La réduction de l’impact environnemental des entreprises révèle de plus en plus l’accent mis sur un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Des actions telles que les économies d’énergie, la diffusion de bonnes pratiques, l’amélioration de la logistique, le recyclage ou le recours aux énergies renouvelables se démultiplient. A côté de ces mesures internes, des marchés du carbone ont été créés il y a quelques années, avec l’objectif premier de limiter le réchauffement climatique. L’entreprise étant au cœur même de ces enjeux environnementaux, la question semble légitimement se poser : acheter des crédits carbones, oui, mais lesquels ?

Une enquête auprès d’une soixantaine de grandes entreprises de tous secteurs permet de mieux comprendre la stratégie des entreprises pour réduire leurs émissions de CO2, en particulier pour l’achat des certificats de « compensation carbone », appelés aussi « crédits carbone » (« carbon offsets » en anglais), un secteur en plein développement.

Ces achats volontaires — à ne pas confondre avec les certificats obligatoires prévus par le Protocole de Kyoto — sont de plus en plus répandus dans les entreprises, pour toutes sortes de raisons : pression des actionnaires, des clients ou de l’opinion publique, préparation à un système de taxation des émissions qui pourrait devenir obligatoire, etc.

Ces certificats de compensation sont proposés par des organisations qui réalisent des actions de lutte contre les gaz à effet de serre, en évitant les émissions ou en les réduisant : plantation d’arbres, capture du carbone, économies d’énergie, petits projets hydrauliques, etc. L’efficacité de ces actions est parfois critiquée, mais ces certificats permettent aux entreprises de s’acquitter rapidement, facilement, sans besoin de grandes réorganisations coûteuses, de leur objectif d’améliorer leur empreinte carbone.

Les crédits carbone les plus connus, les CER (certified emission reduction), sont certifiés dans le cadre du protocole de Kyoto et délivrés par les Nations Unies. Les échanges de CER commencent aussi à se développer sur les Bourses de l’environnement, comme BlueNext, où interviennent de plus en plus des acteurs financiers qui parient sur leur forte hausse à l’avenir.
Les 10 fournisseurs de crédits carbone les plus cités sont, dans l’ordre, EcoSecurities, The Carbon Neutral Company, Climate Care, Cantore Co2e, Terrapass, Green moutain Energy, Camco International, Carbon Clear, First Climate et My Climate. Généralement les entreprises privilégient les projets de réduction d’émissions réalisés localement, dans leur propre région.

Les types d’actions les plus appréciées pour les crédits carbone sont, de très loin, les économies d’énergie, probablement parce que leur impact contre les émissions semble le plus directement mesurable. Juste après également très appréciés, viennent les projets de parcs d’éoliennes, qui calculent leur impact en émissions évitées par rapport à des énergies fossiles. En troisième viennent les projets de centrales à biomasse, suivies des systèmes de capture du méthane agricole. La plantation d’arbres suscite des réticences, la lutte contre la déforestation est mieux perçue. L’hydroélectricité n’est souhaitée que pour les projets à petite échelle.

Aux Etats-Unis, les normes de mesures les plus consensuelles sont le Volontary Carbon Standard et le Gold Standard. Les entreprises choisissent les crédits carbone d’abord en fonction de la réputation du fournisseur, du type de projets engagées et de leur localisation géographiques, le prix ne venant qu’en 5ème critère de choix.

Les prix estimés justes à ces services sont difficiles à fixer. En général, les projets jugés mériter les prix les plus élevés sont les actions d’économies d’énergies (13,10 euros par tonne, sondage Ecosecurities) et les énergies renouvelables notamment l’éolien (12,60 euros par tonne) et la biomasse (11,90 euros par tonne) ainsi que les projets locaux à petite échelle. En revanche, la plantation d’arbres n’est évaluée qu’à moins de 8 euros par tonne.

Concrètement les prix proposés par les dizaines d’entreprises dans le monde qui se sont mises à commercialiser ces certificats varient du simple au quadruple. En France, les fournisseurs ayant signé la Charte de l’ADEME, qui propose une méthodologie harmonisant les systèmes de mesure, sont l‘association CO2 Solidaire lancée par le Geres (Groupe énergies renouvelables, environnement et solidarités) et qui propose de financer des projets dans des pays du Sud (Cambodge, Maroc, Afghanistan, Inde) dont elle est elle-même l’initiatrice, l’association Action carbone et dont les projets concernent la capture de CO2 par la végétation (projet de reforestation, lutte contre la déforestation…) ou les énergies renouvelables dans les pays du Sud, l’entreprise Climat Mundi qui vend des crédits carbone sous forme de chèques cadeau, et soutient des projets dans les énergies renouvelables (petite hydraulique en Chine et au Mexique) et la lutte contre la désertification (Erythrée), et l’entreprise EcoAct engagée dans des projets de reforestation en Amérique du Sud ou de construction de chambres froides au Burkina Faso.