Alors que les gaz de schiste sont en plein essor aux Etats-Unis et au Canada, les industriels européens et français commencent tout juste à s’y intéresser.

Cependant, avant de se demander si les gaz de schistes (« shale gas » en anglais) pourraient être un bienfait pour l’environnement ou au contraire représenter une menace de plus pour ce dernier, il est important de rappeler brièvement ce qu’est le gaz de schiste.

Le schiste est donc une roche qui a pour particularité d’avoir un aspect feuilleté et d’être constituée de « feuillet rocheux ». Il s’agira le plus souvent d’une roche sédimentaire argileuse, qui pour certaines d’entre elles contiennent du méthane, piégé dans leurs fissurations. La particularité de ces roches est que le méthane qu’elles contiennent y est présent de façon continue c'est-à-dire que le gaz est présent en faible concentration dans un grand volume de roche, rendant alors l’exploitation de ce dernier difficile.

Source d’énergie nouvelle, il est donc légitime de se demander au regard des préoccupations environnementales du 21e siècle, si le gaz de schiste constitue ou non un progrès pour notre planète.

I. POUR les gaz de schiste

Mis à part certains pays qui ne bénéficient pas de bassins sédimentaires, on peut trouver du gaz de schiste à peu près partout. Les réserves mondiales représenteraient ainsi quatre fois les ressources de gaz classiques. Réussir leur exploitation permettrait donc de changer les enjeux de la géopolitiques liée aux énergies fossiles et ainsi, de rendre à de nombreux pays, leur indépendance énergétique.

Ces gaz de schiste sont donc l’occasion pour les pays occidentaux de se poser en concurrent de la Russie et des pays du Sud producteurs de gaz et de pétrole, un enjeu non négligeable face auquel les préoccupations environnementales risquent malheureusement de faire peu de poids.

De plus, la découverte de cette nouvelle source d’énergie représente une manne considérable : présent dans le sous sol de quasi toute la planète, des milliers de milliard de mètre cubes rien qu’en Europe, sept fois plus en Amérique du Nord et davantage en Asie et Australie, le gaz de schiste viendrait ainsi répondre à la demande énergétique toujours plus forte de nos sociétés modernes.

C’est ainsi que les gaz de schiste sont aujourd’hui produits en grande quantité aux États-Unis où ils représentent plus de 12% de la production gazière. Leur exploitation y a été permise grâce notamment à l’amélioration des techniques d’extraction.

Concernant la France, c’est dans la partie méridionale du pays que seraient cachés de gigantesques gisements de gaz de schiste. Si cela devait être confirmé, une telle source d’énergie permettrait au pays de ne plus être dépendante de qui que ce soit pour ses approvisionnements en hydrocarbures. C’est donc dans l’optique d’une exploitation future, que le 30 mai 2010, le Ministère de l’Écologie décidait d’octroyer trois permis d’exploration de gaz de schiste aux groupes Total, GDF-Suez et Schuepbach Energy dans une zone d’environ 10 000 km2 s’étendant de Montélimar (Drôme) à Montpellier (Hérault) couvrant ainsi une partie des départements de l’Hérault, de l’Aveyron, de la Lozère, de l’Ardèche et de la Drôme.
En réponse aux inquiétudes de plus en plus fortes des élus locaux et des écologiques, le 24 janvier 2011, Madame Kosciusko-Morizet rappelait cependant qu’il ne s’agissant en l’espèce que de simples permis d’explorer et non d’exploiter : « Il ne s’agit pas de permis d’exploitation, mais bien de permis d’exploration. La technique utilisée est celle des forages classiques. Il n’est pas question de procéder à des fracturations hydrauliques du sous-sol. Il faut d’abord savoir si les stocks sont suffisants. […] Les forages n’ont pas encore commencé, mais ils seront encadrés par le code minier et le code de l’environnement, ils se dérouleront sous le contrôle des DREAL» (Direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement).

Si les gaz de schiste permettraient donc de redonner à la France son indépendance énergétique, il convient pour avoir une vision d’ensemble de la question, de se demander quel est l’impact environnemental qui se cache derrière l’exploitation de ces gaz.

II. CONTRE les gaz de schiste

Si on parle des gaz de schiste comme étant des gaz non conventionnels, cela est dû à la particularité de leur mode d’exploitation. Si longtemps leur capture sembla trop compliquée et onéreuse, la raréfaction des réserves en hydrocarbures a obligé les ingénieurs à continuer leur recherche. C’est ainsi qu’a vu le jour la technique de la « fracturation hydraulique ».

Le principe est simple : après avoir foré verticalement, on pénètre horizontalement les schistes, dans lesquels on envoie à forte pression des milliers de litres d’eau, de sable et un cocktail d’adjuvants chimiques pour ouvrir la roche.
Clé d’une révolution énergétique d’une très grande ampleur ayant, comme nous l’avons déjà vu, propulsé les Etats-Unis au premier rang de la production mondiale de gaz naturel, cette technique semble également avoir des conséquences environnementales importantes.

La technique utilisée aux États-Unis semble ainsi nécessiter entre 7 et 15 millions de litres d’eau, auxquels donc les exploitants rajoutent des produits chimiques, dont la composition reste pour partie inconnue. En effet, que se soit au Canada ou aux États-Unis, la composition de ces additifs est protégée par le secret industriel.
De plus, pour amener ces quantités astronomiques d’eau sur place, les entreprises américaines acheminent des convois de centaine de camions-citernes, ce qui en soit est loin d’être neutre pour l’environnement.
Une fois sur place, c’est aussi la question de la pollution des nappes phréatiques voisines par les composants chimiques qui se pose...

Quels sont donc au final les impacts d’une telle exploitation ?

En premier lieu, les puits s’épuisant rapidement, il faut régulièrement en forer de nouveaux. C’est ainsi qu’aux États-Unis, on compte plus de 500 000 puits répartis dans 31 États. C’est la paysage qui se trouve ici être la première victime de cette exploitation.

On l’a vu plus haut, la technique de la fracturation hydraulique suppose aussi l’utilisation de gigantesques quantités d’eau, ce qui à l’heure où certaines populations ont toujours du mal à y avoir accès, n’est pas sans poser certains problèmes. Éthiquement mais aussi parce qu’une approche raisonnable de l’utilisation de l’eau nous oblige à l’économiser, cette technique d’exploitation soulève beaucoup de problématiques.

Enfin, la contamination des nappes phréatiques à proximité des sites d’extraction est également un problème qui a été soulevé : l’Agence américaine de protection de l’environnement aurait en effet retrouvé des composés hautement cancérigènes dans le cadre d’étude sur ces exploitations.
C’est ainsi que l’État de New York a décrété un moratoire sur l’exploitation du gaz de schiste pour protéger ses réserves d’eau potable.

Si le gaz de schiste a tout l’air d’être une véritable révolution, tout du moins d’un point de vue strictement économique, d’un point de vue environnementaliste, le tableau est donc d’une toute autre couleur.

III. Quelle exploitation pour les gaz de schiste en France ?

Au regard des éléments exposés ci-dessus, il est légitime de se demander comment il est possible de concilier les enjeux économiques et les préoccupations environnementales soulevés par l’exploitation des gaz de schiste.

Avant de répondre à cette question, il faut rappeler que la France a pris un certain nombre d’engagements avec le Grenelle de l’Environnement et les deux lois qui en découlent (Loi Grenelle I et II). Avec le Grenelle la France s’est notamment engagée à protéger les sources d’eau potables, les écosystèmes sensibles et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit là de trois paramètres directement concernés par l’exploitation des gaz de schiste et dont il faudra donc tenir compte avant d’autoriser cette exploitation.

Ce qui apparaît donc comme étant incontournable et nécessaire c’est la proposition d’un cadre de développement de l’exploration et de l’exploitation des gaz de schiste. Celui-ci devra ainsi poser des orientations pour un encadrement légal et réglementaire de manière à assurer, pour les aspects « exploration », « exploitation » et « infrastructures de collecte de gaz », le développement sécuritaire de cette industrie dans le respect du développement durable.

Il sera également nécessaire d’établir une procédure d’évaluation environnementale stratégique de manière à être informé de la façon la plus complète possible sur les enjeux et conséquences de l’exploitation des gaz de schiste. Dans ce cadre là, il serait nécessaire d’informer le public sur ce sujet voir même de le consulter.

Enfin, si la France devait se lancer dans cet immense chantier de l’exploitation des gaz de schiste, il est certain qu’elle ne devra pas reproduire les erreurs de l’exploitation déraisonnée qui peut avoir lieu aujourd’hui aux Etats-Unis et qui est d’ailleurs remis en cause par nombre d’organisations.
Il est important de prendre le temps qu’il faudra pour encadrer le mieux possible cette activité et aussi du temps pour développer des techniques d’exploitation plus respectueux de l’environnement.
L’exploitation du gaz de schiste devra ainsi se faire dans le respect de notre grand principe de précaution sous peine de voir une fois encore, l’environnement soumis à une nouvelle menace.