer un revirement. La difficulté reviendrait surtout à établir un lien entre ces défaillances potentiellement techniques mais surtout humaines, et la responsabilité pénale d’Air France.