Le principe de précaution a été introduit en droit français à l’article L. 110-1 du code de l’environnement par la « loi Barnier » du 2 février 1995 (n° 95-101) :
" Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable. "


Ce principe de précaution a pleinement valeur constitutionnelle puisqu’il se trouve à l’article 5 de la Charte de l’environnement : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. "


Trois conditions cumulatives sont nécessaires afin d’invoquer le principe de précaution :

- Il faut être en présence d’une incertitude scientifique pesant sur la réalisation d’un dommage ;
- Il faut démontrer la gravité du dommage ;
- Il faut démontrer l’irréversibilité du dommage.


Dans cette affaire, le Ministre chargé de l’énergie a, par arrêté du 28 mars 2017, déclaré d’utilité publique un ouvrage de transport d’électricité s’inscrivant dans le cadre d’un projet de parc éolien en mer situé au large de la commune de Saint-B. (Bretagne).

Cet arrêté a fait l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif de Rennes, lequel a, en application des dispositions de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, transmis la requête au Conseil d’Etat, par ordonnance du 26 juin 2017.

En premier lieu, sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution, le Conseil d’Etat rappelle qu’une opération qui méconnaît les exigences du principe de précaution ne peut légalement être déclarée d’utilité publique.

La Haute juridiction revient ensuite sur ces exigences du principe de précaution.

Dans un premier temps, il appartient à l’autorité compétente de l’Etat, saisie d’une demande tendant à ce qu’un projet soit déclaré d’utilité publique, de « rechercher s’il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé » qui justifieraient l’application du principe de précaution.

Dans un second temps, si cette condition est remplie, il lui incombe de :

- Veiller à la mise en œuvre de procédures d’évaluation du risque identifié ;

- Vérifier, compte tenu de la plausibilité et de la gravité du risque ainsi que de l’intérêt de l’opération, que les mesures de précaution prises afin d’éviter la réalisation du dommage ne soient ni insuffisantes, ni excessives.

Dans un troisième temps, il appartient au juge, lorsqu’il est saisi de conclusions à l’encontre d’une telle déclaration d’utilité publique, de :

- Vérifier que l’application du principe de précaution est justifiée ;
- S’assurer de la réalité des procédures d’évaluation du risque mises en œuvre ;
- Vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures de précaution.

Le Conseil d’Etat relève qu’en l’espèce, il existe un risque de leucémies infantiles " suffisamment plausible en l’état des connaissances scientifiques " justifiant l’application du principe de précaution.
Cependant, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution va être écarté au motif que les mesures prises par le porteur de projet " ne peuvent être regardées comme manifestement insuffisantes pour parer à la réalisation du risque allégué ".

En effet, il ressortait des pièces du dossier que le tracé retenu pour le projet correspond au " fuseau de moindre impact ", que " la liaison souterraine n’émet pas de champ électrique " en raison des précautions prises et qu’enfin, RTE est tenu de mettre en place un « dispositif pertinent de surveillance et de mesures des ondes électromagnétiques dans le cadre d’un plan de contrôle et de surveillance ».

Dès lors, le Conseil d’Etat valide le choix des mesures de précaution mises en place et juge que l’opération ne méconnait pas les exigences du principe de précaution.

En ce qui concerne l’utilité publique du projet, le Conseil d’Etat rappelle qu’une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d’ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l’environnement et l’atteinte éventuelle à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.

La Haute juridiction relève qu’au cas d’espèce, le projet en cause s’inscrit dans le cadre de la réalisation d’un parc éolien d’ampleur et contribue ainsi à la politique énergétique, en préservant " la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre et contre les risques industriels majeurs, en réduisant l'exposition des citoyens à la pollution de l'air".

De plus le Conseil d’Etat précise que le projet a également vocation à " diversifier les sources d’approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles, diversifier de manière équilibrée les sources de production d’énergie et augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale ". Et il retient enfin que le projet déclaré d’utilité publique contribue, entre autres, à " l’objectif de porter la production d’énergies renouvelables en Bretagne à 3600 Mégawatts à l’horizon 2020, dont 100 Mégawatts d’éolien en mer ". Dès lors, il est jugé que l’opération présente un intérêt général, en application des articles L. 100-1 4° et L. 100-2 3° du code de l’énergie.