
Le risque lié aux nouvelles technologies
Par Nathalie FEDYNEC
Posté le: 17/09/2010 16:35
Aujourd’hui, les risques liés aux nouvelles technologies ne cessent de se multiplier dans tous les secteurs. On retrouve notamment, les risques technologiques liés aux sources d’énergie nucléaire ou aux champs électromagnétiques issus des fours à micro-onde, des écrans d’ordinateur, des téléphones portables, … Il existe également des risques alimentaires compte tenu de l’utilisation d’OGM ou lors de contaminations bactériennes. Dans les risques des nouvelles technologies, on relève aussi le risque sanitaire suite aux contaminations transfusionnelles (VIH), aux infections nosocomiales, aux épidémies telles que la légionellose, à la mise sur le marché de nouveaux médicaments, … Cette présentation des risques ne constitue qu’un bref aperçu de tous les risques susceptibles d’émerger suite à l’utilisation de nouvelles technologies.
Ces risques ne cessent de s’accroître du fait qu’il convient de répondre à toutes les attentes des populations afin d’assurer leur santé, leur sécurité civile, leur confort personnel, … alors qu’ils sont indécelables lors de leur mise sur le marché et qu’ils peuvent présenter des risques de masse. Les effets néfastes des produits peuvent apparaître plusieurs années après leur diffusion. On peut citer en exemple l’affaire du distilbène, qui trente ans après s’est révélé être nocif pour les enfants ayant étaient exposés in utero. De même, le risque lié à une exposition à long terme à des champs électromagnétiques est, à l’heure actuelle, toujours incertain alors que le téléphone portable est mis sur le marché depuis plus d’une dizaine d’année. En effet, aucune étude scientifique n’a permis d’affirmer avec certitude que l’exposition prolongée dans le temps à des champs électromagnétiques issus des téléphones portables puissent être à l’origine de maladies incurables telles qu’une tumeur du cerveau, d’une maladie dégénérative comme Alzheimer, de troubles de la reproduction, … Même si ce risque est incertain, il n’empêche pas que dans les prochaines années à venir on s’aperçoit de leurs nocivité pour la santé.
Mais face à l’incertitude de ces nouveaux risques appelés « technologies », il semble particulièrement difficile d’indemniser une personne victime d’un dommage compte tenu du fait qu’il est impossible de déterminer l’existence d’un lien de causalité entre la survenance du dommage et la faute tel que prévu pour engager la responsabilité délictuelle définie à l’article 1382 du code civil. De même, il est souvent impossible d’identifier l’origine humaine lors de la survenance de sinistres de masse ou difficile de rattacher un sinistre à un producteur déterminé. En effet, la notion même de producteur telle que définit au travers de l’article 1386-6 du code civil est très large car elle comprend aussi bien le fabricant d’une partie composante, que celui du produit fini, ou encore de celui qui a apposé sa marque sur un produit. Ainsi, pour un même produit, plusieurs producteurs se trouvent soumis au régime du fait des produits défectueux. Toutefois, l’article 1386-8 du code civil reconnaît la responsabilité solidaire entre les producteurs, notamment celui de la partie composante et celui du produit fini. De même, pour l’exemple du téléphone portable, une personne est amenée à changer de mobile pour un autre beaucoup plus performant. Comment admettre la responsabilité du producteur du dernier téléphone qu’elle a acheté sans reconnaitre celle des autres producteurs pour les téléphones portables achetés antérieurement au cours des 10 dernières années étant donné que les études récentes sur le sujet dévoilent qu’un tel risque peut apparaître au bout d’une dizaine d’années d’exposition aux champs électromagnétiques.
En outre, la responsabilité du producteur va difficilement être engagée en raison de la théorie du risque de développement prévue à l’article 1386-11 du code civil. La théorie du risque du développement voit à s’appliquer lorsqu’un défaut ou un vice d’une chose existait au moment de la mise en circulation, mais que l’état des connaissances scientifiques et techniques à ce moment-là ne permettait pas de déceler. Le risque de développement va permettre au producteur de s’exonérer de sa responsabilité pour un produit issu des nouvelles technologies qui a été mise en circulation. Néanmoins, la responsabilité du producteur sera reconnue dès lors que celui-ci s’aperçoit que son produit peut générer des risques et qu’il ne prend aucune initiative pour alerter les utilisateurs du danger ou qu’il ne retire pas le produit du marché.
Malgré l’absence de lien de causalité et les causes d’exonération du producteur, il existe tout de même des moyens pour prévenir ces risques collectifs de masse, notamment au travers du principe de précaution. Le principe de précaution est défini à l’article 5 de la Charte de l’environnement comme « la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation d’un dommage ». Au travers de cet article de la Charte de l’environnement, on constate que les Etats membres doivent prendre les mesures provisoires et proportionnées nécessaires pour prévenir la réalisation du dommage. Dès lors le principe de précaution vise à protéger les populations face aux risques liés aux nouvelles technologies. Celui-ci assure, donc, une certaine forme de protection pour les populations dans le sens où il vise à anticiper la réalisation des dommages issus des nouvelles technologies.
Néanmoins, le champ d’application du principe de précaution vise à s’élargir. En effet, le principe de précaution était initialement crée pour s’appliquer au domaine environnemental tel qu’il a été prévu au travers de l’article 5 de la Charte de l’environnement. Mais au travers de nombreux arrêts rendus par la Cour de Justice de la communauté Européenne, le principe de précaution voit à s’appliquer pour d’autres risques tels que le risque sanitaire concernant la vache folle (CJCE 5 mai 1998), ou encore dans le cas des risques alimentaires en ce qui concerne les OGM (CJCE 21 mars 2000). Le principe de précaution trouve donc à s’appliquer à nos risques dits de nouvelles technologies.
Au-delà de l’élargissement du domaine d’application du principe de précaution, on s’aperçoit que ce dernier ne vise plus seulement de contraindre les Etats à mettre en place des moyens de prévention du risque. Les personnes privées se trouveraient de plus en plus toucher par le principe de précaution. C’est dans un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Paris du 12 novembre 1999 que les médecins se voient implicitement appliquer pour la première fois le principe de précaution. Aujourd’hui, le principe de précaution est explicitement cité conjointement à la théorie du trouble anormal de voisinage au travers des jugements et des arrêts rendus sur les antennes relais (CA Versailles 4 février 2009). Les opérateurs téléphoniques, en tant que personnes privées, ont été contraints de démanteler les antennes relais qui ont été installées à proximité des habitations sur le fondement du principe de précaution. Ce dernier ne voit donc plus seulement à s’appliquer aux personnes publiques. Les producteurs de produits émettant des champs électromagnétiques tels que les antennes relais est donc contraint par ce principe de précaution pour assurer la protection des populations d’un Etat membre. Dès lors, les producteurs se voient obliger d’anticiper la réalisation d’un risque lié aux nouvelles technologies.