Le reporting extra-financier  « consiste à mesurer la performance  d'une organisation en matière de développement durable, à en communiquer les résultats puis à en rendre compte aux parties prenantes internes et externes ». Ce reporting peut épouser des formes diverses, l'ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 et son décret d'application n° 2017-1265 du 9 août 2017 modifient le visage du droit français sur le sujet avec un nouveau socle qui est la déclaration de performance extra-financière .
Comme le rappel l'article L225-102-1 du code de commerce : « Une déclaration de performance extra-financière  est insérée dans le rapport de gestion prévu au deuxième alinéa de l'article L. 225-100, lorsque le total du bilan ou le chiffre d'affaires et le nombre de salariés excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'État:
 1o Pour toute société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé;
 2o Pour toute société dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ».
A première vue, la réforme est purement technique mais cette caractéristique ne doit pas masquer les régressions et les omissions qu'elle contient.

Alors, sur certains points, le nouveau dispositif constitue une régression au regard de l'objectif de comparabilité des entreprises par les consommateurs et les investisseurs et plus généralement par les parties prenantes. Son soubassement est fondé sur une déclaration de performance extra-financière qui privilégie la souplesse sur la notion d'image fidèle et la logique de reddition. Certes, le nouveau dispositif prévoit des garde-fous mais ils ne constituent pas une digue suffisamment solide sur laquelle le storytelling fabriqué par les services communication de certaines grandes entreprises viendra automatiquement se fracasser. La liberté des entreprises l'emporte sur la comparabilité de l'information extra-financière. Belle illustration de l'influence de la soft law sur la conception de la hard law. On peut aussi y voir une illustration de la résistance à la norme étatique de la part de certaines grandes entreprises qui considèrent que la transparence extra-financière doit relever de l'autorégulation ou de l'autopoïèse.

Le droit de la transparence extra-financière  relève de la « soft hard law » comme en témoigne le maintien d'une simple injonction de communication dans l'ordonnance du 19 juillet 2017, en cas d'absence de déclaration de performance extra-financière  dans le rapport de gestion, alors que le législateur avait envisagé dans le passé de durcir la sanction. Les personnes, qui définissent la sanction comme une contre-mesure destinée à abolir les effets de la violation de la règle, s'en contenteront. Les autres regretteront que l'ordonnance sous commentaire ne reprenne pas à son compte l'idée, mentionnée dans la directive du 22 octobre 2014, d'une responsabilité collective des membres des organes d'administration ou de surveillance de la société en cas d'absence de déclaration de performance extra-financière. Certes, cette omission n'est pas dirimante car elle n'interdit pas un recours au droit commun mais la mention aurait eu un indéniable effet psychologique à l'égard de la technostructure des entreprises et aussi à l'égard du juge.

Autre réticence, l'injonction de communication ne résout pas les questions liées à une déclaration incomplète ou trompeuse. Il sera vraisemblablement répondu à cette critique que la sanction n'est pas une caractéristique inhérente à chaque règle de droit mais qu'elle peut trouver sa source dans le système juridique. Certes, l'analyse d'un possible recours à d'autres branches du droit est fertile sur le plan théorique mais à ce jour la moisson est pauvre. Il est pourtant possible d'envisager une éclaircie grâce à une disposition, issue du décret du 9 août 2017, selon laquelle les déclarations de performance extra-financière, sans préjudice de la publicité inhérente au rapport de gestion, doivent être rendues aisément accessibles sur le site internet de la société au profit du public. La publicité télématique doit intervenir dans un délai de huit mois à compter de la clôture de l'exercice et durer pendant cinq années.

Cependant, le décret no 2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale (RSE) a complètement remanié la rédaction des dispositions relatives aux obligations d'informations sociales et environnementales devant figurer dans le rapport annuel.
En application de l'article L. 225-102-1 dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 juillet 2017 (V. comm. ss. cet art.), ces informations doivent désormais figurer dans une déclaration de performance extra-financière  insérée dans le rapport annuel.
L'article R. 225-104, dont la rédaction est à nouveau remaniée par le décret no 2017-1265 du 9 août 2017, fixe désormais les seuils d'obligation, évalués à la date de clôture de l'exercice, pour les sociétés d'une certaine taille cotées et non cotées sur un marché réglementé: respectivement 20 et 100 millions d'euros pour le total du bilan, 40 et 100 millions d'euros pour le montant net du CA, 500 et également 500 pour le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l'exercice; si ces sociétés excèdent ces seuils, elles sont tenues de fournir les informations en cause (sur le cas des groupes, V. comm. ss. art. L. 225-102-1).
L'article R. 225-105 apporte des précisions sur le contenu de la déclaration de performance extra-financière  à insérer dans le rapport annuel en ce qui concerne ces informations. L'article R. 225-105, II, fixe deux listes de renseignements à fournir, lorsqu'elles sont pertinentes, d'une part par toute société visée par l'obligation, d'autre part par les seules sociétés cotées sur un marché réglementé (lutte contre la corruption, action en faveur des droits de l'homme, dont la promotion et le respect des conventions fondamentales de l'OIT sur certains points: art. R. 225-105, II, B).

On notera que les grandes sociétés cotées, avant les réformes de 2012 et de 2017, publiaient déjà largement des informations sociales et environnementales, soit au titre du code de commerce, soit au titre des règles d'information du marché, et établissaient souvent en pratique des rapports sur le «développement durable» en suivant des normes admises au plan international. La mise en application de la réforme intervenue en France est plus cruciale pour les sociétés non cotées: en effet, les informations demandées sont nombreuses, variées et parfois redondantes et les seuils imposés par le texte sont bas, ce qui fera peser des obligations lourdes sur les PME concernées. D'une façon générale, un certain nombre d'informations énumérées ne sont pas pertinentes, compte tenu du secteur d'activité – notamment dans le secteur des services – ou de l'organisation de l'entreprise: c'est la raison pour laquelle la déclaration de performance extra-financière insérée dans le rapport de gestion pourra se borner aux informations «pertinentes» au regard des principaux risques liés à l'activité de la société ou des politiques qu'elle applique pour prévenir ces risques (art. R. 225-105, II, al. 1er); elle devra alors mentionner les informations non produites et s'en expliquer (art. R. 225-105, I, 3°).

Avec ce décret d’application, la RSE change réellement d'orientation et d'assertion dans le milieu de l'entreprise. Elle est désormais intrinsèquement liée à la performance globale de l’entreprise et sa capacité à générer de la valeur ajoutée est – enfin – reconnue.  L’exigence d’indicateurs clés de performance constitue un élément décisif dans sa mise en œuvre et son pilotage, et induit une plus forte implication des dirigeants des entreprises. A l’heure de la prolifération des questionnaires extra-financiers auxquels sont soumises les entreprises du monde entier, la future déclaration de performance extra-financière devrait constituer le nouveau cœur de la communication extra-financière  appelée à s'adresser aux parties prenantes de plus en plus désireuses d’interagir avec les entreprises.

Références

(1)Dalloz, commentaires, Le nouveau visage du reporting extra-financier français – Nicolas Cuzacq – Rev. Sociétés 2018. 347 ;

(2) Bertrand Desmier – Directeur de la Business Line RSE de Tennaxia.