
La gestion du risque chimique en entreprise
Par Claire TOUFFAIT
juriste
Posté le: 14/09/2010 9:50
Plusieurs risques doivent être gérés par le chef d’entreprise au titre de son obligation générale de sécurité envers ses salariés au regard du code du travail.
L’utilisation de produit chimique est un bon exemple de risque nécessitant une bonne gestion de la part de l’employeur.
Un agent chimique est « tout élément ou composé chimique, soit en l’état, soit au sein d’une préparation, tel qu’il se présente à l’état naturel ou tel qu’il est produit, utilisé ou libéré, notamment sous forme de déchet, du fait d’une activité professionnelle, qu’il soit ou non produit intentionnellement et qu’il soit ou non mis sur le marché" ( code du travail, article R4412-2).
Les produits chimiques sont assez communément utilisés et ce, tant pour des usages domestiques que professionnels. Cependant, cette efficacité ne va pas sans donner lieu à des dangers.
Les propriétés dangereuses des produits chimiques sont souvent sous estimés par les travailleurs du fait de l’habitude d’utilisation, de la commercialisation de ces produits.
Le risque chimique sur le lieu de travail peut entrainer accidents de travail et maladies professionnelles.
De plus les risques peuvent être des risques de santé, de sécurité et d’environnement.
Les formes d’accident sont variées en ce qui concerne les produits chimiques : explosion, incendie, brûlures mais également intoxication et asphyxie.
Les maladies professionnelles apparaissent après une exposition prolongée à des produits chimiques dans le cadre de l’exercice habituel du travail. Elles vont se manifester généralement sous la forme d’intoxication chronique.
L’employeur doit, comme le prévoit si bien l’adage « mieux vaut prévenir que guérir », mettre en place une prévention du risque chimique pour faire tout son possible pour limiter les dangers des produits et en cas de produit dangereux, tenter d’éliminer leur utilisation en optant pour d’autre produits moins dangereux ou non dangereux : il s’agit du procédé de substitution.
L’employeur doit, dans cette optique, s’appuyer sur les fiches de sécurité que doivent lui fournir les producteurs.
Il semble en effet que la prévention du risque chimique passe avant tout par l’information même de l’employeur et celui-ci non par négligence mais par manque d’information ou une mauvaise information ne peut pas efficacement agir concernant le risque chimique.
REACH vise à améliorer cette information en mettant à la charge des producteurs et fournisseurs de produit chimiques des obligations concernant l’étiquetage et les informations sur le produit lui-même.
La fiche de donnée de sécurité est la source d’information essentielle sur les produits chimiques dangereux à usage industriel.
Ces fiches doivent ensuite être transmises par le chef d’établissement au médecin du travail.
Elle doit présenter certaines rubriques.
Le plus important est de faire une véritable évaluation du risque chimique d’autant qu’il existe des valeurs limite d’exposition pour les travailleurs et de mettre en place des actions en place en fonction de ce risque chimique. L’arrêté du 15 décembre 2009 rappelle la nécessité de mettre en place des contrôles techniques pour la vérification des valeurs limites d’exposition professionnelles. En effet, au regard de l’article 4412-27 du code du travail, l’employeur doit faire procéder une fois par an à des contrôles techniques lorsqu’un agent chimique dangereux a une valeur limite d’exposition professionnelle.
La formation et l’information du personnel sont également obligatoires et de mise pour pouvoir prendre en compte et prévenir le risque.
I/L’EVALUATION DU RISQUE CHIMIQUE
A/ le repérage des risques en entreprise
1/ L’inventaire des produits chimiques
Dans un premier temps il faut repérer les dangers et faire l’inventaire des agents chimiques et voir ceux qui sont cancérogènes et les situations de travail qui peuvent donner lieu à des expositions.
Pour effectuer un tel inventaire, une observation de tous les postes de travail doit être faite.
La méthodologie la plus simple est de lister les produits chimiques utilisés sur les lieux de travail.
Il faut ensuite repérer ceux qui sont considérés comme cancérogènes avérés mais également suspectés : pour cela, il faut exploiter les fiches de données de sécurité et l’étiquetage des produits chimiques et les classifications existantes notamment dans les bases de données spécialisées.
L’étiquetage des produits chimiques est très important et connait un changement avec le règlement CLP n°1272/2008 qui définit de nouvelles règles de classification, emballage et étiquetage des produits chimiques en Europe.
Ce nouveau système met en œuvre les recommandations internationales du Système Général Harmonisé applicable de façon obligatoire aux substances dès fin 2010.
Les fiches de données de sécurité doivent obligatoirement être transmises par les fabricants ou importateurs de substance ou préparation dangereuse conformément à un certain nombre d’exigences.
Elles permettent d’avoir des informations sur les composants, l’identification des dangers, les précautions de stockage, d’emploi, de manutention des produits ainsi que les informations toxicologiques de ces produits.
2 / le repérage des modes d’exposition potentielle
Il faut ensuite déterminer l’exposition potentielle par poste de travail, par tâche notamment en se reportant à la liste réglementaire des procédés cancérogènes au tableau des maladies professionnelles
Des informations pratiques peuvent être exploitées pour effectuer la prévention du risque cancérogène notamment pat l’intermédiaire de fiches d’aide au repérage.
Le repérage doit aussi tenir compte des agents cancérogènes susceptibles d’être émis sur les lieux de travail par certains produits ou matériaux par poussières, fibres ou encore par la transformation de produits lors de leur utilisation.
Ces agents chimique pouvant être émis sont principalement l’amiante, le noir de carbone, le plomb, la silice et les poussières de bois.
B/ La hiérarchisation des risques
1/ La priorisation des actions par la hiérarchisation
Démarche finale de l’évaluation des risques, la hiérarchisation à pour objectif de mettre en place des plans d’action de prévention suivant les risques identifiés.
Hiérarchiser les risques a pour but de prioriser les actions de prévention à conduire dans l’entreprise.
Il faut regarder les outils principaux d’évaluation du risque chimique pour aider cette hiérarchisation des risques identifiés.
La hiérarchisation se fait en prenant en compte les circonstances de travail, des modes opératoires, des quantités mises en œuvre, de la fréquence et de la durée des opérations pouvant donner lieu à une exposition.
Il existe de nombreux outils pour l’évaluation du risque chimique notamment la recommandation R 409 de la CNAMTS.
2/ Le support d’aide à la hiérarchisation des risques : le logiciel ERIC
Un logiciel fourni par la CRAM peut constituer un support pour effectuer le repérage et la hiérarchisation des risques suivant les données récoltées concernant les quantités et périodicité d’utilisation des produits chimiques.
Par exemple, le logiciel ERIC (évaluation du risque chimique) permet d’effectuer une telle hiérarchisation selon la méthode préconisée par l’INRS dans la note documentaire ND 233 » Méthodologie d’évaluation simplifiée du risque chimique : un outil d’aide à la décision ».
Les données sont enregistrées dans quatre tables : les produits concernant les informations relatives aux produits ou aux agents chimiques ;
Les phrases de risques qui sont associées aux produits chimiques ;
Eval_inhalation qui contient les informations relatives à l’évaluation du risque par inhalation
Eval_cutané : informations relatives à l’évaluation du risque par contact cutané.
Il existe des liens entre ces tables : à un produit correspond des phrases de risque, une ou plusieurs évaluations du risque par inhalation, une ou plusieurs évaluations du risque par contact cutané.
L’évaluation du risque chimique passe par la saisie dans le programme des produits ou agents chimiques.
L’évaluation du risque est faite atelier par atelier.
L’évaluation du risque permet de préciser la tache durant laquelle le produit est utilisé, l’état physique du produit sa température d’ébullition et d’utilisation, le procédé et la protection existante. La fréquence d’utilisation et la quantité sont également prises en compte.
Une fois toutes les informations rentrées dans le logiciel, l’onglet « mes outils » permet de voir la liste des produits CMR, ceux qui sont suspectés CMR, les agents cancérogènes et les fiches de sécurité à renouveler.
Des actions peuvent être entreprises par la suite une fois la hiérarchisation faite par le logiciel.
II/ LES ACTIONS A ENTREPRENDRE CONTRE LE RISQUE CHIMIQUE
A/Les actions principales : la suppression et la substitution des agents
La mise en évidence de l’exposition à un agent cancérogène doit obligatoirement conduire à la suppression ou la substitution de cet agent lorsque la technique le permet.
La disparition des produits ou la substitution des produits seront faite une fois que le responsable aura vu par rapport au produit cancérogène les quantités utilisées, la fonction de ce produit, vérifier l’utilité du produit ou de l’opération qui intègre l’agent cancérogène et caractériser les équipements en jeu.
La démarche de suppression ou de substitution est une réflexion spécifique à chaque entreprise et le retour d’expérience d’entreprises aux activités similaires peuvent permettre de faire ces choix.
L’INRS met à disposition des entreprises des fiches d’aide à la substitution d’agents cancérogènes.
La démarche pour la substitution ou la suppression doit être effectuée sur le schéma suivant :
- Il faut voir si le produit est dangereux
- Si tel est le cas, il faut voir s’il existe un produit technique similaire dont l’application donne les mêmes résultats en supprimant les risques : si un tel produit technique existe, on va effectuer une substitution de produit.
- S’il n’existe pas un tel produit, il faut voir s’il existe un autre procédé permettant le remplacement et l’élimination des risques.
- En l’absence de solution, la suppression du produit doit être visée.
On ne peut cependant pas procéder à la suppression de tous les produits qui peuvent être nécessaires notamment dans un processus de production. Si la substitution et la suppression ne sont pas possibles, on doit envisager d’autres actions.
B/ Les actions secondaires
Il est nécessaire de sensibiliser le personnel au risque chimique et de le former lorsque la suppression et la substitution ne sont pas possibles. De plus, les quantités de substances chimiques doivent être réduites et le nombre de personnes exposées doit être limité.
D’autres mesures de prévention sont envisageables pour réduire au maximum les expositions aux risques :
• La mise en place de protection collective
• La mise en place de protection individuelle.
1/ La mise en place de protection collective
Les locaux doivent être équipés de moyens efficaces pour assurer l’évacuation de vapeurs, gaz et poussières lorsque la concentration est telle qu’il existe un risque pour les travailleurs.
Il peut y avoir un certain nombre de mesures mises en place, par exemple le travail en système clos: un confinement maximal des substances est utilisé pour éviter tout contact entre le personnel et les substances.
Un captage à la source permet de canaliser le flux des polluants émis vers une installation de ventilation pour éviter la diffusion des substances dans le local de travail. Les dispositifs de captage doivent être mis en place dans le respect de certaines règles :
- Envelopper au maximum la zone de production de polluants ;
- Placer le dispositif de captage au plus près de la zone d’émission des polluants ;
- Installer le système d’aspiration de telle façon que l’opérateur ne se trouve pas entre celle-ci et les polluants.
Une solution encore plus radicale est l’encoffrement permettant de mettre en place des barrières physiques entre le polluant et l’atmosphère pour qu’il ne se propage pas.
Cependant, l’implantation d’une nouvelle machine peut remettre en question le rendement global de l’installation. De plus, si le ventilateur utilisé est assez puissant, le bruit engendré sera d’autant plus important, il est donc préférable de placer les aspirations à l’extérieur de l’atelier si cela est possible.
Il est important que la mise en place de cette protection collective soit faire avec les conseils d’un professionnel.
2/ La mise en place de protection individuelle
Elle ne doit se faire qu’après avoir épuisés les autres solutions ou si les protections collectives ne suffisent pas.
Ces protections individuelles seront de deux sortes concernant le risque chimique du point de vue respiratoire.
Les appareils filtrants vont permettre une filtration de l’air nécessaire à la respiration des travailleurs en le puisant dans l’atmosphère polluée qui l’entoure. Ces appareils sont soit anti poussières pour filtrer les poussières ou les aérosols soient des appareils anti gaz pour filtrer les gaz.
Les appareils isolants sont d’autant plus intéressants qu’ils permettent une protection respiratoire totale.
D’autres moyens de protection individuelle peuvent être mis en place dans le cadre de la gestion du risque chimique : port de gants, de lunettes de protection, vêtements spéciaux.
La gestion du risque chimique en entreprise n’est pas forcément aisée mais est nécessaire et comprend également la sensibilisation des salariés par une information complète et une formation pour prévenir les accidents du travail.
Sources :
Circulaire du 13 avril 2010 relative au contrôle du risque chimique sur les lieux de travail
Décret 2009-1570 du 15 décembre 2009 relatif au contrôle du risque chimique sur les lieux de travail
Arrêté du 15 Décembre 2009 relatif aux contrôles techniques des valeurs limite d’exposition professionnelle sur les lieux de travail et aux conditions d’accréditation des organismes chargés du contrôle
Décret du 23 décembre 2003, article R4412-1 à R4412-58 du code du travail
Décret CMR du 1 février 2001, article R4412-59 à R4412-93 du code du travail
Recommandation R 409 de la CNAMTS « évaluation du risque chimique »
« Agir sur le risque chimique cancérogène en entreprise « dossier INRS