Valérie Cabanes, juriste internationale, expliquait la nécessité de la reconnaissance du crime d’écocide dans le droit français face à l’urgence environnementale. La proposition de loi au Sénat, visait à faire inscrire le crime d’écocide dans le Code pénal. En son article 1, est défini l’écocide comme «le fait de porter atteinte de façon grave et durable à l’environnement et aux conditions d’existence d’une population». Un crime punissable de 20 ans de réclusion criminelle et de 7.500.000 euros d’amende.


L’écocide c’est l’idée de reconnaître un cinquième crime international contre la paix et la sécurité humaine qui soit le fait de détruire la viabilité du système terrestre. Concrètement, l’écocide porte atteinte à la sûreté de la planète par la destruction ou l’endommagement grave de son système écologique. On propose que cela soit reconnu comme un crime grave car il s’agit d’un crime contre les générations futures et d’une manière générale d’une atteinte à la vie telle qu’on la connaît aujourd’hui. Le changement climatique et l’érosion de la biodiversité nous conduisent vers un monde où tout devient beaucoup moins sûr pour l’humanité et de façon générale pour toutes les espèces vivantes sur terre.


L’écocide a déjà été reconnu dans la législation d’autres pays notamment au Vietnam et également en Russie, dans huit ex-républiques de l’URSS, à chaque fois pour des raisons différentes. Au Vietnam, c’est en lien avec l’usage de l’agent orange par l’armée américaine durant la guerre. Ils ont voulu signifier que quand on détruisait un environnement, on détruisait les conditions de vie et la santé des générations présentes et futures. Les Vietnamiens ont appelé la guerre du Vietnam la «guerre des non nés» des enfants naissent avec de graves malformations en lien avec la pollution des sols et des cultures à la suite de l’usage de ce défoliant pendant la guerre du Vietnam.
Dans l’ex-URSS, c’était en lien avec les essais nucléaires au Tadjikistan. Ensuite, il y a le pendant en droit public qui est le fait de reconnaître des droits aux éléments de la nature et donne donc la possibilité aux citoyens, aux associations de pouvoir défendre en justice la valeur intrinsèque de la nature. On le retrouve soit dans des Constitutions comme celle de l’Équateur ou de la Bolivie, soit dans législations municipales de deux villes au Brésil et une trentaine de villes aux États Unis afin de stopper des projets industriels par exemple.



En France, c’est la première fois qu’un juge reconnaît la valeur intrinsèque d’un écosystème. Maitre Laurent Neyret a contribué à faire émerger la notion de préjudice écologique notamment lors du procès du pétrolier l’Erika, responsable en 1999 d’une marée noire causant des dommages sur 400km de côtes. Mais le préjudice écologique n’est pas jugé en droit pénal, il n’est pas reconnu comme un crime. Il va être une forme de constat, utilisé par le juge lors d’une catastrophe écologique pour sanctionner d’une amende des entreprises. Mais il n’y aura pas de responsabilité pénale ou de responsabilité individuelle qui va pouvoir être invoquée devant le juge.
L’intérêt du crime d’écocide est d’inclure d’autres concepts juridiques plus larges et de pouvoir faire stopper des activités industrielles vraiment dangereuses qui ne respectent pas les limites de la planète et qui conduisent vers une déforestation massive, vers une pollution globale des sols, vers une érosion de la biodiversité, vers des catastrophes climatiques de plus en plus graves. L’écocide ne concerne pas des dégâts environnementaux localisés et très ponctuels, cela concerne des dégâts qui ont une incidence qui est transfrontalière et au-delà de la souveraineté d’un seul État ou d’un seul territoire. Il est important que l’écocide soit reconnu à l’image des éléments moraux du crime dans les statuts de la Cour pénale internationale: avec une intention de nuire mais également une connaissance des conséquences de ses actes ou de ses décisions.




Le texte présenté au Sénat définissait l’écocide comme le fait « porter atteinte de façon grave et durable à l’environnement et aux conditions d’existence d’une population, en exécution d’une action concertée tendant à la destruction ou à la dégradation totale ou partielle d’un écosystème, en temps de paix comme en temps de guerre ».
Le document prévoyait des sanctions dissuasives : une peine de réclusion criminelle de vingt ans, 7,5 millions d’euros d’amende ainsi que l’imprescriptibilité, comme elle est déjà prévue par le code de procédure pénale pour les génocides et les crimes contre l’humanité. Mais il s’est vu notamment reprocher son manque de clarté sur le caractère intentionnel ou non des infractions visées.
Les Sénateurs ont rejeté l’adoption du texte selon plusieurs arguments notamment le fait que la France à elle seule ne peut pas « s’ériger en gendarme du monde », et qu’elle dispose déjà actuellement « d’un arsenal robuste et qu’au niveau international, le Président de la République œuvre déjà en faveur du pacte mondial pour l’environnement ».
En outre, il est souligné le manque d’accessibilité et de lisibilité, le quantum des peines généralement peu dissuasif par rapport aux profits réalisables par les auteurs d’infractions environnementales et la frilosité des juges. Selon la juriste internationale Valérie Cabanes ce projet de loi est une forme d’« amateurisme » dans la démarche du groupe socialiste qui n’a pris en compte aucun des amendements qu’elle lui a proposés. « Cette proposition de loi était si mal ficelée qu’elle donnait à la droite toute latitude pour la rejeter sans avoir à en débattre sur le fond », juge-t-elle.
De plus les infractions qu’il vise relèvent plutôt du droit pénal international », a-t-elle noté. Mais la Cour pénale internationale ne juge aujourd’hui que les quatre « crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de l’humanité » : génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre et crime d’agression.
Malgré le rejet de cette proposition de loi, ce texte fait avancer la notion d’écocide, et en 2018, une mission conjointe de l’Inspection générale de la justice et du Conseil général de l’environnement et du développement durable a été lancée afin d’améliorer l’application du droit de l’environnement en France. Parmi les pistes étudiées, un renforcement de la formation des magistrats et une spécialisation des juridictions dans la protection de l’environnement et de la biodiversité.

Les conclusions devraient être dévoilées en septembre