La mise en place d’un diagnostic de performance énergétique s’est inscrite dans un mouvement de verdissement de l’immobilier souhaité par le gouvernement. Ainsi, la performance énergétique des bâtiments doit être pris en considération comme un élément de valorisation de l’immeuble ou comme une « valeur verte, élément de négociation du prix », selon les propres termes de Monsieur Benoist APPARU, secrétaire d’état chargé du logement. Cet outil a également pour but d’inciter les professionnels du bâtiment et les particuliers au recours aux énergies renouvelables ou encore à l’amélioration de l’isolation des bâtiments. Le diagnostic de performance énergétique, vecteur d’information à l’intention du locataire ou acquéreur d’un bien immobilier, est cependant un outil dont l’efficacité est contestée. Nous tenterons après avoir resituer le contexte de son entrée en vigueur, de comprendre en pratique pourquoi l’obligation d’affichage et de délivrance n’est pas respectée et comment il serait possible de remédier à cette carence.

I. La mise en place du diagnostic de performance énergétique

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est issu de la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004 et est régi par les L 134-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation et L271-4 du même Code. Ce sont la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 et un décret publié le 30 décembre 2010 qui sont venus compléter ce régime en précisant les conditions d’affichage suivant le type de support.
Le DPE se définit conformément à l’article L 134-1 du CCH comme un « document qui comprend la quantité d'énergie effectivement consommée ou estimée pour une utilisation standardisée du bâtiment ou de la partie de bâtiment et une classification en fonction de valeurs de référence afin que les consommateurs puissent comparer et évaluer sa performance énergétique ».
Pour des annonces publiées dans la presse, à compter du 1er janvier 2011, il est indiqué la classe de performance énergétique du bien immobilier, avec un lettre allant de A à G (article L 134-4-3 du CCH). Pour les annonces affichées dans les agences immobilières et sur internet, est également indiqué outre la classe de performance énergétique, l’étiquette énergétique avec la consommation d’énergie. Enfin, à partir du 1er janvier 2013, les DPE de bâtiments neufs devront mentionner les émissions de gaz à effet de serre du bien.

L’article L 271-6 du CCH indique que le DPE doit être accompagné de recommandations destinées à améliorer cette performance et précise les qualités que doit présenter le diagnostiqueur. Ainsi, le DPE doit être établi par une personne compétente et disposant de « moyens appropriés » devant souscrire une assurance permettant de couvrir les éventuelles actions en responsabilité pouvant être engagées à son encontre. Pour le DPE réalisé à l’intention du public, il peut être réalisé par un agent de la collectivité publique ou de la personne morale occupant le bâtiment.

Le débiteur de cette obligation de production du DPE incombe ainsi au bailleur ou au vendeur dès l’annonce de mise en location ou en vente de son bien puisqu’il doit tenir le DPE à la disposition de tout candidat acquéreur ou locataire. Relevons qu’avant la loi de 2010, le bailleur ou vendeur ne produisait ce document qu’à la demande du locataire ou de l’acquéreur. Quant à l’obligation d’affichage, le débiteur de cette obligation est le professionnel de l’immobilier.

Pour certaines situations, le diagnostic de performance énergétique n’est toutefois pas à fournir. Il s’agit des constructions provisoires (dont l’utilisation est inférieure à deux ans), des bâtiments de moins de 50 m2, des bâtiments à usage agricole, artisanal ou commercial nécessitant une faible quantité d’énergie pour le chauffage ou le refroidissement, et enfin, les bâtiments historiques et lieu de culte. Toutefois, la loi Grenelle II a reconnu l’application du DPE aux baux commerciaux, affirmation pour laquelle il existait des doutes.

Enfin, pour compléter le régime du DPE, il est primordial de souligner que les sanctions dédiées à cet outil sont faibles. En effet, les informations contenues dans le DPE ne sont pas opposables par le locataire au bailleur. Une des raisons est que le Parlement a en effet estimé que ces informations reposant sur des consommations réelles, mais fonction du comportement des occupants et de la composition du ménage ou de la consistance de l’entreprise, ou estimées en fonction de calculs théoriques, ne peuvent être opposables.

Ainsi, le caractère purement informatif du DPE ne lui permet de remplir son rôle incitatif et cela a pour conséquence en pratique une mise en œuvre non uniforme du DPE.

II. Une mise en œuvre du diagnostic de performance énergétique difficile

L’association nationale de consommateurs et d'usagers (CLCV), après avoir réalisé une enquête, pointe du doigt un non respect des obligations d’affichage du DPE. En effet, l’association annonce que sur près de 15 000 annonces immobilières récences pour le sondage, 40% d’entre elles n’indiquent pas la performance énergétique du bâtiment et que seuls 20% des professionnelles testés précisent ces informations. Quant aux résultats sur internet, 20% seulement des offres consultées respectent ces obligations.

L’association nationale des consommateurs et d’usagers regrette que les professionnels soumis à cette obligation ne l’aient pas anticipée ; en effet, l’obligation est connue depuis juillet 2010 et n’est rentrée en vigueur qu’en janvier 2011. Ensuite, l’association relève que l’absence de sanction quant au non respect de ces obligations n’incite pas les professionnels à s’y conformer. Plus gênant encore, pour elle, la principale conséquence de cette carence est une mauvaise information du consommateur, ici locataire ou acquéreur d’un bien immobilier.

Notons également que la compétence des diagnostiqueurs pose également question. En effet, une autre association de protection des consommateurs s’est penchée sur le sujet. L’association UFC - Que Choisir dans une étude parue le 21 février 2011 relève des écarts flagrants dans le classement des bâtiments diagnostiqués, cet écart pouvant aller jusqu’à trois classes différentes pour un même bien.

Encore une fois, c’est bien le futur acquéreur ou locataire d’un logement qui en pâtira puisque cet différence de diagnostic peut entrainer un écart de 1 000 à 1 800 euros par an sur sa facture énergétique. De plus, n’oublions pas que l’information contenue dans le DPE conditionne aujourd’hui le montant du nouveau prêt à taux zéro.

Outre l’absence d’homogénéité dans le respect de l’obligation l’affichage du DPE, le souci majeur est bien l’absence de force contraignante de l’outil. S’agissant de l’obligation d’affichage, le secrétaire d’état chargé du logement avait indiqué que le non respect de l’obligation d’affichage s’apparentait au dol, puisque l’acquéreur devra prouver la dissimulation d’une information qui aurait pu le conduire à acheter ou à faire baisser le prix. Pourtant, en pratique on sait que la mise en place de sanction est délicate.

Dans les rapports contractuels, la seule sanction est éventuellement l’impossibilité d’exonération de la garantie des vices cachés en cas de non remise du document pas le bailleur ou le vendeur. Mais en aucun cas le contenu même de ce document pourra leur être rendu opposable. Ainsi, le risque encouru par le bailleur ou le vendeur n’est pas suffisant pour qu’ils remplissent convenablement leur obligation. Quant aux autres acteurs, le système semble encore insuffisant. Le consommateur se trouve donc ainsi bien démunie dans l’hypothèse où les informations contenues dans le DPE, qui peuvent être déterminantes de son choix de vente, se révèlent inexactes.

III. Un renforcement nécessaire du diagnostic de performance énergétique

Les associations de protection des consommateurs, qui constatent une carence dans l’application du DPE, préconisent des sanctions pour renforcer l’obligation de production de ce diagnostic et l’obligation d’affichage. Le gouvernement réfléchit par ailleurs sur le sujet.

Une des pistes mise en avant par l’association CLCV serait de prévoir une amende par infraction constatée (contravention de 1ère classe) ou encore de mettre en place une commission nationale qui serait chargé de constater les manquements professionnels des acteurs.

L’association UFC – Que Choisir quant à elle demande un renforcement du cadre juridique du DPE et l’opposabilité du dispositif de production du DPE afin d’armer les locataires et les acquéreurs d’une action sur le fondement de cette obligation. Ensuite, elle appelle à l’alignement des sanctions du DPE avec les autres diagnostics à fournir en cas de vente. Ainsi, comme pour l’état des risques naturels et technologiques, on pourrait s’attendre à une action en résolution du contrat ou à une demande de diminution du prix. Pour les autres documents à fournir dans le dossier de diagnostic technique, la sanction prévue par l’article L 271-4 II du CCH est l’impossibilité pour le vendeur de s’exonérer de la garantie des vices cachés.

Outre la volonté de règlementer au mieux les rapports contractuels, il ne faut pas oublier que la réglementation sur le DPE peut représenter une source de responsabilité pour d’autres intervenants tels que les diagnostiqueurs. En effet, une action en responsabilité délictuelle contre les diagnostiqueurs n’est pas à écarter, encore faudra-t-il démontrer l’existence d’un préjudice indemnisable.

Les diagnostiqueurs de leur côté expliquent la difficulté de leur mission en indiquant n’être responsables que d’une obligation d’information et non de garantie des vices cachés, tout en étant capable de les déceler. Alors même qu’ils reconnaissent l’insuffisance du dispositif mis en place, Sylvain COOPMAN, Directeur de la chambre de diagnostiqueurs n’hésitant pas à parler de « diagnostic de complaisance », ils s’inquiètent de la pression supplémentaire pouvant peser sur eux à terme, si la possibilité de déclarer nul un acte était affirmée. Par ailleurs, la fédération interprofessionnelle des diagnostiqueurs immobiliers (FIDI) indique que la pression sur les diagnostiqueurs s’est accrue depuis le mois de janvier, notamment car le classement énergétique est une condition de l’obtention du l’éco PTZ+. Ils préconisent pour éviter les écarts constatés d’afficher la valeur et non le classement par lettre, mais également de renforcer l’opposabilité du DPE, ainsi que l’harmonisation des méthodes de calcul.

A côté des règles contraignantes pouvant renforcer le régime du DPE et pouvoir incitatif, il serait également possible d’améliorer la qualité même du DPE, pour en faire un document plus fiable. Ainsi, par exemple, certaines associations proposent d’augmenter le nombre de critères retenus pour réaliser le diagnostic, afin notamment de prendre en compte les qualités intrinsèques du bâtiment comme le décompte des surfaces vitrées mais également les qualités extérieures comme l’orientation de l’immeuble.

Enfin, dans le même sens, le gouvernement préconise d’assurer un niveau minimum de formation pour les diagnostiqueurs (BAC + 3 dans un secteur relatif aux techniques du bâtiment et des certifications).

En définitive, retenons que le DPE est un outil d’information mais également le vecteur d’une politique plus générale de développement durable appliquée au bâtiment. Malgré une volonté politique forte, le DPE connaît encore aujourd’hui une application contrastée, et qui ne le rend pas totalement efficace. Le rôle des professionnels du bâtiment est grand, restons donc attentifs dans les mois qui viennent aux mesures qui pourront être prises pour renforcer la force contraignante de ce document, notamment les discussions qui ont lieu au sein du groupe de travail mis en place à ce sujet par Monsieur APPARU en octobre dernier.