-le régime spécial issu de la loi du 19 mai 1998 transposant la directive européenne du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. En effet, ce régime qui s’applique à tous les produits qui ne relève d’un autre régime spécial rend responsable sans faute le producteur ainsi que subsidiairement le fournisseur du produit, si le premier n’est pas identifié ( C.civ art.1245-6). Le fait générateur de ce régime consiste donc dans un défaut de produit, défini comme l’absence de sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre (C.civ art. 1245-3). Pour apprécier ce défaut, il est notamment tenu compte de l’information délivrée par le producteur relative aux risques de dommages de sorte que l’absence ou l’insuffisance d’information établit le défaut. Un arrêt rendu en chambre mixte le 7 juillet 2017 illustre cette hypothèse. En l’espèce, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel de ne pas avoir soulevé d’office l’application de ce régime spécial dans une affaire où un agriculteur victime d’intoxication au Lasso avait agi en responsabilité contre la société Monsanto en lui reprochant d’avoir manqué à son obligation d’information et de renseignement sur les risques liés à l’inhalation du mono chlorobenzène.

-le régime de responsabilité pour faute qui est un régime du droit commun que la victime peut invoquer. Cette possibilité d’invoquer le droit commun de la responsabilité pour faute est importante en raison du constat que le régime spécial constitue un recul dans le droit des victimes, sur un certain nombre de points. Il en est ainsi du délai de prescription de l’action en justice, laquelle ne peut être intentée que 3 ans à compter du dommage et 10 ans à compter de la mise en circulation du produit ( C.civ art. 1245-15 et 1245-16), alors que l’action fondée sur le droit commun se prescrit par 10 ans à compter de la consolidation du dommage corporel (C.civ art. 2226). Il en va de même de la responsabilité subsidiaire du fournisseur professionnel ou de l’exonération pour le risque de développement, inconnus du droit commun. Il s’agit de la faute au sens du droit français de la responsabilité qui se caractérise par un principe général énoncé à l’ancien article 1382 (C.civ art 1240) selon lequel toute faute engage la responsabilité de son auteur. Cependant, le juge peut enrichir la faute par la découverte de nouveaux devoirs généraux dont la violation engage la responsabilité de son auteur. Il en est ainsi de la faute de prévention, de vigilance ou même de précaution que le juge a retenu face à des risques scientifiquement incertains. La preuve de ces fautes peut être facilitée par le droit d’accès du public aux informations relatives à des émissions dans l’environnement, garanti par la convention d’Aarhus du 25 juin 1998 et la directive européenne du 23 novembre 2003. Outre ces fautes, on pourrait également invoquer l’atteinte à un droit fondamental dont la violation est constitutive de faute de nature à engager la responsabilité. Nous pensons en particulier au droit à un environnement sain et équilibré, garanti par l’article premier de la Charte de l’environnement ou au droit à la santé.

-le régime de la responsabilité du fait des choses peut être enfin invoqué. En effet les victimes pourraient agir sur le fondement du droit commun de la responsabilité du fait des choses. Cette possibilité suppose tout d’abord, que cette responsabilité ait un fondement différent du défaut sur lequel repose la directive du 25 juillet 1985. Or, pour l’instant, aucun arrêt de la cour de cassation n’a permis de trancher cette difficulté. Ensuite, cela suppose que l’on distingue la garde du comportement et de la structure pour permettre à celui qui manipule le produit, gardien du comportement, d’agir contre le fabricant de la structure. Cette dissociation appliquée en jurisprudence à des choses dotées d’un dynamisme propre, pourrait trouver à s’appliquer aux pesticides.

Il n’est pas anodin de savoir qu’il existe également une responsabilité pénale pouvant peser sur les agriculteurs qui osent pulvériser les pesticides à proximité d’endroits très sensibles comme les écoles, les maisons d’âgés… Les victimes pourraient, dans ces genres de situations, invoquer la mise en danger d’autrui conformément aux dispositions du code pénal français.