En matière de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE), la France est considérée comme l’un des pays précurseurs. Dès 2001, la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) demandait à l’ensemble des sociétés cotées de publier dans leur rapport de gestion des informations sociales et environnementales (1).

Cette impulsion a été approfondie et étendue par la loi « Grenelle II » du 12 juillet 2010, et son décret d’application du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale. Il s’agit, en droit français, d’un nouveau départ du reporting extra-financier (2). Ce dernier connaît une profonde mutation par l’ordonnance n°2017-1180 du 19 juillet 2017 qui transpose en France la directive n°2014/95/UE. Cette directive instaure la déclaration de performance extra-financière considérée comme un nouvel horizon de la transparence extra-financière au sein de l’Union européenne (3).

La transposition française de la directive 2014/95/UE instituant la déclaration de performance extra-financière constitue une évolution majeure du reporting extra-financier. Complétée par le décret n°2017-1265 du 9 août 2017, l’ordonnance introduit un nouvel article L. 225-102-1 dans le code de commerce qui apporte des changements dans le champs des sociétés concernées ainsi que dans le contenu du reporting extra-financière.


Les changements relatifs aux sociétés concernées


Le nombre de sociétés cotées concernées par le décret a été réduit (4) : il s’agit à présent des sociétés cotées selon des seuils fixés (20 millions d'euros pour le total du bilan, à 40 millions d'euros pour le montant net du chiffre d'affaires et à 500 pour le nombre moyen de salariés permanents). Pour les sociétés non cotées, les seuils fixés sont identiques à ceux de l’ancien décret du 24 avril 2012 (100 millions d’euros pour le total du bilan, à 100 millions d’euros pour le montant net du chiffre d’affaires et à 500 pour le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice).

Les formes juridiques concernées ont été élargies (5): l’obligation de produire un reporting extra-financier concerne les sociétés cotées ou non qui ont la forme de société anonyme (SA), société en commandite par action (SCA), sociétés européenne ayant leur siège social en France et société en nom collectif (SNC) lorsque l’ensemble des parts de ces sociétés sont détenues par des personnes ayant l’une des formes suivantes ou une forme juridique comparable de droit étranger : société anonyme (SA), société en commandite par actions (SCA), société à responsabilité limitée (SARL) ou société par actions simplifiée (SAS).

Les SAS et les SARL ne sont pas concernées par les obligations, sauf si elles relèvent du secteur financier comme établissement de crédits. A ce propos, sont également assujetties à cette obligation, sous certaines conditions, diverses entités qui l’étaient déjà ou à qui est étendu le dispositif du reporting extra-financier : établissements de crédit, sociétés d’investissement, sociétés financières holding, entreprises mères, entreprises d’assurance, Groupes des sociétés etc.
 
Les sociétés concernées, lorsqu’elles établissent des comptes consolidés, devront publier une déclaration consolidée de la performance extra-financière dès lors que l’ensemble des sociétés incluses dans la consolidation excède les mêmes seuils. En contrepartie, les filiales qui dépassent les seuils précités sont exemptées de la production du reporting extra-financier lorsque la société mère produit ce même reporting de manière consolidée, y compris si cela est fait en application du droit applicable dans un autre État membre de l’UE.

Enfin, la France maintient l’obligation d’y procéder pour les sociétés non cotées qui dépassent certains seuils alors que la directive offrait aux États membres la faculté de les exempter de cette obligation. Par ailleurs, les sociétés non concernées par l’obligation de procéder au reporting extra-financier ont la liberté d’y souscrire volontairement.


Les changements relatifs au contenu


C’est le décret n°2017-1265 du 9 août 2017 qui apporte des changements dans le contenu du reporting extra-financier (6) : l’article R. 225-105 du code de commerce vient préciser que la déclaration de performance extra-financière doit présenter le modèle d’affaires de la société et pour chaque catégorie d’informations concernées une description des principaux risques, une description de politiques appliquées par l’entreprise y compris le cas échéant les procédures de diligences raisonnable mises en œuvre pour prévenir, identifier, et atténuer la survenance des risques et les résultats de ces politiques incluant les indicateurs clés de performance, KPI. Il est précisé de plus que la déclaration doit expliquer de façon claire et motivée les raisons pour lesquelles la société n’applique pas de politique en ce qui concerne un ou plusieurs risques.

Il existe une possibilité de renvoyer au plan de vigilance (7). L’article L.225-1, III prévoit que la déclaration peut renvoyer le cas échéant aux informations mentionnées dans le plan de vigilance prévu au I de l’article L.225-102-4. On peut alors imaginer des renvois tant sur la cartographie des risques que sur les différentes mesures de prévention en gardant à l’esprit que seules les sociétés cotées doivent rendre compte dans la déclaration des domaines des droits de l’homme (8).

La déclaration doit bien être intégrée au rapport de gestion de l'entité. Elle doit être disponible sur le site Internet de la société dans un délai de huit mois à compter de la clôture de l’exercice et pendant une durée de cinq années. Il est indiqué la procédure de recours à suivre au cas où le rapport de la société ne comporte pas la déclaration. Il est précisé que les États membres de l’UE peuvent se contenter d’instaurer une injonction de communication puis que la directive leur demande de mettre en place ces procédures à la disposition de toutes personnes et entités juridiques ayant un intérêt légitime (9).

Enfin, un changement notable est que cette déclaration de performance extra-financière propose une approche par la matérialité (10). Il s’agit d’une approche qui permet l’ identification et la priorisation des enjeux majeurs de nature environnementale, sociétale et de gouvernance. Il s’agit d’une culture de la pertinence.

Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er septembre 2017. Toutefois, la déclaration de performance extra-financière concerne l’exercice 2018 des entreprises (11).

Références

(1)Béatrice PARANCE, “ La déclaration de performance extra-financière, nouvelle ambition du reporting extra financier ”, la semaine juridique, Lexis Nexis, N°44-45, 30 octobre 2017, p. 1976
(2)Catherine MALECKI, “ Le décret du 24 avril 2012 relatif “ aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale ”, Bulletin Joly-Sociétés, Juillet-Aout 2012, p. 590
(3)Nicolas CUZACQ, “ la directive du 22 octobre 2014, nouvel horizon de la transparence extra-financière au sein de l’UE ”, Revue des sociétés , décembre 2015, p. 707
(4)Béatrice PARANCE, Op.Cit, p. 1977 voir aussi Nicole NOTAT et Jean-Dominique SENARD, “ l’entreprise, objet d’intérêt collectif ”, Rapport aux ministres de la transition écologique et solidaire, de la justice, de l’économie et des finances,, du travail, Paris, 9 mars 2018, pp. 99-101
(5)Idem
(6)Nicole NOTAT et Jean-Dominique SENARD, “ l’entreprise, objet d’intérêt collectif”, Rapport aux ministres de la transition écologique et solidaire, de la justice, de l’économie et des finances,, du travail, Paris, 9 mars 2018, pp. 99-101
(7)Idem
(8)Idem
(9)Idem
(10)Béatrice PARANCE, Op. Cit, p.1979
(11)Nicole NOTAT et Jean-Dominique SENARD, “ l’entreprise, objet d’intérêt collectif”, Rapport aux ministres de la transition écologique et solidaire, de la justice, de l’économie et des finances,, du travail, Paris, 9 mars 2018, p. 101