Condamnation d’une société pour homicide involontaire et à la fois pour infractions aux règles de sécurité par une décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 9 avril 2019, et absence de violation du principe Non bis in idem en présence d’un cumul de responsabilité pour homicide involontaire et infraction à la législation sur la sécurité des travailleurs.



N’a pas méconnu le principe Non bis in idem une cour d’appel qui a déclaré une société coupable à l’égard du même salarié, à la fois du délit d’homicide involontaire et d’infraction à la règlementation relative à la sécurité des travailleurs ; en effet, ne procèdent pas de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable, d'une part, les atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité des personnes commises par la violation d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, d'autre part, les délits ou contraventions qui sanctionnent le non-respect de ladite obligation.



Une société peut être condamnée pour homicide involontaire et pour infractions aux règles de sécurité, sans que les juges méconnaissent le principe de non bis in idem.


En l’espèce, un scaphandrier professionnel, recruté, auprès d’une société de travail intérimaire, le 8 juillet 2008, par une société, dont le directeur du département des travaux subaquatiques était titulaire d’une délégation de pouvoir en matière de sécurité.

La mission du scaphandrier consistait à effectuer des travaux de découpe d’un navire réformé de la marine qui, ayant sombré dans le port de Marseille, constituait un danger pour la navigation et était facteur de pollution du fait de dégagements d’hydrocarbures. Ce dernier a été tué par une explosion alors qu’il assurait la découpe d’un élément de la coque de l’épave avec une pince Broco.



La Cour de cassation retient, en effet, que si plusieurs intentions peuvent être caractérisées à partir de l’action unique, la solution du cumul de qualification s’impose.


Le Tribunal correctionnel saisi des faits a condamné la société employeur ainsi que le délégataire de pouvoir pour homicide involontaire et infractions à la règlementation sur la sécurité des travailleurs.
Le délégataire de pouvoirs est coupable du chef d’homicide involontaire par la réalisation d’une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, l’arrêt a retenu, notamment, que le délégataire, dont le parcours professionnel lui permettait d’apprécier les différents risques encourus à l’occasion du démantèlement subaquatique d'un navire, n'avait pas pris en compte, afin de réduire le délai d’exécution des travaux, la totalité des risques liés à l'utilisation du matériel spécifique de découpage de l’épave, en particulier, en n’ayant pas connaissance des plans de cette dernière dans leur intégralité et en n’ayant pas fait procéder aux opérations de dépollution préalables malgré la présence d’importantes quantités d’hydrocarbures répartis en des emplacements indéterminés du navire, de sorte que le plan particulier de sécurité et de protection de la santé n’avait pas envisagé l’hypothèse de produits contaminés piégés dans des compartiments aveugles.



Selon les juges, le prévenu avait décidé que la localisation des hydrocarbures serait réalisée en fonction de l'état d'avancement des travaux, sans faire bénéficier les plongeurs d’une information relative à la possible présence de grandes quantités de ces substances non altérées ou de matériaux imbibés par ces dernières, en sorte que ces travailleurs pouvaient provoquer une explosion d'hydrocarbures immobilisés derrière les parois soumises aux opérations de découpe qu’ils pratiquaient. Enfin, si le recours au matériel de découpe utilisé avait pu être retenu, il aurait été nécessaire de mettre en œuvre les procédures utiles de nature à permettre aux plongeurs d'apprécier les situations rencontrées afin d’éviter tout risque.

S’agissant de la faute du délégataire, les Hauts magistrats retiennent que la cour d’appel a justifié sa décision. Il se déduit en effet que le prévenu a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer.

En outre, parmi les règles de sécurité dont la violation fonde la condamnation de la société il y a notamment :
- Le défaut de mise en place de mesures et de moyens de prévention appropriés (R.4412-17 du Code du travail) : en raison de l’utilisation inadéquate de la pince Broco. En effet il restait encore 200 litres d’hydrocarbures à un endroit indéterminé du navire et la pince Broco utilisée pour découper les parois de l’épave exposait les salariés à un risque d’explosion. Pour éviter ce risque il aurait fallu soit procéder à des opérations de dépollutions préalables, soit recourir à une autre méthode de travail, par exemple le perçage à froid.


- L’absence de formation renforcée pour les salariés temporaires (L.4154-2 CT) : la victime, travailleur intérimaire, n’a eu aucune formation à la sécurité à son arrivée.



- Le défaut de formation à la sécurité relative aux conditions d’exécution du travail (R.4141-13 CT) : les plongeurs n’étaient pas « briefés » sur la sécurité et se mettaient directement au travail et aucune information ne leur avait été donné ni sur le risque présenté par la possible présence d’hydrocarbures non détériorés, de surcroît pouvant être piégés dans des compartiments fermés, ni sur le comportement à adopter en ce cas.