Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation de l’entreprise (projet de loi « PACTE »), porté par Bruno Le Maire et présenté en Conseil des ministres le 18 juin 2018, est actuellement examiné par l’Assemblée nationale.

Ce projet comporte 70 articles dont de nombreuses dispositions relatives au droit des sociétés, inspirées notamment du rapport « l’entreprise, objet d’intérêt collectif » réalisé par Jean-Dominique Senard et Nicole Notat.

L’article 61 du projet de loi PACTE, inscrit dans une section intitulée « Repenser la place des entreprises dans la société », consacre ainsi la notion d’intérêt social et ouvre la possibilité aux entrepreneurs qui le souhaitent de consacrer la raison d’être de leur entreprise dans leurs statuts.
Il vise en effet à compléter les articles 1833 (« Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés. ») et 1835 du Code civil (« Les statuts doivent être établis par écrit. Ils déterminent, outre les apports de chaque associé, la forme, l'objet, l'appellation, le siège social, le capital social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement. »).

Outre l’obligation de gestion conforme à l’intérêt social de la société, sera prévue une prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux de la société. En effet, un alinéa serait ajouté à l’article 1833 du code civil qui disposerait que « la société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
Selon le rapport Notat-Sénard, une telle rédaction « invite à une prise de conscience, une prise de recul de l’entreprise sur les risques et opportunités provoqués par ses décisions et son activité, en matière sociale et environnementale ». Il s’agirait donc d’une obligation de moyens imposée à tout dirigeant de société qui devra vérifier, en amont de toute prise de décision de gestion, les conséquences de celle-ci en matière sociale et environnementale.
Autrement dit, cette nouvelle obligation n'a pas d'incidence directe sur le contenu des décisions des dirigeants d'une société. Elle a incidence directe sur la manière dont un dirigeant prend des décisions puisqu’elle impose qu’il soit capable de démontrer que sa décision a été prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux. Elle n’a ainsi pas vocation à lui imposer de prendre une décision, ni de la prendre dans tel ou tel sens.

Par ailleurs, les articles L225-35 et L225-64 du Code de commerce devraient également être modifiés. en effet, le Conseil d’Administration ou le Directoire des sociétés anonymes devront déterminer « les orientations de l’activité de la société conformément à son intérêt social et en prenant aussi en considération ses enjeux sociaux et environnementaux ».

En pratique, cette obligation de prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux, bien que ne semblant pas impérative, aura certainement un impact en matière de responsabilité des dirigeants et de la personne morale.
L’étude d’impact du projet de loi prévoit que « les nouvelles dispositions ne créent pas de nouveau régime de responsabilité délictuelle. Toute responsabilité, de la société comme de ses dirigeants, qui serait recherchée sur le fondement de l’absence de prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux devrait s’inscrire dans l’une des hypothèses reconnues par le droit commun des sociétés (existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité) ». Elle précise toutefois que « les conséquences sur la responsabilité de la société et du dirigeant sont, comme pour la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux, difficiles à anticiper ».
Le dirigeant commettrait une faute en ne prenant pas en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans le cadre de ses décisions puisqu’il violerait, d’une part une disposition légale, d’autre part les statuts de sa société si ceux-ci font référence à la prise en compte de ces enjeux. L’inobservation de tels enjeux pourrait, au surplus, constituer une faute de gestion.

Retrouvez le projet de loi PACTE ici: http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl1088.asp