Une décision historique oblige la Commission européenne à divulguer les analyses d'impact utilisées comme base de son processus décisionnel législatif.

La Grande Chambre de la Cour de justice de l'Union européenne a récemment rendu un arrêt historique selon lequel les études d'impact doivent être considérées comme des documents publics. Cette décision crée un précédent juridique en ce qui concerne la transparence, la responsabilité et les processus décisionnels des institutions européennes.

Les faits :

Une organisation à but non lucratif active dans le domaine de la protection de l’environnement s’est efforcée d’avoir accès à deux rapports d’études d’impact, qui ont joué un rôle important dans les propositions de certaines lois environnementales.

La Commission européenne a rejeté les deux demandes en application du règlement n ° 1049/2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission.

Conformément à l'article premier, le règlement vise à :

- Définir les principes, conditions et limites du droit d'accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission prévus à l'article 255 du traité CE de manière à assurer l'accès le plus large possible aux documents, sur la base de ou intérêt privé
- Établir des règles garantissant l'exercice le plus facile possible de ce droit
- Promouvoir de bonnes pratiques administratives sur l'accès aux documents

La Commission a refusé d’accorder l’accès, indiquant que les études d’impact avaient pour but d’aider la Commission à préparer des initiatives législatives dans le domaine de l’environnement et que la divulgation des documents demandés pourrait compromettre les processus décisionnels de la Commission. En particulier, la divulgation des études d’impact pourrait affecter la marge d’appréciation de la Commission et réduire sa capacité à parvenir à un consensus sur les décisions. En outre, la Commission a fait valoir qu'une telle divulgation pourrait entraîner des pressions externes susceptibles de compliquer les processus décisionnels difficiles, dans lesquels un climat de confiance doit toujours prévaloir.

En réponse, l’organisation à but non lucratif de protection de l’environnement a introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne dans le but d’obtenir l’annulation du refus de la Commission. Le Tribunal de l'Union européenne a rejeté les allégations de l'organisation à but non lucratif dans un jugement 2015, ce qui confirme que la Commission avait des raisons bien fondées pour refuser l'accès aux documents demandés, en fonction de la nécessité de préserver l'espace de l'organe directeur de réflexion, sa marge de manœuvre et son indépendance. En outre, l’arrêt a confirmé la nécessité d’instaurer un climat de confiance lors des discussions et de contrer le risque de pressions externes susceptibles d’affecter le développement des discussions et des négociations en cours.

Par conséquent, le Tribunal de l'Union européenne a conclu que la Commission avait agi correctement en application de l'article 4.3 du règlement nº 1049/2001, qui stipule: « L'accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n'a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu'un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé ».

Sur la base de ce qui précède, l'organisme sans but lucratif a introduit un recours en 2016 demandant l'annulation de la décision 2015 et invoquant l'existence d'un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents controversés.

Le 4 septembre 2018, le Tribunal a ainsi rendu un arrêt énonçant ce qui suit :

Les analyses d'impact sont liées au processus législatif de l'UE et devraient être mises à la disposition du public dès qu'elles sont réalisées.

L'initiative législative de la Commission européenne doit garantir la transparence lors du processus décisionnel afin de garantir la crédibilité et la responsabilité des institutions européennes.

La divulgation des études d’impact n'entraîne pas nécessairement une pression croissante de la part d'une tierce partie sur une institution européenne pour qu'elle adopte une position particulière.

En outre, la possibilité d'une pression externe accrue sur une institution européenne pour qu'elle adopte une certaine position ne signifie pas que la Commission ne peut agir de manière totalement indépendante et exclusivement dans l'intérêt général.


L’arrêt de la Cour européenne de justice provoquera probablement davantage d’actions de la part des citoyens de l’UE pour lutter contre le changement climatique ce qui implique que l’UE a renforcé son engagement en faveur de la protection de l’environnement. Par conséquent, cette décision judiciaire semble marquer une victoire significative pour la démocratie participative de l'Union européenne au-delà de ses effets juridiques immédiats.