Pour rappel, le 7 juillet 2017, la cour de cassation a cassé et annulé un premier arrêt du 10 septembre 2015 de la cour d’appel de Lyon, par lequel cette dernière a déjà retenu la responsabilité du producteur d’herbicide. La cour de cassation faisait grief à la cour d’appel de Lyon d’avoir statué sur le fondement de l’obligation de sécurité de résultat prévu par l’article 1240 du code civil alors qu’elle devrait plutôt statuer sur la responsabilité du fait des produits défectueux de l’article L.1245 du code civil.

Pour écarter le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, la cour d’appel avait jugé que la date de mise en circulation de l’herbicide qui selon elle, serait la date d’autorisation de mise sur le marché, 1968, est antérieure à la date d’entrée en vigueur de la directive européenne consacrant la responsabilité pour fait des produits défectueux. Sur ce point, la cour de cassation rebondit en décidant que la date de mise en circulation ne résulte pas de la seule autorisation de mise sur le marché mais aussi de la date d’acquisition de l’herbicide par la victime soit 2002 qui selon elle, est postérieure à la directive européenne.
Par conséquent, le régime spécial de la responsabilité du fait des produits défectueux est bel et bien applicable en l’espèce.
C’est à la suite de cette décision de cassation que la cour d’appel de Lyon s’est saisie à nouveau de l’affaire et s’est donc fondée sur le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux suite à sa vérification de la date de mise en circulation qui est bien postérieure à la date d’entrée en vigueur de loi du 19 mai 1998.

Par le même biais, la cour d’appel de Lyon précise qu’en vertu de la directive européenne de 1985, un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi volontairement, la mise en circulation n’est pas l’autorisation de mise sur le marché, qu’enfin, la mise en circulation correspond à l’entrée dans le processus de commercialisation, étant entendu que pour les produits fabriqués en série, la date de mise en circulation correspond à la date de commercialisation du lot dont ils faisaient partie.
Il faut concéder que cet arrêt nous rappelle les contours de la notion de la mise en circulation du produit qui est à la fois importante et complexe dans la détermination de la responsabilité du producteur, de la prescription décennale que de l’exonération du producteur de toute responsabilité. En outre, cette décision nous rappelle aussi la nécessité de distinguer produit dangereux de produit défectueux.


• Sur le défaut d’étiquetage.

A titre laminaire, la cour d’appel rappelle qu’il ne faut nullement confondre la notion de produit dangereux et la celle de produit défectueux.
Ensuite, elle précise que le produit du fait d’un étiquetage insuffisant ne respecte pas la réglementation applicable (article 1245 du code civil).
Ainsi, ce produit n’offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre . Et qu’il importait peu que l’utilisateur soit ou non un professionnel averti.

En clair, à l’analyse de la décision de la cour d’appel, on comprend que celle-ci considère que l’étiquetage entrait dans le devoir d’information qui incombe à tout producteur. Ainsi le défaut à cette obligation rendrait le produit défectueux.
Mieux, la cour d’appel rappelle in fine une position traditionnelle de la cour de cassation et de la cour de justice de l'union européenne (CJUE) qui consiste à engager la responsabilité du producteur en dépit du fait que la victime soit un professionnel, un professionnel averti ou un particulier. C’est une confirmation sans l’ombre d’aucun doute de la toute la puissance du devoir d’information qui incombe au producteur.
Par ailleurs, la cour d’appel s’attarde sur la question du préjudice subi ;

• Sur le préjudice subi : rapport direct ou indirect entre les manifestations et l’inhalation de l’herbicide.

Selon la cour d’appel de Lyon, grâce à l’expertise diligentée dans cette affaire, on est parvenu à éliminer toute probabilité et à établir que « l’ensemble des manifestations dont se plaint la victime, ont un rapport indirect avec l’intoxication mais direct avec l’inquiétude et la peur engendrées par cette intoxication ».
À l’analyse de cette solution, on voit que la cour d’appel de Lyon, retient en l’espèce, un préjudice moral subi.

In fine, il faut souligner que cette décision de la cour d’appel de Lyon fera sans nul doute, objet de pourvoi en cassation. Ainsi, nous devons rester prudent quant à la portée exacte de cette décision sur la jurisprudence.