Dans la première affaire (n°419242), la ligue nationale pour la liberté des vaccinations saisissait le Conseil d’État en vue de lui soumettre une requête d’annulation du décret n° 2018-42 du 25 janvier 2018 relatif à la vaccination obligatoire, pris en application de la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 ayant porté de trois à onze le nombre de vaccinations obligatoires : vaccination contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, les infections invasives à Haemophilus influenzae de type b, le virus de l’hépatite B, les infections invasives à pneumocoque, le méningocoque de sérogroupe C, la rougeole, les oreillons et la rubéole.
Le principal grief de la requérante porte sur l’atteinte de cette obligation légale vis-à-vis du droit à l’intégrité physique issue du droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et par le droit français ( article 9 alinéa 1 du Code civil).

La question est de savoir si l’extension de la liste des vaccins obligatoires constitue une violation du principe du respect de la vie privée de tout citoyen ?

Dans sa décision, le Conseil d’État rappelle que la loi qui étend la liste des vaccinations obligatoires a pour but d’améliorer la couverture vaccinale afin d’atteindre le seuil d’une indemnité au bénéfice de toute la population. Pour consolider sa décision, le conseil d’État relève que l’extension de la liste des vaccinations obligatoires à onze vaccins, dont huit étaient précédemment seulement recommandés ne méprise pas le droit à l’intégrité physique et au respect de la vie privée, eu égard à la gravité des maladies, de l’efficacité de ces vaccins et de la nécessité de les rendre obligatoires en vue d’atteindre une couverture vaccinale satisfaisante pour l’ensemble de la population. Mieux, le conseil ne tarit pas d’éloges par rapport à l’efficacité de certaines vaccinations dont l’efficacité selon lui, vont jusqu’à 100% pour certaines maladies. Il va jusqu’à estimer que leurs effets indésirables sont amoindris au regard de leurs efficacités et de leurs bénéfices escomptés. En d’autres termes, la haute juridiction retient de cette extension de vaccinations obligatoires une aubaine pour atteindre le niveau de couverture vaccinale escompté. Ainsi, la simple recommandation selon lui, serait insuffisante. On le voit, les juges du Conseil d’État opposant implicitement la notion d’intérêt général ( assuré par les vaccins obligatoires) à la notion de respect de la vie privée, privilégient la garantie de l’intérêt général.

Dans la seconde affaire (n°415694), la ministre des solidarités et de la santé a été saisie par 3000 requérants, d’une demande de prise de mesure interdisant aux fabricants de vaccins l’utilisation de sels d’aluminium comme adjuvants pour les vaccins obligatoires et les obligeant à mettre sur le marché ces vaccins obligatoires mais dépourvus d’aluminium comme adjuvant. Ceux-ci soutiennent que ces sels d’aluminium provoqueraient des maladies auto-immunes ou l’autismes sur les patients.
Le Conseil d’État ne l’entend pas de cette oreille. Comme c’est souvent le cas en matière de responsabilité médicale ; depuis l’arrêt Mercier (fondement de la responsabilité pour faute des praticiens), la preuve du lien de causalité entre l’administration du vaccin et l’apparition des symptômes doit être démontrée par le demandeur. La haute juridiction n’a pas dérogé à cette règle en l’espèce.

Par sa décision n° 415694, le conseil d’État précise qu’aucun lien de causalité n’a pu être établi, à ce jour, entre les sels d’aluminium présents dans huit vaccins obligatoires et les maladies auto-immunes ou l’autisme. Il rappelle encore une fois l’efficacité de ces vaccins dans la prévention des maladies infectieuses graves, pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Il estime qu’une baisse de la couverture vaccinale entraînerait de graves risques de réapparition de telles maladies. In fine, la haute juridiction estime qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, les sels d’aluminium s’avèrent indispensables à l’efficacité des vaccins. Le conseil estime aussi que l’on utilise ces produits depuis longtemps (depuis 1926) sans qu’aucun défaut ne soit détecté ; et qu’on ne pourraient guère les remplacer dans l’immédiat.
Autrement dit, le conseil d’État juge que les autorités sanitaires ont pu légalement refuser de retirer les vaccins obligatoires contenant des sels d’aluminium destinés à favoriser la réponse immunitaire, qui présentent un rapport entre bénéfices et risques favorables.