Dans un arrêt du 24 mai 2018, la Cour de Cassation s’est prononcée sur l’étendue de la remise en état d’un bien immeuble à l’issu d’un bail commercial.

En l’espèce, la propriétaire d’un immeuble à usage industriel et commercial l’avait donné à bail commercial, en 1992, à un exploitant qui y exerçait une activité de galvanisation.
En 2007, une autre société a repris l’exploitation et a indiqué au bailleur dans un courrier datant de mars 2007 que « Comme vous le souhaitez et comme la loi nous l'impose, lorsque nous quitterons ces locaux, nous ferons procéder à une étude de sol afin de vous démontrer qu'il n'existe pas de pollution qui risque de diminuer la valeur de votre bien. Nous procéderons également à la remise en état du bâtiment par la réalisation d'une dalle béton à l'endroit où se situe le bain zinc actuel, ainsi que sur la petite zone où un mur a été supprimé. Nous procéderons également à un nettoyage du sol afin d'éliminer les poussières et graisses qui s'y trouvent. » Un bail précaire a été régularisé précisant les modalités selon lesquelles les lieux seraient restitués.
Le preneur à bail a libéré les lieux en décembre 2009. A cette occasion, la propriétaire a reconnu que « les lieux loués lui ont été donnés en bon état de réparation locative et d'entretien, et que les locaux ont été correctement nettoyés par le preneur comme prévu au paragraphe 3 des charges et conditions dudit bail ». Toutefois, un diagnostic de sols réalisé en novembre 2009 a conclu à une contamination au zinc.

Le bailleur a alors assigné le preneur en paiement d’indemnités d’occupation et d’immobilisation ainsi que de dommages et intérêts réparant la perte de chance de vendre l’immeuble, aux motifs qu’il n’avait pas respecté son engagement de remise en état du site.
Par un arrêt infirmatif du 24 mai 2018, la Cour d’appel de Rouen a débouté la propriétaire de l’ensemble de ses demandes.
Cette-dernière a alors formé un pourvoi en cassation que la Cour de cassation a rejeté.

Dans un premier temps, la Haute juridiction constate que le preneur a respecté ses engagements contractuels issus d’une part, du bail précaire en ce qu’il a procédé aux travaux qui y étaient prévus et, d’autre part, de la lettre du 16 mars 2017.
Le premier élément à retenir dans cette affaire, c’est que la Cour de cassation tout comme la Cour d’appel de Rouen acceptent d’examiner le contenu d’une lettre rédigée avant la conclusion du contrat de bail (cf. supra). Elles lui reconnaissent ainsi une valeur contraignante alors même qu’il s’agit d’une simple lettre signée par une seule partie et dont le contenu n’avait été repris qu’en partie par le contrat de bail.
Toutefois, si les juridictions tiennent compte de cette lettre, elles jugent, au cas d'espèce que son contenu ne peut s’analyser comme un engagement de procéder à la dépollution du site évoquée par le bailleur. Elles ont une interprétation stricte du contenu de la lettre de l’exploitant, considérant que ce-dernier n’avait pas entendu dépolluer le site au-delà des obligations légales à sa charge.
Les exploitants d’ICPE doivent donc être particulièrement vigilants aux échanges qu’ils ont avec leur bailleur et dont ce dernier pourrait se prévaloir.

Dans un second temps, la Haute juridiction constate que le preneur a respecter ses obligations contractuelles ainsi que ses obligations légales et réglementaires en permettant « sans risque un usage futur comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation ».
La Cour de cassation considère ici que l’exploitant n’avait commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité civile, dès lors qu’un usage industriel et commercial était garanti.
Cette décision est dans la lignée de la jurisprudence constante qui apprécie l’obligation de remise en état des lieux à l’issu d’un bail commercial par rapport à l’obligation réglementaire de dépollution fixée par le code de l’environnement et qui incombe au dernier exploitant. En cas de volonté d’imposer des obligations supplémentaires, le propriétaire a tout intérêt de rédiger des clauses claires et précises afin d’éviter toute ambiguïté à la fin du bail.

Retrouvez l’arrêt en question sur: https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000036980441&fastReqId=723039339&fastPos=1