En janvier dernier, le tribunal administratif de Lyon annulait la décision autorisant la mise sur le marché du Roundup Pro 360 par l'Agence Nationale de Sécurité sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail (ANSES). Le Roundup Pro 360 est un produit désherbant (phytopharmaceutique) contenant du glyphosate et commercialisé par la société Monsanto fusionnée au groupe allemand Bayer depuis 2018.

En effet, le tribunal administratif de Lyon a prononcé cette annulation au motif que l’ANSES avait commis dans sa décision du 6 mars 2017 une erreur d'appréciation au regard du principe de précaution. Ce jugement a été rendu suite à la saisine du Comité de Recherche et d'Information Indépendantes sur le Génie Génétique (CRIIGEN), lequel a évoqué l’illégalité de ladite décision.

Rappelons, que le principe de précaution est un principe à valeur constitutionnelle depuis l’intégration de la charte de l’environnement au bloc de constitutionnalité en 2005. Ce principe prévoit que « lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » (article 5 de la charte de l’environnement).

Au soutien de sa requête, le CRIIGEN rapporte que de nombreuses études font peser de fortes présomptions sur l’effet de perturbateur endocrinien du glyphosate et que le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a estimé que cette substance active avait un effet cancérogène probable. De même, il porte à l’attention du juge que l’agence californienne de protection de l’environnement juge le glyphosate cancérigène et de ce fait l’ANSES aurait dû évaluer la toxicité du Roundup Pro 360.

Les faits présentés révèlent que l’ANSES avait autorisé le Roundup Pro 360 dans un premier temps par une décision du 7 novembre 2016 retirée par celle du 6 mars 2017 au motif que la composition du Roundup Pro 360 était identique au produit Typhon déjà autorisé. Après examen des moyens des parties, le juge administratif a pu relever d’une part que le caractère cancérogène du Typhon, de composition chimique identique au Roundup Pro 360 n’a pas été étudié par l’ANSES.

D’autre part, le juge administratif se fondant sur les études scientifiques produites par les parties dont aucune ne permet d’établir que le Roundup Pro 360 n’était pas cancérogène, a considéré ce produit phytopharmaceutique comme une substance dont le potentiel cancérogène pour l'être humain est supposé eu égard aux données animales.

Par ailleurs, dans une revue au pairs du 12 novembre 2015, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments indiquait que les effets négatifs du glyphosate sur la reproduction ne peuvent complètement être exclus eu égard notamment aux résultats de certaines études.

Le juge administratif a déduit que le CRIIGEN était donc fondé à soutenir que le Roundup Pro 360 est une substance suspectée d'être toxique pour la reproduction humaine au regard des expériences animales.

En outre, il a admis qu’indépendamment des précautions prévues par l’ANSES dans sa décision du 6 mars 2017, le Roundup Pro 360 porte une atteinte à l'environnement et est susceptible de nuire de manière grave à la santé.

Le juge administratif conclut que l’ANSES avait commis une erreur d’appréciation au regard du principe de précaution défini par l’article 5 de la charte de l’environnement en autorisant le Roundup Pro 360 malgré l’existence de ce risque. Ainsi, le juge a annulé cette décision d’autorisation du Roundup Pro 360. Une décision contestée par l’ANSES qui ne reconnaît pas d’erreur d’appréciation commise au regard du principe de précaution. Comme elle l’explique dans un communiqué du 17 janvier dernier diffusé sur son site internet.

En plus de l’accueil salutaire reçu de la part des associations de protection de l’environnement, ce jugement présente un intérêt singulier en ce que le juge administratif rappelle les modalités de mise en œuvre du principe de précaution dont l’application n’est pas souvent claire.