Dans l’affaire du 4 mai 2018, des citoyens européens attaquent le Règlement 2016/646 de la Commission européenne du 20 Avril 2016 modifiant le règlement (CE) n° 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers, considérant qu’il entraine une détérioration de la qualité de l’air leur portant ainsi préjudices. Le tribunal va rejeter le recours et considérer que les préjudices, moral et matériel, soulevés par les requérants n’ont pas été suffisamment prouvés.


Le taux d’émission de polluants produit par les véhicules est réglementé au sein de l’Union européenne par les normes Euros. Aujourd’hui, c’est la norme Euro 6 qui s’applique et fixe les valeurs limite d’émissions que les véhicules ne peuvent dépasser pour quatre polluants : le dioxyde d’azote, les hydrocarbures non brûlés, le monoxyde d’azote et les particules fines.

Le respect de ces limites polluantes est un préalable obligatoire à l’immatriculation des véhicules, à leur mise en vente ou en service des véhicules particuliers et de transport, selon l’article 10 du règlement 715/2007. Ainsi, au préalable, une certification doit être octroyée par les Etats membres en vertu de l’article 3 de la directive 2007/46/CE du 5 septembre 2007.

Afin d’établir si les véhicules respectent le seuil d’émission imposé au niveau européen, des essais sont effectués sur les véhicules en laboratoire (NEDC, WLTP) et sur route (RED). Ces essais sont détaillés aux annexes du Règlement 692/2008.
Initialement l’essai se déroulait uniquement en laboratoire. Seulement ces estimations ne traduisaient pas le niveau réel d’émissions polluantes en conditions de conduite réelles sur route. C’est pourquoi des procédures d’essai sur route, RDE, ont été introduites par le Règlement 2016/427.

La Commission a fixé les valeurs de non dépassement d’émissions de dioxyde d’azote pour les essais en conditions de conduite réelles (essais sur route) à une valeur de 168mg/km, plus élevée que celle de la norme Euro 6, fixée par le règlement 715/2007 à 80mg/km. C’est ce point qui est contesté dans cette affaire T 197/17, du 4 mai 2018,

En effet, les requérants, 1429 personnes physiques privées, considèrent que le Règlement 2016/646 de la Commission du 20 avril 2016 portant modification du règlement (CE) n° 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6) leur a causé des préjudices matériels et physiques.

L’adoption dudit règlement leur aurait causé un préjudice matériel du fait de la détérioration de la qualité de l’air notamment car cette différence de seuil entrainerait la mise en circulation de véhicules plus polluants. Le préjudice moral serait causé par le comportement de la Commission qui entraine la crainte de voir leur santé et celle de leurs proches se dégrader du fait de la pollution atmosphérique, que l’action des autorités européennes en matière de lutte contre la pollution de l’air devienne ineffective. La demande est fondée sur l’article 340 alinéa 2 du TFUE qui prévoit qu’« en matière de responsabilité non contractuelle, l'Union doit réparer (…) les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions ».

Les requérants demandent, pour chacun d’eux, en réparation du préjudice matériel 1€ symbolique et 1000€ en réparation du préjudice moral. Ils demandent également que soit faite injonction à la Commission de fixer les seuils prévus par le règlement. En défense, la Commission conteste la recevabilité en considérant que la requête indemnitaire n’est pas fondée.

Le tribunal considère que les demandes indemnitaires doivent être rejetées car elles sont dénuées de tout fondement en droit, il n’y pas donc pas lieu de statuer sur la recevabilité. De plus, il est de jurisprudence constante que pour engager la responsabilité de la Commission sur le fondement de l’article 340 alinéa 2 du TFUE, trois conditions doivent être remplies sous peine que le recours soit rejeté d’office.

Les conditions sont les suivantes :
- l’illégalité du comportement reprochée à l’institution concernée doit constituer une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers ;
- la réalité du dommage ;
- l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué.

Le tribunal ne se prononce pas sur le caractère illégal dudit Règlement. Il considère qu’« il apparaît manifestement que les préjudices dont les requérants s’estiment victimes sont insuffisamment démontrés ou qu’ils ne constituent pas des préjudices réparables ».

Pour engager la responsabilité de la Commission le préjudice doit être réel et certain, la charge de la preuve incombe au demandeur. Or les demandeurs n’ont pas démontré la réalité et l’étendue du préjudice matériel qu’ils auraient subis individuellement.

En effet, le tribunal considère que « les requérants n’ont pas démontré à suffisance de droit le caractère réel et certain des préjudices matériels qu’ils prétendent avoir subis ou devoir subir ». Concernant le préjudice moral, le tribunal considère que la perte de confiance avancée par les demandeurs ainsi ne peut constituer un dommage moral réparable. Le tribunal considère que « l’ensemble du recours doit être rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit » ainsi, en vertu de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal il peut statuer par voie d’ordonnance motivée sans poursuivre la procédure.