A l’instar de l’affaire Snowden, être lanceur d’alerte n’est pas sans risques et peut mener à des représailles lourdement conséquentes. C’est le cas également pour les alertes concernant les atteintes à l’environnement, de plus en plus nombreuses devant une prise de conscience grandissante en matière d’environnement.

C’est pour parer à la disparité des législations entre les Etats membres concernant les lanceurs d’alerte que l’Union Européenne a voulu initier une directive. Si certains Etats membres disposent d’une solide protection en la matière, d’autres comme l’Espagne ou la Grèce ne fournissent aucune protection. Cela posait donc le souci d’inégalités de protection des travailleurs au sein de l’Union Européenne, inégalités constatées même au sein d’une même entreprise avec des activités implantées dans différents pays de l’UE.

Les Etats membres ont donc conclu un accord le 11 mars dernier visant à protéger les lanceurs d’alerte signalant une infraction au sein de leur entreprise ou auprès des autorités nationales ou européennes. L’accord vise notamment à protéger les lanceurs d’alerte d’une rétrogradation ou d’un licenciement, représailles les plus courantes et prévisibles dans ce type de situation. La directive prévoit entre autres que les lanceurs d’alerte aient le droit, ainsi que leur entourage, à garder l’anonymat et à un traitement confidentiel de leur alerte.

Les eurodéputés ont retenu une conception large du lanceur d’alerte afin de garantir une protection maximale : « tout travailleur du secteur public ou privé ou tout contractuel qui divulgue, tente de divulguer ou est perçu comme divulguant des informations d'intérêt public ou concernant une menace ou un préjudice à l'intérêt public, dont il a pris connaissance dans le cadre de sa relation de travail. »

Si bon nombre d’eurodéputés de tous bords politiques se sont exprimés en faveur de ce texte, une partie conséquente des conservateurs a souhaité en restreindre le champ d’application. Certains Etats, et notamment la France et l’Allemagne ont également souhaité en limiter l’étendue.

L’accord comprend finalement un champ d’application du texte relativement large, et concernerait des domaines aussi variés que l’environnement, la fiscalité des entreprises, les marchés publics, la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, la protection des données, le bien-être animal, la sûreté nucléaire ou encore la sécurité des denrées alimentaires et des transports. Ce champ d’application pourrait être davantage élargi par les Etats membres au moment de la transposition de la directive.

Il est précisé dans la directive que la charge de la preuve pèsera sur les personnes directement impliquées dans l’alerte, qui devront le cas échéant prouver l’absence de menace pour l’intérêt public.

Mais cet accord se veut réaliste et plusieurs eurodéputés ont admis que cette mesure ne pourrait empêcher les employeurs de recourir à des représailles. En revanche, les employeurs seraient sanctionnés s’il recourraient à ce type de répressions.

La rapporteure du texte Virginie Rozière s’est exprimée sur une autre limite de cet accord : “Il y a également des chances pour que des lanceurs d’alerte se retrouvent encore devant les tribunaux, subissent le soupçon voire l’isolement. Mais l’esprit de l’accord est de rééquilibrer le rapport de force. Il s’agit là d’un signal fort en matière de justice, de démocratie et de citoyenneté. C’est un bon texte pour les Européens et les lanceurs d’alerte pour qui il coûte de mettre au jour des infractions.”

Par ailleurs, plusieurs eurodéputés se sont exprimés sur leur regret quant au fait que seuls les personnes physiques pourront être protégées par ce texte, et non les personnes morales. Le cas des ONG est en effet revenu fréquemment dans les discussions autour de cet accord.

La directive devrait être validée entre le 15 et 19 avril prochain en plénière à Strasbourg, soit à la dernière session avant les élections européennes.