Quand en 2004-2005 l’entreprise EDF devient une société anonyme cotée en Bourse, des restructurations importantes font passer Christian M., rattaché à l’antenne locale de la direction d’achat de Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), avec une simple compétence régionale, est regroupé avec l’ensemble des acheteurs à La Défense et devient incontournable.

« Il a un pouvoir facilitateur est de nuisance » rapporte la Présidente du Tribunal Correctionnel. En effet, le prévenu se faisait rémunérer par de l’argent en liquide, par des voitures, le paiement de voyages ou encore, la prise en charge de certains frais familiaux comme les frais scolaires de ses enfants ; pour donner des informations secrètes et non documentés sur les appels d’offres d’EDF. Il maquillait l’ensemble de ses manouvres par des fausses factures et d’autres fausses prestations de service.

Au-delà du retentissement de cette affaire, il convient de s’interroger successivement sur la responsabilité du prévenu pour les faits de corruption (I) ainsi que sur la responsabilité de l’entreprise EDF en tant que personne morale (II).


I - La responsabilité du prévenu pour les faits de corruption

A. L’infraction du délit de corruption

L’article 445-1 du Code pénal incrimine l’infraction de corruption en disposant que :

« Le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, à une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique, ni chargée d'une mission de service public, ni investie d'un mandat électif public exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale ou pour un organisme quelconque, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, pour qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir, ou parce qu'elle a accompli ou s'est abstenue d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles ».

1. L’élément matériel de l’infraction de corruption

En premier lieu, il convient d’observer que le code pénal n’impose pas de qualité particulière. L’auteur peut être une personne physique ou une personne morale.

Il faut également l’absence de qualité d’agent public, le cas échéant, le délit de corruption demanderait l’existence de la qualité d’agent public.

L’agent privé doit avoir une appartenance dans le cadre professionnel, ce qui est le cas dans la situation du prévenu travaillant au sein de l’entreprise EDF.

En second lieu, il faut adresser une proposition de nature corruptrice. Il s’agit en l’espèce d’obtenir une contrepartie en l’échange de l’accomplissement ou de l’inaccomplissement d’un acte relevant de ses fonctions professionnelles. En l’espèce, le cadre d’EDF proposait des informations non documentés relatives aux appels d’offres de l’entreprise EDF contre des paiements en argent liquide ou des avantages en nature.

En troisième lieu, il convient de dire que la réalisation de l’acte ou l’abstention de l’acte ne nécessite pas une rémunération antérieure, elle peut être faite à tout moment, avant ou après la réalisation ou l’abstention de l’acte.

En quatrième lieu, il faut des avantages quelconques. Non seulement l’obtention d’un bénéfice, mais aussi de la réalisation d’une économie. En l’occurrence, le prévenu a bénéficié de paiements en liquide, de voyages, de la prise en charge de frais pour ses familiers.

Enfin, il faut que la réalisation de l’acte ou son omission aient été effectués en violation des obligations contractuelles, légales ou professionnelles. En l’espèce, le mis en cause en fournissait des informations secrètes et non documentés pour que ses interlocuteurs remportent les appels d’offres de l’entreprise EDF, contre rémunération ; violait non seulement ses obligations contractuelles car les informations étaient secrètes, mais aussi légales et professionnelles.

2. L’élément moral de l’infraction de corruption

Il faut un dol général qui consiste en la volonté d’effectuer l’acte de sa fonction contre un avantage quelconque, en ayant connaissance de violer ses obligations contractuelles, légales et professionnelles.

Il faut également un dol spécial qui consiste en la démonstration que la réalisation de l’acte de corruption n’a pas seulement été un résultat mais un but. En l’espèce, le prévenu recherché à se faire rémunérer par des avantages quelconques pour les informations secrètes et non documentées qu’il fournissait en tant que cadre de l’entreprise EDF.

B. La répression de l’infraction des délais de corruption

L’infraction du délit de corruption est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 500.000 euros d’amende, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction.

D’après les éléments présentés par les enquêteurs, le prévenu aurait perçu entre 1 million d’euros ou plus, en argent liquide et en nature.

Les juges apprécieront la proportionnalité de la peine au regarde de la situation, de la personnalité et des antécédents de l’auteur conformément à l’article 132-24 du Code pénal.


II – La responsabilité de la personne morale

A. La qualification de la responsabilité de la personne morale

L’article 121-2 du Code pénal dispose que : « Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public ».

1. L’élément matériel

Pour retenir la responsabilité d’une personne morale, il faut une infraction principale. En l’occurrence, dans le cas de l’entreprise EDF, il y a bien l’infraction du délit de corruption qui est caractérisée.

En second lieu, il faut que cette infraction ait été commise par un organe ou un représentant de la personne morale. Les organes sont les personnes visés par la loi ayant le pouvoir d’agir au nom de la personne morale et d’en assurer la direction. Les représentants, sont les personnes pouvant représenter la personne morale et l’engager en vers les tiers. En l’espèce, le mis en cause n’est pas un organe, mais un représentant, en ce qu’il avait la capacité d’engager directement l’entreprise EDF par la fonction qu’il occupait, il peut être identifié précisément.

Enfin, il faut également que l’infraction ait été commise pour le compte de la personne morale ou tout le moins, ayant bénéficié à celle-ci. Dans ce cas d’espèce, l’intégralité des sommes en liquide et des avantages en nature ont été intégralement au bénéfice du prévenu et de sa famille. Il semblerait difficile d’imputer cette infraction à la personne morale qui est l’entreprise EDF.

L'élément matériel n'étant pas caractérisé, il est donc indifférent de s'attarder sur l'élément moral qui consiterait au dol génral, étant la connaissant pour le représentant de commettre une infraction pour le compte de la personne morale.

B. La répression de la responsabilité de la personne morale

Tout d’abord, il convient de dire que la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3.

La peine principalement encourue par une personne morale est forcément d’ordre pécuniaire : c’est l’amende, tant une peine de prison serait inenvisageable pour la fiction juridique qu’est une personne morale. Le montant de cette amende ne pouvant dépasser 5 fois celle encourue pour la même infraction par les personnes physiques.

Dans le cas d’un crime pour lequel aucune peine d’amende n’est prévue à l’encontre des personnes physiques, l’amende encourue par les personnes morales est de 1 million d’euros. Pour les délits et contraventions, l’amende peut être remplacée par des peines alternatives (en particulier, la sanction-réparation pour les délits et contravention de 5e classe). Ce taux est toutefois porté à 10 fois en cas de récidive.

Certains textes prévoient la possibilité d’augmenter le maximum de l’amende encourue par les personnes physiques pour un délit donné en tenant compte soit de la valeur des biens sur lesquels porte le délit, soit du profit retiré de la commission de l’infraction.

La peine principale, si le texte réprimant l’infraction le prévoit ou en cas de récidive, peut, s’accompagner d’une ou plusieurs peines complémentaires. Parmi celles-ci figurent notamment la dissolution, l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale ou encore la fermeture d’établissement.